322 contestée dans l'avenir, et qu'un souci d'efficacité conduira ses adversaires à porter la lutte sur un autre terrain en cherchant à instaurer les conditions d'un nouvel équilibre des pouvoirs. 1?· Deuxième hypothjse. L'élection au suffrage uruversel place à la tete de l'Etat, à la suite du général de Gaulle, une personnalité de premier plan, apte à tenir le même rôle de direction que son prédécesseur. C'est l'hypothèse retenue par le chef de l'Etat lui-même dans son allocution du, ?,O septembre d~rnier, suivant laquelle le pres~dent conserverait « la charge insigne du d~stin.de la Franc~ et de celui de la République ». Situation monarchique, sans toutefois la garantie de modération que l'hérédité confère à cette insti1:1:1tionC. ependant cette hypothèse paraît n'avoir que peu de chance de se réaliser. On voit mal en effet comment un homme qui ne bénéficierait pas de l' « équation personnelle » du général de Gaulle pourrait assumer le rôle que celui-ci semble vouloir assigner à son successeur. Faute de posséder le rayonnement personnel du chef act?el de l'Etat, celui qui voudrait modeler son action sur son exemple serait obligé de transformer en contrainte la persuasion et en dictature le leadership. c. Troisième hypothèse. Les résistances de la classe politique et d'une partie de l'opinion publique pourraient amener le successeur du général de Gaulle à interpréter restrictivement ses pouvoirs constitutionnels et à se borner à assumer le rôle arbitral que, lui assigne le texte de 1958. On se trouverait ainsi placé, par la modér~tion même du chef de l'Etat, dans la perspective d'un régime parlementaire régularisé. Pour qu'un~ telle h~othès_e. se trouve vérifiée, il f~udrait que la vie politique française, sclérosée, dispersée et en quelque sorte vidée de tout contenu par les partis traditionnels, se trouve vivifiée par un courant nouveau. Malheureusement, l'attitude actuelle des partis politiques ne permet guère de miser sur pareille éventualité 4 et , , . , . , c est precisement cette attitude qui a inspiré au chef de l'Etat la volonté de transformer la situation· par une réforme de caractère radical. d. Quatrième hypothèse. L'évolution la plus probable paraît se situer dans une autre direction. L'élection du président au suffrage universel placera celui-ci, quelle que soit la valeur de l'homme? dans une situation telle que, assumant la fo~ction? !l se trouvera obligé d'exercer le pouvoir qui s y rattache. Le transfert de la puissance gouvernementale à la présidence de la République se trouvera ainsi définitivement 4. La campagne qui a précédé le référendum du 28 septembre 1962 a été, à cet égard, révélatrice. Rien n'a permis, dan_s les ar~ments et les thèmes utilisés par les chefs des ~c1ens part~s, de noter ~e. vér!table conscience des aspirat10ns populaires. En particulier, 11sn'ont pas réussi à s'entendre sur un projet concret permettant de consolider à l'avenir un r~gime parlementaire ~n levant l'obstacle que représente depws des années la faiblesse des structures partisanes françaises. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL accompli et l'évolution coutumière sera désormais orientée par le déséqwlibre créé dans les pouvoirs. Dans un pays où le niveau d'éducation, les ressources et les traditions ont toujours parlé pour la liberté, on a de fortes chances de voir s'engager une lutte des plus serrée entre un président doté d'un pouvoir excessif et une Chambre décidée à jouer un rôle. En particulier, les assemblées auront certainement tendance à lutter contre le pouvoir de dissolution, dont la menace permanente peut réduire à néant toute possibilité de contrôler les actes du pouvoir 5 • Plusieurs dissolutions successives marqueraient le refus du président de la République de s'incline~ devant la volonté exprimée par le pays de vo_ir. ses représentants exercer pleinement cette mission de contrôle. D'où une situation dans laquelle le pouvoir de dissolution risquerait de se trouver paralysé par la procédure prévue à l'article 68. Comment ne pas rapprocher cette hypothèse de l'expérience réalisée en Angleterr~ _(alors que ~'exis~~t dans ce _pays aucune tradition de liberte politique) et qw a permis la transformation d'une procédure de mise en accusation (impeachment) en amorce d'une procédure de responsabilit~ parlementaire ? ·On voit que nous ne prévoyons d'évolution institutionnelle qu'à travers des heurts entre les différents pouvoirs institués par la Constitution de 1958 : ~'est. qu'après_ la réfo~e du 28 octobre 1962, 1arbitrage a disparu, faisant place à un exécutif non seulement restauré, comme il était souhaitable, dans ses possibilités d'action, mais de plus mis en situation d'abuser. Tout le problème consistera à recréer, pardelà .c~tteréforme,,un~ série d'équilibres concrets, e~piriquement, defin!s, entre les pouvoirs. Pré• voir une telle evolution ne place pas nécessairement dans le camp de ceux qui désirent voir e~acer l'<;uvre. it?-stitutionnelle de la ve République. C est ainsi qu'on peut lire dans le Monde du 27 octobre 1962, sous la signature d'un ministre en exercice, M. Edgar Pisani, les lignes suivantes : « Nul doute que l'avenir nous conduira à modifier l'organisation des pouvoirs publics : à ~n présid~~t plus fort, a~ant la charge de condwre la politique de la nation, doit correspondre un Parlement plus autonome, un Parlement ayant un domaine défini, mais s'y consacrant sans l'intervention de l'exécutif. » Il est certain, en effet,. que la Chambre ne pourr~ _plus,à l'avenir, épargner dans ses débats la poliaque personnelle du président de la République en se bornant à mettre en cause celle du gouvernement qu'il aura constitué. Ce serait réduire le contrôle politique à un simple contrôle du conteatieux ministériel, si l'on ose ainsi s~exprime~.Il est ég~ement certain que la fixation de 1ordre du Jour par le gouvernement, 5. Il va de soi que l'exercice du pouvoir de dissolution par un président chargé d'une mission d'arbitrage ne soulève aucune critique.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==