Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

LA PEINE DE MORT EN U.R.S.S. IL N'EST PAS INDISPENSABLE de lire des ouvrages volumineux aux aspects savants, compliqués de terminologie prétentieuse et surchargés de chiffres, pour se faire une idée juste du régime soviétique qui se prétend socialiste. Il y a des critères de civilisation qui ne trompent pas et le critère des critères, c'est le respect de la vie humaine, donc corollairement l'attitude de principe et le comportement pratique au regard de la peine de mort. Dans la présente revue, article sur Le rêve communiste et la réalité (n° 5 de l'année dernière), on a rappelé que les fondateurs de l'Etat soviétique réprouvaient, condamnaient catégoriquement la peine de mort, avant la révolution d'Octobre, avec l'unanimité du socialismeinternational. Au congrès socialiste de Copenhague en 1910, ils avaient vot~ la résolution qui tenait la peine de mort pour « un héritage barbare des ténèbres du Moyen Age 1, une « institution honteuse pour l'humanité civilisée », et concluait que « seule la puissance accrue du prolétariat organisé peut efficacement combattre cet outrage à l'humanité civilisée qu'est la peine de mort ». A l'unanimité des congressistes qui s'exprimait ainsi ont pris part Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, Plékhanov, Lounatcharski, Alexandra Kollontaï, Rosa Luxembourg, Clara Zetkin, Radek et Racovski, c'est-à-dire les socialistes les plus en vue qui devaient proclamer, sauf Plékhanov, que la révolution d'Octobre était l'œuvre du « prolétariat organisé » et, sauf Plékhanov et Rosa Luxembourg, se définir comme « communistes ». L'Etat soviétique se donnant pour un Etat «prolétarien», rien ne s'opposait à ce qu'il surprimât « cet outrage à l'humanité civilisée qu est la peine de mort » (Lénine et Trotski dixit). Or, que s'est-il passé ? L'article du Contrat social précité se référait à une démarche de Bertrand Russell, François Mauriac et Martin Buber adjurant Khrouchtchev d'abolir la peine de mort Biblioteca Gino Bianco appliquée en U.R.S.S. à l'occa~ion de , délia économiques et autres qu'il n'est généralement pas d'usage de punir de mort». Les signataires, dont l'intention louable n'est pas ici en cause, croyaient que « l'Union soviétique a été l'nn dea pays où la peine de mort n'existait pas » (le Monde, 7 avril 1962). Affirmation extraordinaire qui montre dans quelle ignorance des choses soviétiques et communistes se tiennent la plupartde~ intellectuels dans les démocraties occidentales. Aussi le même article jugeait-il nécessaire de faire état d'une brochure sur La Peine de mort en U.R.S.S., Textes et documents, éditée en 1936 par les « Amis de la Vérité sur !'U.R.S.S. », où étaient reproduits les décrets soviétiques en vertu desquels des mi11ions d'innocents, des millions, sans défense, sans témoins, sans aucune garantie de justice, ont été condamnés à mort dans « l'un des pays où la peine de mort n'existait pas•· Ce rappel nous a permis de constater que tout le monde ignore ladite brochure (systématiquement détruite par les communistes) et ignore surtout les réalités qu'elle enregistrait à l'époque. Plus d'un quart de siècle s'est écoulé depuis, et le dixième anniversaire de la mort de Staline a posé la question: n'était-il pas opRortun de reproduire cette documentation qui n a rien perdu de sa valeur, à l'usage de ceux qui, de nos jours, désirent sincèrement s'instruire sur le sujet et ne trouvent pas les textes, les preuves qui leur manquent? A quoi nos consultations ont abouti à une réponse affirmative, coïncidant avec les suggestions venues de part et d'autre. On réimprime donc ci-après ces matériaux d'histoire, indispensables à l'intelligence des affaires soviétiques. Ils n'appartiennent pas au passé, puisque !'U.R.S.S. d'aujourd'hui est le produit des mesures appliquées durant les années précédentes ou, si l'on préfère, parce que le passé est toujours présent et pèse sur l'avenir. On y joint l'essentiel d'une brochure complémentaire, également duc aux

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