Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

B. SOUV ARINE pouvoir totalitaire. Les unes et les autres corroborent sans la connaître notre thèse sur le néostalinisme actuel qui se caractérise par une combinaison de Führerprinzip avec la direction collective, variété spécifique de primus inter pares qu'aucune formule classique ne peut sommairement définir. Dans tout despotisme, il y a relation de dépendances réciproques entre le despote et son entourage ; les conditions soviétiques héritées de Staline ne ressemblent pas à d'autres, elles engendrent nécessairement un nouvel ordre sui generis ; mais les causes subsistent qui ont produit leurs effets durables et la terreur d'hier n'a pas fini de déterminer plus ou moins le présent et le proche avenir.- LES QUERELLEiSntestines au Congrès ont éclipsé le nouveau programme et la révision des statuts du Parti ; mais le recul incite à conférer de l'importance aux questions d'organisation. Sans entrer dans les détails fastidieux, l'intention majeure des dirigeants s'avère dans le renouvellement des cadres subalternes; une certaine rotation des fonctionnaires politiques visant à sélectionner une armature stable ramifiant la direction collective qui se recrute, en pratique, par cooptation. Même le Comité central et son présidium comptent parmi eux des subalternes que le noyau dirigeant s'ingénie à renouveler, dans sa recherche d'hommes efficaces. Il est possible que la véhémente campagne menée pour discréditer le groupe antiparti aille de pair avec le rajeunissement des cadres : abstraction faite de toute idéologie, l'immense «appareil», ossifié sous Staline, tendant à la routine et au conservatisme, avait sans doute besoin d'un traitement de choc. Khrouchtchev et c1e offrent des satisfactions aux jeunes appétits, de l'avancement aux ambitions qui ne mettent pas leur primauté en danger. Le nouveau programme, si dérisoire soit-il aux esprits avertis, tient lieu de stimulant et de mirage. Dans la plus stricte tradition établie par Staline, aucun contradicteur n'a pu s'exprimer au Congrès et même une certaine lettre de Molotov au Comité central a provoqué l'indignation unanime de ceux qui ne l'avaient pas lue. Seul un représentant de la Chine communiste s'est permis de critiquer Biblioteca Gino Bianco 0 195 la forme de l'attaque menée contre les Albanais, évitant avec soin d'en discuter le bien-fondé. Cette intervention hors série a suscité dans le monde entier des torrents de commentaires dont il ne reste déjà pas grand-chose. Tout a été dit sur le conflit « idéologique » soviétochinois d'où l'idéologie est absente. Les spéculations embarrassées sur la prétendue «détente» valent autant que les précédentes sur la << tension » imaginaire, les deux termes ayant perdu leur sens en passant d'un monde à l'autre. Les lendemains du Congrès ont prouvé que Khrouchtchev ne tient aucun compte des avis futiles de Mao sur le révisionnisme yougoslave, sur les modalités de la « coexistence pacifique». Cela répond aux affirmations insensées des «experts» qui font croire que la politique extérieure de Moscou se subordonne à celle de Pékin. L'inanité du verbiage belliqueux des Chinois n'est plus à démontrer et quant au conflit pseudo-idéologique avec leurs congénères, il suffit pour l'heure de citer un poète communiste turc, Nazim Hikmet, qui a dit en marge d'une conférence d'écrivains «afro-asiatiques» au Caire, en février dernier : « Les Chinois sont des imbéciles. Je connais Khrouchtchev et suis certain qu'il les battra un jour ou l'autre» (Preuves-Informations, 6 mars 1962). Khrouchtchev ne battra pas les Chinois, mais il attend patiemment que Mao s'assagisse, ou quitte la scène. Son attitude envers Tito montre aussi quel cas il fait de la dissidence albanaise. Certes, Mao ne renonce à rien et prendra tôt ou tard quelque initiative perturbatrice pour peu qu'il accumule les moyens de. tenter une diversion bruyante à ses difficultés intérieures, mais il appartiendrait alors à Washington de lire dans son jeu sans se laisser abuser par des contes « idéologiques » pour lui administrer une leçon et le tenir en échec. Quant au «polycentrisme », on en a traité ici même en quelques lignes que les événements, et l'absence d'événements, justifient au-delà de toute attente. Les obscurités du Congrès ne sont point dissipées, mais un phénomène devient de plus en plus clair : la crise aiguë de l'agriculture collective, elle aussi héritée de Staline. Là gît peut-être la clef de ce qui a paru énigmatique : de sérieux «tournants» sont en perspective qui ne vont pas précisément vers le communisme. B. Souv ARINB. . . ..

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