34 modernes, et qui ne fait aucune allusion à l'im- . portance du délit ni ne prévoit aucune échelle de peines, des milliers de malheureux ont été exécutés. L'appréciation des circonstances atténuantes est laissée à l'arbitraire des cc juges » ou des policiers. C'est ainsi que, d'après un rapport 18u procureur général Akoulov, publié dans la Pravda du 28 avril 1934, on remarque des contrastes comme celui-ci : Praskova Schpek, âgée de 28 -ans, kolkhozienne, mère de trois enfants en bas âge, et Anna Pachtchenko, 40 ans, kolkhozienne indigente, illettrée, ont été condamnées à 10 ans de détention pour vol de 4 kg de grains ; alors qu'un nommé Iaroslavski, directeur de fournils, n'a été condamné qu'à 13 mois de travail obligatoire pour vol de 3.700 kg de pain. DÉCRET SUR LA PEINE DE MORT ET L'INSTITUTION DES OTAGES pour réprimer la « trahison de la patrie » (Izvestia, 9 juin 1934) Le Comité exécutif central de !'U.R.S.S. décrète Le Règlement relatif aux crimes d'Etat (contre-révolutionnaires et crimes contre l'ordre administratif particulièrement dangereux pour !'U.R.S.S.) est complété par les articles I-I à I-1v dont voici le texte : 1-I. La trahison de la patrie, c'est-à-dire les actions accomplies par des citoyens de !'U.R.S.S. au détriment de la puissance militaire de !'U.R.S.S., son indépendance nationale ou l'intégrité de son territoire., comme : espionnage, livraison de secrets d'Etat ou militaires., passage à l'ennemi, fuite ou envol (en avion) à l'étranger., sont punies de la peine capitale, avec confiscation· de tous les biens., et., en cas de circonstances atténuantes., de 10 ans de prison avec confiscation de tous les biens; I-n. Les mêmes crimes accomplis par des militaires sont punis de la peine capitale avec confiscation de tous les biens ; !-III. En cas de fuite ou d'envol (en avion) à l'étranger d'un militaire, les membres adultes de sa famille., s'ils ont en quoi que ce soit favorisé la préparation ou l'accomplissement de la trahison., ou même seulement s'ils l'ont sue mais ne l'ont pas dénoncée aux autorités., sont punis de 5 à 10 ans de prison avec confiscation de tous les biens. Les autres membres adultes de la famille du traître., vivant avec lui à ou sa charge lors de la trahison, sont privés de droits électoraux et déportés pour 5 ans dans les régions lointaines de la Sibérie ; I-IV. La non-dénonciation de la part de militaires, quant à la préparation et à l'accomplissement de la trahison., entraîne 10 ans de prison. La non-dénonciation de la part des autres citoyens (non militaires) est poursuivie conformément à l'art. 12 du présent règle-. ment. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ EXÉCUTIF CENTRAL : M. KALININE. LE SECRÉTAIRE DU COMITÉ EXÉCUTIF CENTRAL : A. MEDVÉDIEV. Moscou., Kremlin., 8 juin 1934. Aux termes de cet extraordinaire décret, le simple fait pour un civil de quitter l'U.R.S.S. sans autorisation, même en temps de paix, est considéré comme fuite cc à l'étranger», donc comme cc trahison de la patrie ». Biblioteca Gino Bianco I DIX ANS APRÈS STALINE Pour la première fois est codifiée la pratique abominable des otages, déjà mise en vigueur par le Guépéou, mais alors sans texte de loi. Il est bien spécifié que tous les parents adultes du condamné sont punis de 5 à 10 ans de prison, pour le seul fait d'avoir su sans dénoncer (et comment prouver le contraire, dans les conditions soviétiques.?)et de 5 ans de déportation en Sibérie septentrionale (zone polaire), ce qui équivaut souvent à la mort, même s'ils n'ont rien su. A ce sujet, N. Krylenko, commissaire à la Justice, dans un rapport publié par les Izvestia (n° 37, 12 février 1936), a déclaré : « Cette loi fut adoptée sur l'initiative directe du plus grand chef des travailleurs, le camarade Staline. » Et ensuite : cc Cela ne signifie pas que cette loi soit due à un grand nombre de quelconques trahisons. Elle exprime seulement le profond sentiment de révolte, d'indignation et de mépris envers les traîtres, etc. » Et plus loin : « Pour les libéraux et les opportunistes de toute espèce, il s'ensuivrait tout le contraire. Plus le pays est fort, plus nous pourrions être indulgents à nos ennemis. Non, et encore une fois non ! Plus le pays est fort, plus il est puissant, plus le Parti et le gouvernement sont fortement liés à toute la population laborieuse (...) et plus grandes sont notre indignation et notre révolte envers ceux qui gênent notre construction socialiste [en s'en allant ?], et d'autant plus sommes-nous fondés à leur appliquer de dures mesures, etc. » Enfin : cc Quand on nous dit : comment, et les membres de la famille aussi sont responsables ? Nous disons : eh bien, et puis après ? Ce n'est pas la première fois dans l'histoire de notre révolution que nous recourons à cette forme de répression. »Suit une référence justificative à une phrase de Lénine : cc Responsabilité personnelle des excapitalistes ou propriétaires d'entreprise dans toutes les Directions centrales de l'industrie (par l'emprisonnement, l'exécution des ex-capitalistes, l'arrestation de leurs familles). » Or, vérification· faite dans le Recueil Lénine . n° 21, p~ 183, où figure le texte cité : I. la phrase se trouve dans un brouillon de résolution proposée par Lénine au Conseil des commissaires et elle est biffée de la main même de Lénine; 2. le Conseil des commissaires ne l'a pas retenue dans sa décision; 3. elle date de fin 1918, en pleine guerre civile, laquelle est terminée depuis quinze ans ; 4. elle vise les capitalistes de la veille, et non les habitants d'un pays sans capitalisme et sans bourgeoisie, selon la définition de ses dirigeants actuels; S· Krylenko parle en 1936 et en période normale; 6. Lénine n'a jamais songé à généraliser et à codifier pour l'avenir cette mesure de guerre civile, qu'il a lui-même effacée, que le Conseil des commissaires n'a jamais adoptée. Même si Lénine avait commis un crime contre ses propres principes et contre l'humanité, serait-ce
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