Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

LA PEINE DE MORT EN U.R.S.S. une raison pour le perpétuer dans la législation soviétique ? Le décret sur « la trahison de la patrie » a été suivi d'effet. C'est ainsi que le matelot Voronkov, du Marat, a été condamné à mort ; tous ses parents sont emprisonnés pour 10 ans, pour « complicité possible, même passive ou inconsciente» (Temps, 7 novembre 1934). Le matelot Kovalenko, qui aurait tenté sans succès de quitter son bord, le Marat, a été condamné à mort, ses camarades Poutchinine et Kozlov à I o ans de prison pour ne l'avoir pas dénoncé (Izvestia, 23 novembre 1934). DÉCRET SUR LA PEINE DE MORT pour réprimer la criminalité parmi les individus d'âge mineur (lzvestia, 8 avril 1935) Afin de liquider au plus vite la criminalité parmi les individus d'âge mineur, le Comité exécutif central et le Conseil des commissaires du peuple de l'U .R.S.S. décrètent : 1. Les individus d'âge mineur, à partir de l'âge de 12 a_ns, coupables de vols, de violences, de coups et blessures, dè meurtres et tentatives de meurtres, seront traduits devant les tribunaux criminels avec application de toutes les mesures prévues au Code pénal ; 2. Les personnes convaincues d'avoir incité ou attiré des individus d'âge mineur à participer à des crimes, ou à s'adonner à la spéculation, la prostitution, la mendicité, etc., seront punies d'au moins 5 ans de prison; 3. L'art. 8 des « Principes de législation criminelle de !'U.R.S.S. et des Républiques fédérées » est abrogé; 4. Les gouvernements des Républiques fédérées sont invités à conformer leur législation pénale au présent décret. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ EXÉCUTIF CENTRAL : M. KALININE. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DES COMMISSAIRES DU PEUPLE : V. MOLOTOV. LE SECRÉTAIRE DU COMITÉ EXÉCUTIF CENTRAL : I. AKOULOV. Moscou, 7 avril 1935. Aux termes de ce décret monstrueux, sans précédent connu dans aucune législation d'aucun pays ni d'aucune dictature, les enfants à partir de l'âge de 12 ans tombent sous le coup de tous les décrets sur la peine de mort applicables aux adultes pour vol, indiscipline au travail ou « trahison de la patrie ». Quelques jours après sa promulgation, il a été suivi d'effet. C'est ainsi qu'un jeune voyou, Leppe, dont l'âge n'est pas indiqué dans les journaux soviétiques, ayant volé dans un train le portefeuille d'un voyageur et frappé celui-ci (sans le tuer), en novembre 1934, c'est-à-dire six mois avant l'existence du décret, a été condamné à mort et fusillé. Au congrès syndical de la Fédération unitaire de l'Enseignement (tendance communiste), tenu à Angcn, en aodt 1935, le décret sur la peine de mort appliquée aux enfants de 12 ans, lu à la Biblioteca Gino Bianco 35 tribune, a suscité une émotion et une indignation générales. Les zélateurs à tout prix de Staline n'hésitèrent pas à traiter de faux ce document authentique et à crier à la calomnie. Mis en présence des Izvestia contenant le texte du décret, ils se turent, consternés, mais vingt-quatre heures plus tard, après réflexions et sans doute instructions reçues de l'extérieur, revinrent devant le congrès pour affirmer qu'en U.R.S.S. les enfants de 12 ans, par leur précocité et leur éducation, sont pleinement responsables de leurs actes, comme les adultes. Sans commentaires. Après Staline IL EST IMPOSSIBLE de démêler l'embrouillamini juridique des lois, décrets, amendements, règlements, circulaires, etc., qui tiennent lieu de Code pénal en U.R.S.S., si l'on s'efforce d'établir la vérité sur l'application actuelle de la peine de mort en se fondant sur les textes. Les choses se compliquent encore du fait que le Soviet suprême adopte à Moscou des « Principes » dont il laisse aux Républiques fédérées le soin de codifier les modalités d'application. Et en outre, le pouvoir soviétique réel, c'est-à-dire la direction du Parti, a toute licence de violer les lois, de les considérer comme autant de « chiffons de papier ». C'est ainsi qu'une loi du 26 mai 1947 abolissant la peine de mort « en temps de paix », sans abroger les lois et décrets précédents, n'a pas empêché les tueries subséquentes mentionnées notamment par Khrouchtchev dans son discours au XXe Congrès et sur lesquelles le gouvernement actuel n'a jamais fait la lumière : « l'affaire de Léningrad »,par exemple, et l'on sait que « l'affaire des médecins » devait finir, n'était la mort de Staline, par une série d'exécutions capitales et par un pogrome général. Après Staline, les successeurs ne se sont pas gênés pour régler le compte de Béria et de ses collaborateurs sans se soucier de la loi du 26 mai 1947. La condamnation à mort d'Agabekov, puis de Baguirov, tous deux entourés de « complices », les multiples condamnations à mort indéchiffrables en Géorgie, etc., ont montré quel cas les disciples de Staline font de leurs propres lois quand ils estiment préférable de passer outre. On ne cite là comme exemples que le sort de personnages ayant occupé les plus hauts postes de l'Etat, notamment dans la police. Il a fallu attendre jusqu'au 25 décembre 1958 pour que le Soviet suprême adopte une loi sur les « crimes d'Etat» valable pour l'ensemble de !'U.R.S.S., et jusqu'au 13 avril 1959 pour que soit approuvée la première liste d'anciennes lois ,

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