338 partie de ce même recueil ( op. cit.) où se trouvent les affirmations fantaisistes sur le prétendu « échec infligé aux boukhariniens ». Il est nécessaire d'alléger le fardeau fiscal et de supprimer les barrières administratives qui entravent le commerce à la campagne afin de pouvoir l'inclure par des mesures justes et strictement économiques dans le circuit commercial soviétique. Sous une forme un peu différente de celle qui se dégage des citations précédentes, c'est la même idée que l'on retrouve là, à savoir que la petite bourgeoisie peut avoir son utilité et être non pas un ennemi, mais un compagnon de route, voire un coparticipant à la construction socialiste. Pour cela, il faut que la petite bourgeoisie marchande travaille non pas en dehors du réseau commercial soviétique, mais y soit intégrée d'une manière ou d'une autre. Une telle attitude à l'égard de la petite bourgeoisie n'aurait pu se cristalliser si, chez les droitiers, ne s'était pas créé l'état d'esprit qui leur faisait préférer les méthodes réformistes pour la construction socialiste et les incitait à adoucir le principe fondamental et sacré de l'idéologie communiste, à savoir la lutte de classe. En effet, si la petite bourgeoisie peut accomplir ou accomplit un travail socialement utile, si même elle peut être intégrée dans la construction socialiste et que les méthodes violentes du communisme de guerre doivent être en fait abandonnées ou « éliminées », alors il ne saurait évidemment être question d'attiser la lutte de classe. Boukharine, bien sûr, ne niait pas cette lutte, mais il soutenait que, dans une situation en pleine évolution, une lutte de classe exacerbée ne devait pas exister, à plus forte raison sous « la forme d'un cassage de dents», comme, selon lui, le préconisait Iou. Larine. Contre ce dernier polémisa également Rykov à la 14e Conférence : « Le capital privé, disait-il, qui travaille légalement, n'est en aucun cas criminel 1 8 • » Les incitations de Larine pour qu'on menât contre ce capital une lutte de classe acharnée n'étaient, selon Rykov, qu'une répétition des propos « qu'on tenait avant la révolution dans les petits cercles de révolutionnaires ». La position de Boukharine sur cette question ressort avec clarté de son discours ·au XIVe Congrès. Critiquant le livre de Zinoviev sur le léninisme, Boukharine ajoutait : On y chercherait en vain une question de principe aussi importante que la substitution du mot d'ordre de paix civique à celui de guerre civile. Et la chose est capitale pour comprendre la tactique de notre Parti. On a dit pis que pendre de moi pour avoir rappelé cette idée de Lénine et le calme n'est revenu que lorsque j'eus donné la référence ... Zinoviev rapporte les mots de Lénine invitant à mener une lutte de plus en plus 18. Izvestia, 3 mai 1925. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL âpre « contre les koulaks, buveurs de sang et vampires». ...Le camarade Zinoviev se croit devant un conseil d'arrondissement. Car les mots qu'il rapporte, Lénine les a écrits en 1918, et depuis tout a changé. Zinoviev a besoin de cette citation à propos des « buveurs de sang et vampires» pour donner l'impression que nous aurons à employer plus d'une fois ce langage. Mais si nous devions l'employer, cela signifierait que nous aurions à organiser des croisades dans l'esprit du communisme de guerre. Or la- ligne fondamentale de notre Parti consiste en ceci que nous en anéantissons les vestiges 19 • L'APPARITION du mot d'ordre de paix civique en dit long sur l'atmosphère politique de 1925. Aussi bien avons-nous le droit d'en parler comme d'une période qui, dans l'histoire de !'U.R.S.S., tient une place particulière. Ce qui va suivre est typique de cette période. En 1927, Staline lança un appel à l'offensive redoublée contre « les éléments capitalistes ». En 1928, il fit réquisitionner le blé dans les campagnes en employant les méthodes du communisme de guerre. En 1929, il combina la théorie du « tribut » à prélever sur le paysannat avec l'exploitation de celui-ci par des mesures féodalesmilitaires, en même temps qu'il démontrait (en se référant, bien entendu, à Lénine) que plus le pays se rapprochera du socialisme, plus la lutte de classe « s'exacerbera ». Avec la brutalité qui le caractérisait, Staline, parlant avec mépris de Boukharine en tant que théoricien, exigea qu'on fît « table rase » de sa théorie sur « l'extinction de la lutte de classe » et « l'intégration du koulak dans le socialisme », théorie « inepte », « antimarxiste », qui plante « le drapeau de la déviation de droite dans notre Parti». Mais en 1925, la théorie « de la déviation de droite » était le drapeau du Parti. Tant que Staline ne se fut pas imprégné des idées de l' opposition trotskiste, il ne trouva rien à opposer à cette doctrine. Il était à la remorque de Boukharine et, de la façon la plus vulgaire, tel un perroquet, répétait que l'idée d' « aggraver la lutte de classe » était inadmissible et inutile. Il jugeait cette idée « néfaste » et tirée de l' « encyclopédie menchévique». Dans un rapport, aussi terne ;--1 qu'indigent, où il répète sans cesse que si le capitalisme international n'y fait pas obstacle, !'U.R.S.S. construira le socialisme, on trouve des phrases bien curieuses : le « changement de la conjoncture internationale », le « reflux de la révolution en Europe », la « stabilisation provisoire du capitalisme » dictent à !'U.R.S.S. « un choi:t de moyens moins douloureux, bien qu'à long terme, pour associer le paysannat à la construction socialiste ». 19. Compte rendu sténographique du XIVe Congrès, pp. 150-51.
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