M. MASSENET elle résulte plutôt d'un état d'esprit général imprégnant aussi bien les démarches gouvernementales que celles de l'opposition et consiste partout en un équilibre empirique des pouvoirs, agencé de telle façon qu'il n'atteigne pas la continuité de l'action gouvernementale et ne s'oppose pas à une gestion dynamique des affaires. C'est à ce type de démocratie que l'opinion donne son adhésion, sans savoir quelles sont les formules d'organisation qui permettraient le plus facilement d'obtenir le résultat souhaité. Enfin, les Français demeurent attachés à un certain nombre tle principes fondamentaux que les circonstances peuvent conduire à entamer, mais que l'on aurait tort de tenir pour abandonnés par la conscience nationale. Ces principes concernent les liberté~ fondamentales et notamment la liberté d'information et l' habeas corpus. EN DÉTRUISANl'Téquilibre institutionnel créé en 1958, en substituant à l'arbitrage présidentiel un « principat électif», la réforme adoptée le 28 octobre dernier par voie de référendum opère une novation dont l'ampleur risque d'être méconnue. Il ne s'agit pas d'une révision de la Constitution, mais bien d'un changement d'institutions, et même, au plein sens du mot, d'une nouvelle aventure institutionnelle. I. - Le régime parlementaire selon le texte de 1958 LA CONSTITUTIONde 1958 n'était pas un chef-d'œuvre. Quant à l'essentiel, elle remédiait aux défauts des institutions dont la France avait fait l'expérience depuis 1945. Il s'agissait d'un texte précis, parfois détaillé, qui avait pour but de donner des solutions concrètes à des problèmes vieux de douze ans. Plus que la référence à des principes abstraits, c'est la convergence de ces solutions concrètes qui définit les grandes articulations du texte. Cependant, celui-ci procède d'une idée d'ensemble qu'il convient de rappeler, car elle se rapporte à une caractéristi~ue fondamentale de l'opinion et de la vie publique en France: on a considéré comme provisoirement acquise la multiplicité excessive des partis politiques. Si les rédacteurs du texte ont renoncé à transposer les expériences étrangères auxquelles se réfèrent volontiers nos juristes, c'est parce qu'elles reposent toutes sur la coïncidence entre un système de partis simple et des majorités claires. Nul n'a su mieuxque RaymondAronexprimer les raisons qui ont détournéles institutionsfranBiblioteca Gino Bianco 317 çaises de ce mouvement général des institutions démocratiques : « La justification d'une telle Constitution est qu'en France aucune majorité cohé~ente, aucune volonté commune ne sort du suffrage universel ; il fallait donc soustraire aux contradictions d'une opinion trop nuancée des pouvoirs capables de choisir dans un pays irrémédiablement divisé - sans toutefois soustraire ces pouvoirs au contrôle de l'opinion» (le Monde, 22 août 1958). Ainsi la Constitution répondait dans son principe non à un jeu de circonstances fortuites, susceptibles d'évoluer rapidement, mais à une situation concrète, impossible à modifier autrement qu'à longue échéance. De ce principe, ou plutôt de cette constatation, les conclusions ont été tirées moins par l'adoption d'un remède unique et radical que par une conjonction de mesures simples. C'est ainsi que le renforcement des pouvoirs et de la stabilité de l'exécutif doit procéder, dans la logique du texte de 1958, aussi bien de la limitation au développement excessif des compétences législatives du Parlement que du rétablissement du droit de dissolution inconditionnel. La réforme du mécanisme de mise en cause de la responsabilité ministérielle doit permettre d'éviter à l'avenir le renversement du gouvernement par l'alliance contre nature de deux minorités opposées. Le même sens pratique a inspiré la recherche d'une vie parlementaire mieux équilibrée ; la durée plus courte des sessions doit mettre fin au harcèlement du gouvernement par une assemblée inquiète ; le vote personnel des députés, la réglementation des débats, les droits du gouvernement sur l'ordre du jour sont autant de mesures précises ordonnées à un même effet d'ensemble. Il s'agissait en somme de soustraire la vie gouvernementale aux agitations stériles, sans la soustraire au contrôle de l'opinion publique. Ajoutons que les conditions dans lesquelles est choisi par le président de la République le chef du gouvernement permet d'attirer vers la sphère de la présidence un gouvernement qui demeure cependant parlementaire et qui doit trouver dans les rapports entre son chef et le président de la République une source nouvelle d'autorité, donc de stabilité. Chacun reconnaît que les circonstances n'ont pas permis, depuis quatre ans, de juger avec suffisamment de certitude la valeur du système imaginé en 1958. Mais, en général, les critiques sont dictées par une référence implicite aux pratiques du régime précédent, car la nature et la portée de la novation de 1958 n'a pas été vraiment comprise par la majorité des observateurs. C'est ains1 que le refus opposé en mars 1960 par le chef de l'Etat, en vertu de l'article 30, à une demande de session extraordinaire du Parlement présentée par la majorité des députés, fut jugé attentatoire à la Constitution. Cependant, cette demande illustrait l'action des groupes de pression sur l'Assemblée (il s'agissait en l'espèce des syndicats agricoles) et le refus était
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