Le Contrat Social - anno VI - n. 6 - nov.-dic. 1962

336 traits essentielsde la droite était son attitude extr2mement ferme, hostile envers le communisme de guerre. Chez Boukharine qui, au début de la révolution, avait été un «gauchiste», un apologiste et un théoricien du communisme de guerre, l'hostilité était, semble-t-il, plus violente que chez d'autres et prenait un caractère passionné. Staline dira plus tard que Boukharine «fuyait» les mesures extrêmes du communisme de guerre « comme le diable l'eau bénite 13 ». Prenant la parole le 17 avril 1925, Boukharine exigea qu'on en «extirpât » toutes les racines : Une véritable politique économique du prolétariat victorieux ne peut être appliquée que moyennant une circulation marchande en pleine expansion. Mais le développement de cette circulation ne sera obtenu qu'en éliminant les vestiges du communisme de guerre dans l'activité politico-administrative. Reprenant les conceptions de la droite, les résolutions du Comité central et de la 14 e Conférence d'avril 1925, et du XIVe Congrès de décembre 1925 exigeaient que fussent abandonnés les méthodes et l'esprit du communisme de guerre : Il faut abolir radicalement les survivances du communisme de guerre à Ja campagne, cesser de combattre par des mesures administratives le commerce privé, les koulaks, survivances qui font obstacle au développement, licite sous la nep, des rapports de marché dans le pays. Il faut éliminer effectivement tous les obstacles d'ordre administratif qui freinent le développement et l'affermissement des exploitations paysannes, y compris celles appartenant aux couches aisées. Le développement de l'économie paysanne et l'activité politicoculturelle grandissante du paysannat s'opposent aux vestiges du communisme de guerre ... Il faut s'engager hardiment et radicalement dans la voie de la légalité révolutionnaire en éliminant les vestiges du communisme de guerre dans l'activité politico-administrative. Approuvant les décisions du Comité central concernant l'aide matérielle aux paysans pauvres, le XIVe Congrès souligne qu'il ne saurait être question de revenir aux comités de paysans pauvres non plus qu'au système de contrainte de la période du communisme de guerre ou aux méthodes de « dékoulakisation ». Le Congrès précise une fois de plus qu'on ne peut, dans les conditions actuelles, affermir la dictature du prolétariat par les méthodes du communisme de guerre et de pression administrative 14 • CES APPELS qe la droite peuvent donner l'impression de ne rien contenir de nouveau, de n'être que le prolongement des mesures édictées par Lénine lors de la transition à la nep et qui, n'ayant pas été appliquées avec suffisamment de vigueur et de continuité, laissèrent 13. J. Staline : Les Questionsdu Léninisme, 118 éd., Moscou 1952, p. 262. 14. Op. cit., pp. 117, 118, 131, 132 et 199. Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL derrière elles, notamment à la campagne, des «survivances » du communisme de guerre. En réalité, la position idéologique des droitiers était beaucoup plus complexe, leur état d'esprit, sous l'effet de causes multiples., étant devenu plus «réformiste» ; la répudiation de la politique de violence du communisme de guerre se manifestait chez eux avec plus de force que chez Lénine, ce ·qui ne les empêchait pas, comme tous les autres dirigeants, de s'y référer constamment. La méthode « réformiste » recommandée par Lénine avait pénétré la conscience des droitiers et ils l'avaient assimilée beaucoup mieux que lui-même l'aurait voulu. Ils avaient indubitablement perdu une partie de leur caractère révolutionnaire et Staline, quand il le soulignait en 1928-29, n'avait pas tort de les traiter d'opportunistes ayant répudié la politique violente et intransigeante de la « dictature du prolétariat». Du point de vue de Staline, le réformisme de la droite était un crime monstrueux qui méritait la mort. Or bien des calamités eussent été épargnées à la Russie si la droite et non Staline l'avait , gouvernee. Il existe chez les droitiers une autre divergence notable avec Lénine. Indéniable, elle ne fut néanmoins pas formulée par eux avec une netteté suffisante. Rappelons que Lénine n'abandonna pas le système du communisme de guerre de son plein gré, mais sous la contrainte, car pour échapper à la catastrophe économique il n'y avait pas d'autre issue que la nep. Mais cela ne signifiait pas que Lénine répudiât ce système. Au IXe Congrès panrusse des Soviets tenu en décembre 1921, parlant du communisme de guerre, Lénine le qualifia d'expérience « magnifique, sublime, grandiose, d'une portée universelle 15 ». Du côté formel, apparent, tout dans cette expérience a correspondu aux concepts du régime socialiste défendus par les marxistes communistes. Ce régime conduisit à l'abolition du système monétaire, à la suppression de la vente et de l'achat, de la circulation marchande et à la répartition des produits centralisée par l'Etat. Lorsque les droitiers réclamèrent avec insistance la libération de la circulation marchande, estimant que telle était cc la véritable politique du U prolétariat victorieux », et virent dans les restrictions, les barrières économiques, l'abolition de la circulation des marchandises l'aspect le plus inacceptable, le plus néfaste du communisme de guerre, ils se trouvèrent en contràdiction avec l'idée que Lénine, tous les autres bolchéviks et eux-mêmes auparavant se faisaient du socialisme. , A la répartition par l'Etat de la production marchande, ils opposèrent la circulation des marchandises libérée des entraves - ce qui 15. Lénine : Œuvres compUta, vol. 34, p. 133.

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