Le Contrat Social - anno VI - n. 6 - nov.-dic. 1962

B. SOUV ARINB d'aide alimentaire directe, comme le supposent tant de commentateurs depuis la famine, car l'Union soviétique ne dispose nullement de surplus substantiels à offrir en dons ou à exporter à crédit. Il est hors de question qu'elle nourrisse des millions de Chinois affamés par Mao : seuls les Etats-Unis en sont capables. Une aide technique à la mesure restreinte des moyens soviétiques serait dans l'ordre des choses, mais elle a été accordée pendant une dizaine d'années sans désarmer la morgue et l'ingratitude chinoises, pour finir par le rappel des techniciens ; si ce rappel est total, .diverses hypothèses sont plausibles, sauf celle qui a eu cours en Occident et prêtait à Khrouchtchev le souci de soustraire son personnel technique à la propagande« dogmatiste»; la plus vraisemblable est que l'expérience déconseillait de continuer la collaboration avec des gens qui ne suivent pas les conseils et se rendent odieux à leurs instructeurs. C'est à propos des armements que Mao a dû éprouver les pires déceptions. Il eût été vraiment insensé de lui fournir sous ce rapport les moyens matériels d'appuyer ses provocations verbales et de lui permettre ainsi une politique extérieure contraire à celle du pouvoir soviétique, au nom d'une idéologie commune. Visiblement, Moscou n'a pas accordé ce qu'il fallait pour affronter . sérieusement le « tigre de papier » dans le détroit de Formose, ni pour hâter le progrès chinois sur le plan atomique. Depuis des années, il se trouve des devins en Europe et en Amérique pour annoncer une prochaine explosion nucléaire en Chine, tandis que Tchou En-lai s'avoue incapable de la prédire (cf. Khrouchtchev et Mao, notre numéro de mars 1961). Le 16 mars dernier, une dépêche de Belgrade à laquelle faisait écho, deux jours après, une « rumeur » de Hong Kong, avisait le public des deux mondes au sujet de ladite bombe imminente. Le 28 août, certains « observateurs » qui n'ont rien à observer mandent de Hong Kong au New York Times qu'un engin atomique chinois va exploser le 1er octobre. Le même jour, le correspondant du Monde à Washington fait état des confidences d'un haut fonctionnaire américain sur les progrès «nucléaires » de la Chine, celle-ci étant «capable d'ici à quelques mois de procéder à son tour à une explosion». M. Arthur Dean, délégué des Etats-Unis à la conférence de Genève sur le désarmement, le confirme le 17 septembre. Le 27 de ce mois, le Monde publie un article daté de Hong Kong signalant une crise « dans l'entreprise de la Chine pour se donner une industrie atomique» (malgré le concours initial des Russes, souligné par M. Arthur Dean). En réalité, on ne sait rien sur ce chapitre, sinon que l'entreprise atomique en Chine ne doit plus compter sur le concours soviétique. Un autre leitmoti'O lancinant est celui du danger chinois censé obséder l'Union soviétique, théorisé par le Dr Starlinger, géopoliticien nazi et Biblioteca Gino Bianco 313 prophète du péril jaune. M. Richard Nixon, l'ex-vice-président, certifiant les intentions pacifiques de Khrouchtchev à Indianapolis le 15 novembre 1961, ajoutait cet argument : «Et à l'arrière se tiennent les communistes chinois » (précisément, le deuxième livre du Dr Starlinger, dont on a rendu compte dans notre numéro de septembre 1959, s'intitule : Derrière la Russie, la Chine). M. Paul Reynaud, déjà cité à ce sujet dans nos articles précédents, conseille dans le Figaro du 29 juin dernier de penser« à ce que sera le monde dans vingt ans avec une Chine d'un milliard d'habitants disposant de la bombe H » (cf. Le spectre jaune, dans notre numéro de marsavril 1962, sur l'influence du Dr Starlinger et sur les prévisions de M. Paul Reynaud). Seul Khrouchtchev, aveugle devant la Chine énorme et prolifique, sourd aux avertissements qu'on lui prodigue, nargue le péril jaune et provoque des clameurs furibondes à Pékin (subsidiairement à Tirana, mais peu importe) en multipliant les avances à Tito et au révisionnisme. Aussitôt après son congrès d'octobre 1961, Khrouchtchev montrait le cas qu'il faisait de Mao en réitérant avec force dans un journal japonais, dès le 1er janvier 1962, ses vues prudentes en politique internationale. Lui, que les «milieux bien informés » en Occident ont présenté en août 1958 comme allant aux ordres à Pékin, il passe outre aux vitupérations chinoises visant tantôt Tito, tantôt Kennedy, tantôt Nehru, pour suivre sa propre voie et terminer l'année sur une rencontre spectaculaire en décembre avec le révisionnisme incarné. Le calendrier des événements de 1962, en ne retenant que les points saillants, ne montre pas trace d'idéologie dans les disputes qui ont culminé à l'occasion des divers congrès communistes tenus en Europe avec la participation d'un Chinois impavide, récitant son factum. Ce ne sont que diatribes insincères, répétitions fastidieuses, injures grossières masquant les réalités de la discorde. A PARTIR de janvier, les organes du Parti à Moscou et à Pékin reflètent un état de «tension » où les protagonistes échangent leurs insinuations habituelles et s'accusen.: réciproquement, à mots couverts, de nuire à l'unité du communisme. On se demande à quoi rime le procédé ridicule qui consiste à prendre pour cible, respectivement, les Yougoslaves et les Albanais, alors que personne n'est dupe à Moscou ni à Pékin, alors que toute la presse «bourgeoise » traduit les allusions en clair, pas toujours à coup sftr. Tandis que chez Khrouchtchev la presse serine des banalités sur la coexistence pacifique, la propagande de Mao dénonce en Kennedy un fasciste, un nouvel Hitler, et répète ses niaiseries sur le « tigre de papier ». Le New York Times du 15 janvier explique : « Khrouchtchev occupe ll;lle position centriste ,

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