Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

N. V ALENTINOV des opérations gratuites de remembrement des petites exploitations ». III. La jouissance organisée du sol devait revêtir une forme durable et la ferme ou les parcelles détachées de la communauté rurale pouvaient, sous le régime de la possession individuelle de l'entreprise agricole, avoir ce caractère. Le Code agraire de 1922 semblait laisser le libre choix quant à la jouissance. Mais, dans la pratique, la jouissance du sol se heurtait à la résistance des dirigeants communistes, des autorités locales et des organisations de paysans pauvres, lesquels voyaient dans les fermes ou les terres détachées de la communauté une forme d'entreprise incompatible avec la nature de l'économie rurale soviétique. La droite était convaincue que les paysans aisés et les koulaks, plus portés que les autres à exploiter des fermes ou des terres séparées de la communauté, seraient un facteur d'une grande importance pour le développement de l'agriculture et elle poussait le Parti à modifier son attitude à leur égard. Elle demandait dans son programme ... ... qu'il ne soit mis aucune entrave administrative à la création de fermes ou de terres séparées de la commu-- nauté rurale, et que le droit de chacun de choisir librement le mode de jouissance du sol soit rigoureusement observé. Une certaine similitude avec les mesures de Stolypine est évidente. Stolypine était hostile à la redistribution périodique des terres communautaires et préconisait leur remembrement pour implanter des entreprises paysannes sous forme de fermes ou de terres séparées de la communauté. En 1925, le programme agraire de la droite prenait la même direction. · Malgré cette analogie, la différence était grande. Stolypine voulait une exploitation agricole stable (et, bien entendu, non gratuite), une propriété privée acquise « pour toujours ». La droite acceptait une exploitation individuelle durable sur un sol nationalisé, donc nullement en toute propriété ou à perpétuité, mais jusqu'au moment où ce genre d'entreprise serait remplacé par un système de coopératives. De toute façon, la droite, une partie du chemin, marchait de front avec Stolypine. Du reste, très vite ce chemin fut barré : moins de deux ans plus tard, en octobre 1927, la session commune du Comité central et de la Commission centrale de contrôle prit la décision de « restreindre l'usage permettant la création de terres de culture, surtout de fermes séparées, et d'y mettre un terme définitif quand ces entreprises ont pour effet d'accroître les éléments capitalistes ». Cette décision sonnait le glas des fermes et des terres de culture séparées. L'idéologie de la droite était balayée. Un triste sort fut réservé aux opérations de remembrement déjà effectuées et grâce auxquelles des exploitations individuelles conformes aux règlements avaient été organisées. La collectivisation des campagnes lancée à la fin de 1927 ne tint aucun compte des Biblioteca Gino Bianco 21 bornes délimitant les terres à l'intérieur des agglomérations rurales. Elle ruina l'entreprise individuelle et les opérations de remembrement qui l'avaient implantée perdirent toute raison d'être. Travail accompli et crédits engloutis le furent en pure perte. IV. Depuis longtemps il existait dans les campagnes russes trois catégories sociales : les paysans pauvres, les paysans moyens et les paysans aisés. Les paysans pauvres, bien que recevant eux aussi, au prorata des membres de la famille, un lopin de terre de la communauté rurale, cultivaient peu ou même pas du tout, à cause du manque de bêtes de trait et de matériel agricole, ou parce que, comme les artisans, ils exerçaient une profession en dehors de l' agriculture. Leurs lopins, cependant, ne restaient pas incultes : ils les affermaient à des voisins qui possédaient de l'outillage, des bêtes de trait en excédent et de la main-d' œuvre en surnombre dans leur famille. La loi Stolypine accordait le droit de vente à celui qui ne pouvait ou ne voulait cultiver son lopin. Entre 1908 et 1914, plus d'un million de chefs de famille profitèrent de cette loi pour vendre 3.690.000 déciatines de terres. Après la révolution, nombre d'entreprises , agricoles continuèrent d'exister qui, pour une raison ou pour une autre, ne cultivaient pas ou ne cultivaient que partiellement la parcelle nationalisée reçue en partage. Mais ces exploitations ne pouvaient ni l'affermer ni, à plus forte raison, la vendre. Les entreprises qui disposaient en quantité suffisante de main-d' œuvre, de bêtes de trait et de matériel agricole auraient volontiers cultivé des terres en friche, mais elles ne pouvaient les prendre à ferme.. La loi sur la terre, abolissant la propriété privée du sol, stipulait : « La terre ne peut être ni vendue, ni achetée, ni affermée. » Le pays avait besoin d'une production accrue de céréales, donc d'une extension des surfaces emblavées. La terre ne manquait pas, mais elle restait en friche ; et si on la cultivait, c'était, suivant l'expression de Boukharine, en catimini. C'était là une des calamités du temps. En 1922, Lénine proposa au Soviet panrusse d'y remédier, mais la situation ne changea pratiquement pas, car les autorités locales, dans leur zèle excessif, ne toléraient pas le fermage qui, à leurs yeux, favorisait le koulak. Des accords portant sur l'affermage des terres n'en continuaient pas moins, mais ils se concluaient en cachette, à l'insu des communistes. Le programme de la droite tira le pays d'une situation absurde et préjudiciable. Il prescrivait de « donner (...) des instructions aux comités exécutifs de district et de canton pour qu'ils admettent un plus large exercice du droit d'affermer la terre pour une période n'excédant pas douze ans; d'éliminer les entraves mises à l'affermage des terres non cultivées relevant des associations paysannes et d'utiliser les revenus de ce fermage pour les be.,oim budgétaires du canton •·

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