374 l'échine sous les chicanes administratives et la persécution. En comparaison des risques courus par les révisionnistes et leurs proches, il faut bien peu de courage, en Occident, pour être un nonconformiste politique. La différence des risques encourus donne la mesure de nos responsabilités d'hommes libres. SIDNEY HooK. Une expérience Louis BAUDIN : L'Etat jésuite du Paraguay. Paris 1962, Edit. Génin, 69 pp. C'ESTune grande méconnaissance de l'histoire de croire que la collectivisation des instruments de production, la planification centralisée de l'économie, l'étatisation de toutes les fonctions de la vie publique sont des innovations de la Russie soviétique et de la Chine communiste. L'expérience en a été maintes fois tentée et elle a abouti invariablement aux mêmes résultats. Les trois Empires égyptiens sont morts d'un excès de bureaucratie centralisatrice, et il en a été de même du Bas-Empire, de l'Empire byzantin, de la Chine des Hans : étatisation et planification vont de pair avec la stagnation des sociétés ou leur décadence. Et l'on sait à quoi ont abouti les lois du maximum sous la Révolution fran- . çaise. Il appartenait au professeur Louis Baudin d'étudier les formes de socialisme établies en Amérique du Sud avant et après la conquête, à savoir l'Empire des Incas du Pérou auquel il a consacré de nombreuses études et un ouvrage célèbre, puis l'Etat jésuite du Paraguay, objet d'un petit volume qui vient de paraître. En effet, M. Louis Baudin a passé son enfance au Pérou, il parle l'espagnol comme une langue maternelle, et il est retourné maintes fois en Amérique latine pour y donner des cours et des conférences. L'Empire des Incas et l'Etat jésuite du Paraguay présentent des analogies et des différences notables. Ressemblance : de part et d'autre, une superstructure rigoureusement planifiée, plaquée sur des institutions communautaires indigènes préexistantes. Différence: l'Empire péruvien précolombien est dirigé par une élite ouverte, recrutée dans la masse, ce qui a permis aux Incas d'éviter une cristallisation stérilisante ; l'Etat, ou plus justement la Province, du Paraguay est dirigée par une caste fermée, celle d~s jésuites missionnaires, qui se distingue nettement de la masse indigène sur laquelle elle établit une sorte de ·théocratie socialiste. Arrivés en 1587 au Paraguay, les jésuites com- . prirent très vite que leurs efforts resteraient vains tant qu'ils n'auraient pas soustrait les indigènes au système de l' encomienda appliqué par Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL les colons espagnols dans toute l'Amérique latine. Cela consistait en une obligation des deux parties : l'indien devait fournir certaines prestations et !'Espagnol, en retour, devait le protéger et l'instruire dans la foi catholique. Très vite, le système dégénéra en concessiond'un certain nombre d'indigènes par le gouverneur à un Espagnol qui, pratiquement, les traitait en esclaves. Révoltés par cette résurrection de l'esclavage, des pères jésuites, et singulièrement un provincial venu du Pérou, le père Diego de Torres, décidèrent de rassembler les Indiens dans des établissements appelés « réductions ». C'est ainsi qu'ils obtinrent du roi d'Espagne le droit d'organiser une trentaine d'agglomérations dans un large quadrilatère, de 650 km du nord au sud et 600 km de l'est à l'ouest, dans les plaines baignées par le Parana et l'Uruguay, placées à cheval entre les Etats actuels du Paraguay, de l'Argentine et du Brésil. Les indigènes qui peuplaient ces plaines fertiles et doucement tropicales étaient les Guaranis. L'organisation de ces «réductions» consista à superposer une superstructure planificatrice sur une infrastructure respectant les institutions communautaires ancestrales des indigènes. L'infrastructure se composait alors de villages, ayant parfois l'importance de véritables villes, divisés en quartiers dont chacun correspond à une tribu, avec à sa tête un cacique assisté d'un cabildo (conseil municipal) formé d'indigènes et présidé par un corregidor nommé par le gouvernement. Le cacique répartit la terre entre les familles de son obédience, de manière que chaque lot puisse assurer à chacune d'elles un minimum vital. Les parcelles de sol sont ainsi des possessions viagères familiales. Les · pères veillent à ce que les répartitions soient équitables. L'habitation édifiée par la collectivité et le jardin attenant avec l'outillage agricole sont également des possessions viagères, attribuées lors des mariages. Les semences et les animaux de trait appartiennent à la collectivité représentée par le cacique, car l'indigène est d'un naturel trop imprévoyant pour mettre de côté les semences et pour soigner les animaux. La propriété privée se limite aux objets de consommation courante : denrées alimentaires, vêtements, objets ménagers, instruments destinés à la chasse, à la pêche et à la guerre, car il faut se défendre contre les razzias d'esclaves organisées par les colons des Etats voisins, ce qui nécessite l'organisation de véritables milices. La superstructure est l'ensemble des institutions établies par les pères. Il y a le secteur des terres affectées à l'Eglise et à l'Etat, dont les produits sont accumulés dans les dépôts publics pour faire face aux~esoins du culte, des veuves et des orphelins, des indigents, des combattants, des caciques, des corregidors, et pour parer aux mauvaises récoltes, pour acheter à l'extérieur l'or, l'argent, le fer, le cuivre servant à fabriquer les armes et à décorer les autels. Chaque habi-
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