, rev11eltistorique et critique Jes faits et Je1 idées Nov.-Déc. 1962 Vol. VI, N° 6 IDÉOLOGIE ET PHRASÉOLOGIE par B. ·Souvarine UN AN a passé depuis qu'un Chinois invité au dernier congrès communiste à Moscou s'est permis de faire entendre sa note . discordante en déplorant que le « parti frère » d'Albanie ait été condamné en public, sans consultations préalables entre égaux. Tchou En-lai estimait que ce n'était pas là « une attitude marxiste-léniniste sérieuse ». Ces quelques mots devaient provoquer, tout au long de l'année écoulée, un océan de commentaires sous forme d'articles innombrables, de doctes études dans des revues savantes et de gros livres dont la conclusion prudente contredit la démonstration laborieuse qui précède. Cependant qu'à Moscou et à Pékin comme à .Tirana et à Belgrade, et même à Oulan-Bator en Mongolie où les communistes ont célébré le 800° anniversaire de GenglS Khan, les dirigeants rivalisaient d' orthodoxie en se réclamant d'une idéologie commwie, le marxisme-léninisme. Toute la littérature d'exégèse en Occident peut se résumer en quelques lignes : le conflit « idéologique » entre communistes chinois et soviétiques s'affirme désormais au grand jour, prometteur de rupture ; au libéralisme paisible de Khrouchtchev s'oppose l'intransigeance belliqueuse de Mao ; le grand schisme du communisme doit rapprocher des démocraties occidentales les révolutionnaires assagis, tenants de la coexistence pacifique, pour empêcher une guerre thermonucléaire que voudraient déchaîner, de Pékin et de Tirana, les vrais disciples de Staline. Le schéma s'enrichit de révélations intermittentes, tantôt sur la fraction prochinoise du Présidium à Moscou, qui mène la vie dure à Khrouchtchev ; tantôt sur l'imminence d'une Biblioteca Gino Bianco explosion atomique en Chine, grosse de conséquences prochaines ; tantôt sur le « polycentrisme » qui doit disloquer le « camp du socialisme». Au cours de l'année passée, tous les thèmes ressassés antérieurement sur le conflit « idéologique » ont alterné en Occident, dans la presse qui façonne l'opinion publique et dans les déclarations d'hommes politiques en vue, sans déceler pour autant la moindre divergence ayant trait à l'idéologie (si les mots ont un sens). Le marxisme-léninisme des dramatis personae reste immuable, consigné dans des textes solennels. Du côté communiste, les interprètes attitrés de la doctrine ne se lassent pas de préconiser la coexistence pacifique, tant à Moscou qu'à Pékin, et de condamner à la fois le révisionnisme et le dogmatisme, ou l'opportunisme et le sectarisme. Pourtant la discorde est là, qui bat son plein et qui, pour n'être pas idéologique, n'en mérite pas moins d'être observée de sang-froid et sans illusions, à l'encontre des interprétations trompeuses qui égarent la politique des démocraties dans la guerre froide. On a pu citer tant d'attestations chinoises de fidélité ou de ralliement à la coexistence pacifique qu'il semble superflu d'en accumuler davantage. Pourtant, celles de la dernière année, postérieures à l'incident du 19 octobre 1961 au congrès de Moscou, prennent une valeur particulière, en pleine orgie de spéculations occidentales sur le conflit «idéologique». A Genève, en juillet dernier, le maréchal Tchen Yi, ministre des Affaires étrangères, a prôné la coexistence pacifi~ue et s'est prêté à une interview. A la question : « Voulez-vous expliquer , I'
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