Le Contrat Social - anno VI - n. 6 - nov.-dic. 1962

314 dans le monde communiste et Kennedy une position centriste dans le monde anticommuniste. Ni l'un ni l'autre ne peut se permettre d'irriter l'opinion à sa droite ou à sa gauche. » A Pékin, le 30 janvier, le Quotidien du Peuple cite Mao qui a dit : «S'il n'y a pas de contradictions, pas de luttes d'idées au sein du Parti, alors ce parti est bien malade.» Après toute une série d'échos, de péripéties jalonnant une «tension» croissante et ouvrant une perspective de «rupture », le ton change brusquement en avril, la «tension » se transforme en «détente», l'une et l'autre inexplicables en termes idéologiques. A la vérité, il n'y a sans doute rien à expliquer, par exemple quand, le 16 avril, un communiqué de Pékin rapporte que Tchou En-lai caractérise la situation internationale «par la prédominance du vent d'est sur le vent d'ouest»; qu'il estime que «le système capitaliste est sur le déclin» et préconise de «lutter pour une paix mondiale durable »; qu'il déclare que la Chine «tend à une coexistence pacifique » avec les pays de système politique différent, sur la base des Cinq principes de Bandung, et que «sa politique étrangère est approuvée par tous les peuples du monde », etc. Ce ne sont que clichés, sottises, mensonges et platitudes qui ne méritent pas les exégèses interminables des «experts » penchés sur les textes· reflétant la «détente », quitte à tout recommencer lors de la «tension » suivante. On ne discute pas avec des perroquets ou des gramophones marxistes-léninistes et rien ne sert de renouveler une argumentation restée valable. La seule exception à relever parmi les propos fastidieux des communistes sur leur discorde est celle de Luigi Longo qui, retour de Moscou, a fait en décembre 1961 au Comité central du parti communiste italien un rapport contenant un argument inédit. Selon Mao, d'après ce rapport, «les pays (du système socialiste) les plus avancés devraient régler leur pas sur celui des pays les plus attardés en mettant tout leur avantage matériel à la disposition de ces derniers pour en accélérer la marche» (Est et Ouest, n° 279, mai 1962). Ainsi, de même que dans un convoi maritime le navire le plus rapide doit ralentir pour ne pas semer en route le plus lent, l'Union soviétique devrait non pas rivaliser avec l'industrie et l'agriculture des Etats-Unis, mais réaliser une sorte de péréquation en s'imposant les sacrifices nécessaires pour se mettre au niveau économique de la Chine (et de l'Albanie) afin de ne pas le dépasser malgré ses trente ans d'avance. (Encore la comparaison avec un convoi souffre-t-elle d'une sensible différence, car le navire supérieur ne partage pas avec l'inférieur ses machines, sa cargaison et son combustible.) L'intellect d'un Mao donne là sa pleine mesure, à la confusion des «intellectuels» ineptes de la Sorbonne et d'ailleurs qui prennent ce type pour un penseur. Le même Mao, toujours spécialiste en «contradictions », avait hier la prétention d'instaurer sans délai le communisme par ses Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL propres moyens, d'un seul «bond en avant ». Et il ne craint pas de féliciter Moscou à chaque lancement de satellite dans l'espace, à chaque prouesse d'astronautique dont il ne peut ignorer le coût fantastique impliquant, outre de pénibles privations pour les peuples soviétiques, l'impossibiliter d'aider la Chine matériellement davantage. (Les dépenses insensées consenties pour les fusées, les ogives et les capsules, leur infrastructure et leurs instruments de précision, les laboratoires et le personnel, ne servent ici que· de symbole. Les budgets militaires et les gaspillages injustifiables atteignent en régime soviétique des proportions absolument monstrueuses, que Mao n'est pas près de critiquer.) Il va de soi qu'un conflit aussi peu idéologique restera insoluble tant que la Chine communiste n'aura pas changé de maîtres. * ,,.,,. UNE ÉPREUVE de patience, d'endurance et d'usure, compliquée de manigances obscures et de coups bas, se livre entre les épigones de Staline, blancs ou jaunes, concluait notre précédent article sur le même thème, sans préjuger des péripéties inattendues, et en rappelant que les «sans-scrupules conscients» du marxisme-léninisme travestissent leurs mesquineries en idéologie systématique. La récente démonstration guerrière des Chinois sur !'Himalaya est précisément une de ces péripéties ; Mao en escomptait probablement un regain de prestige, mais son succès local sur un pays faible n'a aucune portée, cependant que les «Cinq principes de Bandung » sur la coexistence pacifique se sont envolés comme plumes au vent d'Est. Si les démocraties d'Occi- _ dent avaient quelque idée de la guerre politique, le bilan de l'opération serait désastreux pour la Chine communiste. Il y aura d'autres épisodes. On peut compter sur l'inventeur des hauts fourneaux miniatures, du bond en avant, du tigre en papier et des communes faméliques pour faire le jeu de Khrouchtchev. Mao n'est pas seul, il y a certainement dans · son voisinage des hommes intelligents qui réprouvent sa politique, condamnent ses méthodes, ne servent son culte qu'à contre-cœur : à preuve les éliminations successives de personnalités importantes et les allusions fréquentes aux droitiers, aux opportunistes, suspects de révisionnisme. Ce sont eux, vraisemblablement, que vise Mao dans ses débordements d'insultes à l'adresse de Tito, qui impressionnent tant les «observateurs », les «analystes» du monde occidental. Qu'est-ce que Tito, vu de Pékin ? Il n'a de stature actuellement qu'à raison des attaques chinoises, lesquelles renflouent constamment ses finances en persuadant les Américains d'entretenir à grands frais son régime. De sorte que pour Tito, l'inimitié de Mao devient une véritable aubaine. Quant à Khrouchtchev, il se moque évidemment des

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==