N. VALENT/NOV (décembre 1927), dégagé de l'emprise de la droite, affirmera que « le groupement et la transformation des petites exploitations paysannes individuelles en grandes exploitations collectives » doit être considéré comme « la tâche fondamentale du Parti >~. La concession faite à la droite, suivant laquelle la collectivisation « ne pourrait se faire qu'avec l'accord des paysans travailleurs », fut purement verbale et temporaire. Aux discours de Rykov et de Molotov il faut ajouter celui que Boukharine prononça le 17 avril. D'une importance particulière, il devint la cible de l'opposition. En voici l'essentiel : La nep existe dans les villes, mais elle n'existe vraiment rù dans les campagnes ni dans l'industrie artisanale. L'industrie étant en passe de se renforcer, nous devons modifier notre politique de façon à réduire la pression administrative et libérer la circulation des marchandises. Cette libération n'est pas un danger. Ce dont on a besoin, c'est d'nne action administrative de moindre importance et d'nne plus grande lutte économique. Il faut combattre le capital privé non pas en fermant ses boutiques, mais en produisant des articles de meilleure qualité et moins chers que les siens. (...) Dans les campagnes, les rapports qui existaient sous le communisme de guerre n'ont pas changé. Le paysan aisé et le koulak ont peur de faire de l'accumulation. Le paysan qui veut couvrir son isba d'un toit métallique peut demain être déclaré koulak. Le paysan qui achète une machine fait en sorte que les communistes ne le sachent pas. L'amélioration technique s'accor11plit dans une atmosphère de conspiration. Le koulak est en butte à la pression administrative et le paysan moyen craint d'améliorer son exploitation, car il risque d'être classé parmi les koulaks et d'être l'objet de la même pression. Nous appliquons la même politique à une autre catégorie de la petite bourgeoisie : les artisans. Nous leur prenons la moitié ou presque de ce qu'ils produisent au moyen de l'impôt. Leur travail devient impossible et c'est pourquoi, à la campagne, des gens ne travaillent nulle part. Dans ces conditions, la maind' œuvrc excédentaire, le trop-plein de la population rurale ne peut pas être résorbé. Notre politique doit ~tre orientée de manière à lever, au moins en partie, les entraves qui freinent le développement de l'entreprise du paysan aisé et du koulak. Aux paysans, à tous les paysans, il faut dire : « Enrichissez-vous, développez votre exploitation et ne craignez pas qu'on vous prenne à la gorge. » L'appel : « Enrichissez-vous », qui rappelait celui de Guizot aux bourgeois français, provoqua de vives réactions chez les adversaires de la droite. K.roupskaïa, la veuve de Lénine, envoya sur-le-champ à la Pravda une protestation contre le slogan de Boukharine ; Staline, secrétaire général du Parti, « prisonnier » de la droite, interdit qu'on la publiât. Au fond, il n'y avait rien de scandaleux dans l'appel de Boukharine. La droite voulait des campagnes « prospères » ; appuyée sur elles, une puissante industrie - pierre d'assise du régime socialiste - devait ensuite se développer. Le droitier Dzerjinski s'indignait d'entendre Piatakov et autres opposants (de gauche) dire que « des campagnes prospères étaient un grave danger Biblioteca Gino Bianco 19 pour la constru·ctiondu socialisme». « Le malheur, s'écriait-il au Comité central de juin 1926, est qu'il y a chez nous des gens qui redoutent le bien-être des campagnes. Mais peut-on industrialiser le pays si l'idée de ce bien-être fait peur ? » Les déclarations que fit Boukharine, après avoir lancé le mot d'ordre : cc Enrichissez-vous », découlaient naturellement de ses conceptions, dont on ne pouvait guère contester la lucidité à moins d'avoir subi la contagion du communisme de guerre : En libérant les possibilités économiques du paysan aisé et du koulak, nous obtenons des plus-values permettant d'aider les petites exploitations. Il faut arriver à accroître le revenu national : alors seulement, nous pourrons épauler, non plus en paroles mais en fait, les paysans moyens et les journaliers. Certains camarades [Boukharine visait surtout Iou. Larine] prétendent que si le capitalisme dans les campagnes réussit à prendre de l'ampleur et que le koulak soit à même de disposer d'nne grosse exploitation, le propriétaire foncier réapparaîtra, ce qui nous obligera à faire une autre révolution, une révolution en quelque sorte supplémentaire à la campagne. J'estime cette manière de voir théoriquement erronée et pratiquement absurde. Si nous invitons les campagnes à accumuler et qu'en même temps nous disions que dans deux ans nous les exproprierons par la force, personne ne voudra accumuler quoi que ce soit. Si dans les pays bourgeois le paysan est intégré, par ses organisations coopératives, dans la bourgeoisie industrielle et bancaire, sous la dictature des ouvriers, étant donné les rapports entre le pouvoir et les organismes agricoles et grâce à la nationalisation du sol, nous conduirons par la coopération le paysan au socialisme. Il ne faut pas croire que, si nous poussons aux kolkhozes, les paysans y viendront plus vite. Certes, nous devons épauler les kolkhozes, mais on ne peut affirmer que c'est la voie que prendra la masse paysanne pour aller au socialisme. Nous devons amener le paysan au socialisme en nous appuyant sur ses intérêts particuliers. La coopération est capable de l'attirer par ses avantages immédiats : avec les coopératives de crédit, il obtiendra des fonds ; avec les coopératives de vente, il pourra vendre ses produits avec plus de profit. Le petit exploitant finira par être intégré dans notre système socialiste étatique, tout comme dans les pays capitalistes il l'est dans le système des rapports capitalistes. En exploitant les journaliers, le koulak fait de l'accumulation, tire de la plus-value, gagne de l'argent qu'il dépose dans sa coopérative de crédit ou dans nos banques. Ces dépôts nous fournissent des ressources supplémentaires que nous mettons en circulation comme nous l'entendons et non pas comme le voudrait le koulak. Ces ressources nous permettent d'accorder des crédits aux coopératives de paysans moyens et d'entraîner la grande majorité d'entre eux dans le développement économique. La lutte de classe ne disparaîtra pas d'emblée, mais on n'aura pas besoin, comm~ certains le croient, d'exproprier, par une autre révolution, les éléments capitalistes qui se développent à la campagne. A un moment donné, nous commencerons à les réduire à néant en multipliant les exploitations de paysans moyens et de paysans pauvres, en augmentant les impositions, enfin en dotant les campagnes d'une nouvelle technique. Est-ce là miser sur le koulak? Non. Mais n'y a-t-il pas là un encouragement à la lutte de classe à la campagne? Pas daftntage. Je ne suis nullement d'avis d'attiser la lutte de classe. Nous suivons une politique qui tend à développer la ,
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