Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

30 « Amis de la Vérité sur l'U .R.S.S. », même date, ·et intitulée Bilan de la terreur en U.R.S.S., mais ce bilan de 1936 était alors très au-dessous de la cruelle réalité, faute d'informations sûres et suffisantes. Et les chiffres connus à ce moment ont été tellement dépassés par les atrocités h_allucinantes inscrites depuis au compte de Staline et de ses acolytes que l'on a le devoir, sur ce point, de crier la vérité, de hurler la vérité, comme disait à peu près Péguy, pour compenser la propagande trompeuse des coupables, le silence complice des complaisants et des incrédules. Abomination de la désolation: sous ce titre, à propos des massacres ordonnés en Hongrie par Khrouchtchev et consorts, le Figaro du 23 novembre 1956 publiait un article traitant succin~- tement des crimes de Staline e:t qui a surpris beaucoup de gens, mais qui a reçu confirmation étonnante par la suite. - L'auteur notait d'abord que le regretté Paul Berline, dans le B.E.I.P.I. (devenu Est et Ouest) du 1er février 1953, « supputant le nombre des victimes de la collectivisation rurale, des répressions meurtrières, des famines dues à la politique agraire, des camps de concentration, des opérations militaires insensées de Staline, etc., l' éva1uait prudemment à quelque 30 millions d'âmes ». Or ce chiffre restait encore très loin de la réalité. En effet : « Dans son livre sur La Trans/ormation économique de la Russie, paru en 1914, Edmond Théry, directeur de l' Economiste européen, c~lculait en statisticien désintéressé le futur accroissement normal de la population dans l'Empire d'après le taux de croissance constaté entre 1900 et 1912. Il prévoyait ainsi une population de 344 millions d'habitants en 1948. « A raison d'une augmentation annuelle d'environ 3 .millions, le total en 1956 devait donc atteindre 368 millions, duquel on doit retrancher les quelque 31 millions d'habitants de la Pologne et de la Finlande : restent 337 millions. Staline a chiffré les pertes de guerre, militaires et civiles, à 17 millions. Même sans lui imputer la coresponsabilité de cette guerre qu'il a réellement amorcée par son pacte avec Hitler, même sans lui attribuer les immenses tueries inutiles dont Khrouchtchev a révélé des cas effrayants, ce sont approximativement 320 millions d'âmes qu'il faudrait trouver à présent en U.R.S.S. « Mais après quinze années ~e silence, a!tern~es de truquages et de tromperies sur la situation démographique, la statistique officiellede Moscou a récemment avoué la vérité : 200 millions d'habitants. On aura beau défalquer encore, du nombre · théorique de 320 millions, quelques millions de victimes des calamités prétendues naturelles (en réalité, soviétiques) et encore d'autres millions Biblioteca Gino Bia co DIX ANS APRÈS STALINE d'unités absentes par déficit des naissances, c'est tout de même quelque 100 millions d'âmes, grosso modo, qui manquent à l'appel. « Autrement dit, Staline et ses complices, lesquels s'appellent Kaganovitch, Khr<?uchtchev, Molotov, Malenkov, Mikoïan, B.ol!lgarune, Y orochilov et consorts, ont extenrune au moms ~e tiers de la. population soviétique pour a_ffermir leur pouvoir. » On aura remarqué, en passant, la clause ~e style : « Même sans lui ~put~r la coresponsab!- lité de cette guerre qu'il a reellement amorcee par son pacte avec Hitler ... ,))En fait, Staline fut avec Hitler le principal « criminel de guerre », directement fauteur de la deuxième guerre mondiale. Comme l'a écrit François Mauriac dans un de ses bons jours (Figaro du 28 août 1952) : « Si Hitler n'avait pas commis la folie de sauter à la gorge de Staline, nos communistes n' eus~ent pas eu à se séparer de la Ré_sistancepo~r la ra~son " suffisante qu'ils n'en auraient pas fait partie. » Toujours est-il qu'avec toutes les restrictions possibles, tous les correctif~ et tout~s l~s nua?ces qu'il convient d'apporter a la proJection dune courbe démographique (compte tenu, entre aut~es, de l'industrialisation et de la concentration urbaine), il est constant que Staline et ses all?'iliaires ont fait périr plus du tiers de la popula~ion soviétique. Les calculs d'Edmond _T~éry_avaient été corroborés d'avance, pour amsi dire, par Vacher de Lapouge qui empruntait ses données à E. Levasseur (prévision : 320 millions en 1950) dans son cours de 1889-1890 à l'université de Montpellier, et par D. Mendéléiev (prévision : 282,7 millions en 1950) dans son ouvrage Pour connaître la Russie, Saint-Pétersbourg 1906, où il adopte un taux de croissance inférieur au taux réel. Voir à ce sujet l'article de Paul Barton : L;e déficit démographique en U.R.S.S., dans la presente revue, n° 6 de 1959. On rougirait d'ergoter autour du nombr~ effrayant de 1 oo millions de victimes comme si plusieurs millions en. plus ou en .moins modi~eraient la démonstration. M. Thierry Maulnier, · commentant ce sacrifice de vies humaines, a cru raisonnable d'en admettre comme possible la ·moitié.' Cependant un rec~upement _de source communiste, et d'une qualite exceptionnelle, a confirmé récemment l'argumentation antérieure en se fondant exclusivement sur le système des camps de concentration et en raiso~ant s~lo~ « une méthode rigoureusement marxiste », ecrit M. J elenski dans Preuves-In/ormations du 10 octobre 1961. Il s'agit d'un livre posthume du philosophe communiste polonais André Stawar, décé~é à Paris, honoré de funérailles nationales à Varsovie avant la parution de son livre. On y lit ce qui suit : Il y a, dans les camps de concentration, une norme de résistance humaine que les prisonniers savent bien vite évaluer. A Auschwitz, par exemple, on estimait qu'un homme de santé normale pouvait y rés~ster trois mois (ce qui n'empêche pas que des excepttons y aient survécu quelques années). Mais Auschwitz était

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