l 330 l'intellectuel de l'Occident non certes à prêter trop peu d'attention, mais au contraire à leur en accorder trop, aux changements voulus, aux modifications involontaires, et même aux simples manœuvres tactiques comme aux affirmations purement verbales. A tour de rôle, chaque péripétie a pu être saluée comme une accalmie dans la guerre menée par l'Etat totaliste contre son propre peuple et contre le monde entier : l' « inévitable changement », la « transformation fondamentale » si longtemps attendue, l' « effet modérateur qui naît des responsabilités du pouvoir» ; la « réponse à la pression de la réalité » ; la « transition des méthodes terroristes à des modes normaux d'enrégimentation de la société » ; la croissante modification du pouvoir totaliste par une « technocratie rationaliste » ; l' « effet modérateur du privilège sur une nouvelle classe privilégiée » ; la « montée d'un despotisme limité et traditionaliste » ; certain « sentiment de responsabilité de la Russie envers la révolution mondiale » ; la « paisible période de digestion d'une bête de proie repue » et qui a abandonné la chasse ; la « dispersion de l'autorité qui pourrait conduire à un despotisme constitutionnel » ; le « processus d'assagissement qui tôt ou tard atteint tous les mouvements militants » ; les nouvelles réflexions inspirées par « l'équilibre de la terreur » par suite des armements nucléaires ; la « courbe fatalement descendante dans la parabole de la révolution » ; l' « inévitable travail d'érosion sur l'édifice totalitaire ». En raison du climat psychologique dans lequel nous vivons et de la nature de nos aspirations, en raison également des « méthodes révolutionnaires » insufflées à la diplomatie dans un monde polarisé et antagonique, nous risquons beaucoup moins de laisser échapper la signification d'un changement et de jauger avec un scepticisme suffisant le sens de chaque manifestation verbale. En réalité, . « le danger principal », pour parler le langage des communistes, ne réside pas dans l'excès d'espérance, mais bien dans le besoin constant de nourrir des illusions. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Pendant la deuxième guene mondiale, notre article intitulé « Staline à la table. de la paix » soutenait que, contrairement à ce qui s'était passé à l'issue des autres conflits, il n'y aurait pas de table de la paix, ni de règlement général, que la paix serait faite de pièces et de morceaux, et qu'elle serait dictée par les. réalités stratégiques de la guerre; si bien que, à moins d'avoir une politique de guerre conséquente, il n'y aurait pas de paix digne de ce nom. Les illusions de la « grande alliance» étaient telles que cette façon de voir ne pouvait guère trouver d'audience. Rien d'étonnant à cela quand il s'agit d'un « Cassandre » qui n'est qu'un écrivain indépendant spécialisé dans le totalitarisme et les questions soviétiques. Mais Winston Churchill luimême, qui pourtant participait aux conseils suprêmes de l'Alliance, essaya en vain de faire adopter une stratégie commune pour libérer et occuper conjointement les Balkans et l'Europe occidentale. Il ne put même venir à bout des illusions tenaces des deux pays anglo-saxons. En conséquence, là où l'armée soviétique a été seule à occuper le terrain, il y a des pays conquis. Là où l'occupation a été commune, il y a une Allemagne et une Corée divisées. Là où l'armée soviétique est absente, il y a un Japon libre de critiquer son occupant et maître de ses destinées. Il s'ensuit qu'une conscience claire de la nature du totalitarisme soviétique et de ses objectifs aurait préservé la liberté de millions d'êtres humains. Certes, la dernière guerre a créé un monde extraordinairement fluide. Mais toute tentative de comprendre et d'évaluer la situation donnée ne peut en aucun cas passer pour un simple exercice d'abstraction sociologique ou de généralisation historique. Car, à la lettre, tout jugement sur la nature du totalitarisme et la portée des changements qui y interviennent est gros de conséquences décisives pour le sort de l'humanité tout entière. BERTRAM D. WOLFE •. {Traduit de l'anglais) ,
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