318 conforme à la lettre même de la Constitution. De même, le refus de transformer en scrutin de confiance des discussions suivant les débats ouverts à l'initiative du Parlement fut jugé contraire à la logique parlementaire - mais la Chambre des Communes, ancêtre des Parlements, a ~ur ce point une pratique conforme au texte de 1958. Certaines des dispositions relatives au pouvoir des assemblées font l'objet de critiques plus fondées. Le gouvernement peut imposer au Parlement la discussion d'un texte de loi et faire en sorte que le vote soit clair, c'est-à-dire qu'il porte sur le texte même qu'a préparé le gouvernement. Il est ainsi mis fin à deux abus : celui du droit d'amendement et celui qui consistait à éluder l'examen d'un texte sans pour autant le rejeter. Mais la priorité d'inscription des textes gouvernementaux à l'ordre du jour n'a pas été instituée pour priver les assemblées d'une initiative qui leur appartient de droit. Le gouvernement a donc abusé de cette disposition, infidèle en cela à la logique du texte de 1958 qui laissait au Parlement ses prérogatives essentielles. L'effacement du Parlement depuis quatre ans est certain. Ni la rigueur des circonstances ni celle du texte de 1958 ne suffisent à l'expliquer. 11 tient aussi à l'incapacité des assemblées à découvrir les voies nouvelles qui s'offrent à elles. En particulier, devant une administration à tendance technocratique, elles devraient, à l'instar du Sénat américain, multiplier les missions d'enquête, publier des rapports dont le sérieux pourrait leur assurer auprès du public une audience nouvelle, développer à la fois leur appareil technique d'enquête et leurs relations publiques, exiger enfin d'avoir accès aux moyens de transmission et d'expression comme la radio et la télévision. Le Parlement devrait, d'autre part, comprendre que le caractère technique des problèmes traités ne lui permet pas de se placer sur ce plan en concurrent direct des administrations. Son contrôle doit s'inspirer avant tout d'un certain nombre de règles morales dont il devrait devenir le «conservatoire». Mission qui implique que les députés ne s'abandonnent ni à la passion partisane ni à l'inaction. Pour retrouver leur audience, ils doivent demeurer en contact avec l'opinion et donner à ses sentiments profonds une expression solide et précise. C'est sur la liberté de la presse, !'habeascorpus, l'indépendance de la magistrature, le respect des règles constitutionnelles,· que le Parlement devrait agir, au lieu de chercher à mimer sans succès «une activité politique » qui n'a plus de crédit dans le pays. Tel était, à notre avis, l'esprit des institutions élaborées en 1958. Cet esprit paraît complètement remis en cause par la décision de faire élire au suffrage universel le président de la République. Il convient donc d'examiner les raisons pour lesquelles cette réforme es_tvenue à l'ordre du jour. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Il. - Le président entre l'arbitrage et le principat PouR COMPRENDRE dans quelles conditions a pu se poser le problème, il faut admettre que le texte de la Constitution ouvrait la voie à des possibilités très diverses. Si le rôle et l'autorité du président bénéficiaient . dans l'avenir. du précédent établi par le général de Gaulle, les nouvelles institutions pouvaient prendre un tour original en établissant l'équilibre des pouvoirs à mi-chemin entre le régime présidentiel et le régime parlementaire. Cette solution pouvait se révéler tout à fait conforme au tempérament politique des Français et aux exigences de l'époque. Si, d'autre part, une majorité de gouvernement dense et cohérente se dégageait peu à peu au Parlement, notamment grâce à l'adoption d'un mode de scrutin efficace, les règles établies " pouvaient doter progressivement la France du régime parlementaire véritable dont elle a en vain poursuivi l'image idéale à travers tant de Constitutions. Enfin, l'hypothèse ne devait pas être exclue d'une désagrégation de l'autorité du président de la République ; par une lente usurpation dont l'histoire offre bien des exemples, on serait alors revenu au régime d'assemblée. C'est pour prévenir à temps une telle évolution que la Constitution vient de subir une modification. Si celle-ci concerne le mode d'élection du président, c'est que le rôle du chef de l'Etat est absolument essentiel dans l'économie du texte de 1958. Rien n'évoque mieux ce rôle que le terme d'arbitrage, mais à condition que l'on n'entende pas par là une mission de simple observation. Il s'agit d'un arbitre qui soit maître de la . partie, qui se trouve placé sur le terrain même, qui ne possède pas seulement le pouvoir d'arrêter le jeu s'il dégénère en bagarre, mais également celui de disqualifier les « mauvais joueurs ». Il · est non seulement capable de veiller au maintien d'un équilibre ·institutionnel sain, mais aussi de le modifier; c'est un a~bitre qui descend dans l'arène en cas de péril - article 16 ; un arbitre habilité à changer la composition des équipes - pouvoir de dissolution ; un arbitre qui peut demander au public de juger lui-même un différend - recours au référendum. Le président de la République devient le_surveillant et l'organisateur du jeu politique. La charge lui incombe de faire en sorte que ce jeu ne soit jamais contraire à l'intérêt supérieur de l'Etat, mais concoure au contraire -à le définir. En matière diplomatique et militaire enfin, il détient ûn pouvoir qui dépasse la notion d'arbitrage. La lecture des articles 14 et 15 montre que la notion de « compétences réservées-»n'est pas étrangère à l'esprit du texte, comme on l'a souvent prétendu. Dans ce double domaine, le président incarne, à travers les vicissitudes du jeu politique, la continuité nationale. · .
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