QUELQUES LIVRES tant des réductions est soumis à un impôt personnel au profit de la couronne d'Espagne, fixé à un peso par tête, à l'exception des caciques, des hauts fonctionnaires et du clergé. Le travail sur les terres affectées à l'Eglise et à l'Etat est obligatoire et la division du travail est opérée par les pères. Ceux-ci assurent la répartition des emplois dans l'agriculture comme dans l'artisanat. Parfois, des groupes d'indiens sont organisés pour des travaux considérables comme la construction des églises et la cueillette du maté dans les régions lointaines. Une certaine rationalisation est appliquée dans les ateliers. La répartition de la viande, dont les Guaranis sont très friands, des vêtements, des ustensiles ménagers, se fait théoriquement suivant les besoins. Chaque jour, des rations sont remises aux enfants, aux vieillards et aux malades. Ces répartitions nécessitent des statistiques et une comptabilité développée. En principe, chaque réduction doit vivre sur ses propres ressources. Cependant l'autarcie n'est pas rigoureuse. Certaines réductions paraissent plus aptes à une culture ou à un élevage distinct et ·des échanges inter-réductions par voie de troc permettent de réaliser un équilibre final. Il s'établit, par le même procédé, des échanges extra-réduction. Les missionnaires s'approvisionnent à l'extérieur en métaux, papier, vêtements, accessoires de literie, ustensiles de réfectoire, moyennant la vente de maté et de cuir prélevés sur les dépôts publics. Les opérations passent par les mains de deux représentants, les procurateurs de Santa Fé et de Buenos Aires, qui font figure d'intendants. Comme le pays est riche et que l'indigène se contente de peu, la balance commerciale est toujours positive. - Les réductions, sous l'autorité des pères, donnent l'aspect d'une société homogène, ordonnée, où règne la discipline et la morale avec une allure un peu monastique. Les pères profitent des cérémonies religieuses pour instruire et moraliser. Entre deux litanies, ils n'hésitent pas à faire répéter la table de multiplication. Les fêtes ne se passent pas seulement dans les églises ; beaucoup sont en partie sportives, administratives, religieuses. Une extraordinaire atmosphère d'allégresse se dégage de la correspondance des missionnaires. « Je chante, je joue, je danse », écrit l'un d'eux, le père Schmid. * ,,,. ,,. Dira-t-on que ce fut le paradis sur terre ? Le fait est que les indigènes, que les pères décrivent comme enfantins, insouciants, versatiles, indolents, s'accommodaient fort bien d'un tel régime, qui maintenait leurs organisations communautaires ancestrales et les dispensait de veiller aux lendemain~, les pères prévoyant pour eux. ~m-ci ont rarement besoin de recourir aux Biblioteca Gino Bianco 37S peines corporelles, car ils ont créé une mystique. Ils ont amené les Indiens à se considérer comme les enfants de Dieu qui pourvoit à tout. Ils apparaissent aux fami11esparoissiales comme doués des pouvoirs magiques que leurs ancêtres guaranis attribuaient aux forces de la nature symbolisées par leurs idoles. En principe, l'accès des réductions était interdit aux étrangers, ce qui donnait lieu à beaucoup de suspicions et de commérages. On parlait de villes mystérieuses où se déroulaient de merveilleuses festivités : cela suscitait l'envie. En janvier 1750, Ferdinand VI consentait à échanger les sept réductions situées au sud de l'Uruguay, les plus riches, contre la colonie portugaise de Sacramento. Les Indiens offrirent une résistance acharnée et il fallut l'action combinée des Portugais et des Espagnols pour en venir à bout en 1756. Cédant à l'esprit nouveau, d'infâmes pamphlets circulèrent contre les jésuites : ceux-ci auraient accumulé de l'or dans les réductions. La papauté s'émut. Sur quoi enquêtes et contreenquêtes se succèdent. Une pression idéologique contraint Choiseul à expulser les jésuites de France en 1762et Madrid suit cet exemple, en mars 1767. Le nouveau gouverneur de Buenos Aires fait arrêter et déporter les j~suites. Le 21 juillet 1773, le pape dissout la Compagnie de Jésus. L'Etat jésuite du Paraguay a cessé d'exister. Les Guaranis sont traqués, leurs villages détruits. La caste qui les dirigeait n'a pas su créer de personnalités, dégager une élite capable de prendre la relève. Si l'indien, libéré de l'esclavage, s'est intégré sans peine à cette théocratie ~entralisée et planifiée, c'est que le système, en le qïspensant de prévoir, de prendre des initiatives par lui-même, lui convenait parfaitement. Les pères une fois disparus, la masse demeurée passive, amorphe, avec sa mentalité puérile, est retombée dans son état antérieur, regrettant le temps où elle n'avait qu'à obéir. Les enseignements de cette expérience sont toujours actuels. LOUIS ROUGIER. Analyse et interprétation d'un référendum Le Référendum du 8 janvier r96I. Sous la direction de François Goguel, préface de Jean Touchard. Paris 1962, Libr. Armand Colin (Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n° 119), xv1-237 pp., 11 cartes. PRÉFAÇANT Le Référendum du 8 janvier r96I, M. Jean Touchard énonce qu'il rassemble « la documentation et les éléments d'appréciation ~ui risquent de faire défaut aux historiens de 1 avenir », et ajoute qu'il doit aussi « permettre,
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