N. VALENTINOV rine se forme à l'heure actuelle une école qui cherche à voiler la réalité et à s'écarter du point de vue de classe 6 • A ce même Congrès, Kaménev abonda dans le même sens : • La théorie, l'école, la ligne de Boukharine, qui s'est cristallisée dans le Parti et n'a pas trouvé jusqu'à présent d'appui suffisant, est néfaste. La jeunesse qui se forme à cette école nous paraîtrait numériquement peu importante, si elle n'était pratiquement en train de monopoliser la représentation politico-littéraire du Parti, si cette école n'avait pas la haute main sur notre presse et sur tout ce que nous faisons dans le domaine de l'éducation politique 6 • Kaménev n'avait pas tort : autour de Boukharine, un groupe de jeunes « professeurs rouges », orientés vers la droite, s'était formé. En faisaient partie Maretski, Sten, Stetski, Slepkov, Astrov, Goldenberg, Zaïtsev. Les articles et les brochures de certains d'entre eux, Maretski notamment, explicitaient les idées de la droite. Rykov en est une autre figure marquante. A la 14e Conférence, il exposa très clairement dans son rapport sur la coopération un aspect de la doctrine des droitiers. Réduisant son importance, il déclara : « Mon rôle à la commission de la coopération a consisté à recueillir l' expérience de la province et à appliquer des directives conformes à la politique générale du Parti. >> Rykov ne se borna pas à recueillir cette expérience. En la mettant en lumière, il y ajouta quelque chose de personnel et de non négligeable, car c'était un esprit clair ayant des questions économiques une connaissance profonde et pratique, acquise d'abord en qualité _d'adjoint de ~é~e à la présidence du Conseil des conumssaires du peuple, puis, après la mort de Lénine, comme successeur de ce dernier. Il y a tout lieu de croire que l'idée de construire le socialisme dans un seul pays lui était ven?e avant les a~tres, a~ant même Boukharine, mais tous deux s accordaient à reconnaître que cette construction serait en Russie très difficile et que longtemps peut-être il faudrait cheminer « à pas de tortue». Rykov confiait souvent à ses familiers qu'après la défaite de la révolution allemande, il avait compris que « la croyance en un ~eu d'artifice en E~rope_» devait être abandonnee, que plus que Jamais on devait s'inspirer des instructions suivantes de Lénine : D'authentiques révolutionnaires se sont le plus souvent rompu le cou dès l'instant où ils se sont mis à écrire « Révolution » avec une majuscule, à faire de la révolution une sorte de divinité, à perdre la tête, la faculté de concevoir avec le maximum de sang-froid et de lucidité, de peser, de vérifier, à quel moment, dans quelles conditions, dans quel. domaine d~ l'ac_tion on doit savoir opérer d'une maruère révolut1onna1re et à 5. Cmnpte rendu sténographique du XIV• Congrès, p. 109. 6. Ibid., p. 254. Biblioteca Gino Bianco 333 quel moment, dans quelles conditions et dans quel domaine de l'action on doit savoir passer à l'action réformiste. Ces mots se trouvent dans l'article de Lénine : « De l'importance de l'or», écrit dès novembre 1921. Boukharine était d'accord avec Rykov sur la grande portée de ces instructions. Au XIVe Congrès, après avoir qualifié les termes de la citation ci-dessus de « magnifiques », Boukharine, s'appuyant sur ce texte, justifia la nécessité de passer de la méthode révolutionnaire à « un travail pacifique d'organisation 7 ». Dzerjinski est la troisièm~ figure marquant~ de la droite. Cela peut paraitre paradoxal à qui ne voit en lui que le c~ef redouté du s;ué~éou. Or, de février 1924 à Jwn 1926, DzerJmski fut président du Conseil supérieu~ ~e l' éc?~omie (C.S.E.N.) et, dès lors, le prmc1pal dirigeant de l'industrie qu'il développa en tenant compte avec lucidité des ressources du pays, en adoptant une politique prudente et soucieuse des besoins de l'agriculture ; il était opposé aux « rythmes forcés » et aux lourds impôts de toute nature qui frappaient la population. Dzerjinski mourut, en juin 1926, d'une embolie, à l'issue d'un discours prononcé au Comité central contre le trotskiste Piatakov, son adjoint au C.S.E.N. (Conseil supérieur de l'économie) et contre Kamenev qui, dès ce moment, adoptait le point de vue de l'opposition de gauche. La mort de Dzerjinski et son remplacement par Kouïbychev fut immédiatement ressenti par tous les cadres du C.S.E.N. La doctrine de la droite fut mise au ban et remplacée par une doctrine · imprégnée d'un tout autre esprit. A ces trois figures principales, connues de tout le monde, nous en ajouterons une autre. L'histoire du communisme ne lui accorde pas la moindre attention; mais ceux qui, à l'époque, vivaient en U.R.S.S. et savaient ce qui se passait dans les coulisses n'ignoraient pas le rôle rmportant de cette personnalité dans l'élaboration · de la doctrine de droite, en ce qui concerne notamment l'agriculture. Nous voulons parler d' A. P. Smimov, commissaire à l'Agriculture (ne pas le confondre ave~ le trotskiste I. N. S~- nov, ni avec le representant du centralisme démocratique V. M. Smirnov qui, un certain temps, fut lui aussi commissaire à l' Agriculture). Ayant toujours querelle avec quelqu'un, Iou. Larine disait en se gaussant que A. P. Smirnov avait inventé la fausse « théorie des paysans aisés étrangers aux différents modes d' exploitation» [du travail d'autrui]. Smirnov s'était en effet beaucoup dépensé J?Ourfaire prévaloir dans le Parti une juste opiruon sur la catégorie laborieuse des paysans aisés. Selon lui, le « paysan moyen », considéré par Lénine comme « figure centrale » de l'agriculture, ne pourrait que se 7. Compte rendu at~ographique du XIV• C.Ongrèa_ pp. 150-51.
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