Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

250 Bela Kun en Allemagne et que la responsabilité ne pouvait non plus en incomber à Lénine, lequel, déjà engagé dans la Nep, avait déclaré au congrès bolchévik, au début de mars: «Nous ne devons en aucune manière fonder nos calculs sur une victoire rapide de la révolution mondiale. » Lowenthal en conclut : « Il s'ensuit que non seulement Bela Kun, mais Zinoviev et le " Petit Bureau " du Comintern avaient été à l'origine de cette action. » Cela est vrai pour Zinoviev : désireux d'organiser son « Octobre », en tant que chef du Comintern (d'autant plus qu'ayant naguère désavoué d'avance Octobre 1917, à Pétrograd), il avait donné carte blanche à Bela Kun. Si l'entreprise avait réussi, c'eût été une belle victoire à son actif; comme elle se soldait ·par un échec, il fallait un bouc émissaire, un «traître», qu'il trouva en Paul Lévi. En ce qui concerne le «Petit Bureau », qui précéda _le Présidium du Comité exécutif, l'affirmation de R. Lowenthal paraît moins probante. Alfred Rosmer - pour ne citer que lui, - membre à l'époque du «Petit Bureau», n'a gardé le souvenir d'aucune discussion, ni même d'une simple mention de la mission de Bela Kun. (Il faut signaler un autre détail, celui-ci concernant Radek, qui est de toute évidence inexact: « Sa position dans le Parti russe, écrit R. Lowenthal, était peu sûre: il n'avait jamais été membre de son Comité central.» En réalité, Radek fut élu membre du Comité central à l'issue du VIIIe Congrès, en mars 1919, et réélu aux trois congrès consécutifs, donc durant toute la période dont parle l'auteur.) ·Les autres études du recueil, en raison même de leur brièveté, sont beaucoup moins complètes que celle de R. Lowenthal. On y trouve en outre des lacunes et des erreurs matérielles qui auraient pu facilement être évitées. A propos des lacunes, une étude comme celle de Jane Degras sur la .tactique du Front unique dans le Comintern, ne dit rien des mobiles exclusivement russes du «tournant», en particulier la famine de 1921, qui poussait les dirigeants du Kremlin à chercher de l'aide à l'étranger, que ce fût auprès des gouvernements «capitalistes », des syndicats « jaunes » ou de Herbert Hoover. Sur l'échec de la conférence des trois Internationales, en avril 1922, elle passe sous silence le rôle capital de Lénine, qui désavoua dans un article célèbre (Nous l'avons payé trop cher) la délégation de la IIIe Internationale, conduite par Boukharine et Radek. Comme exemple d'erreurs matérielles, il suffit de citer ce passage surprenant de l'étude sur le communisme en Inde. Il y est question d'une victoire électorale et de la constitution d'un gouvernement communist~ au Kerala : . Agir ainsi, c'était répudier les résolutions du Congrès du Comintern à Turin en 1920, lesquelles n'avaient Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL jamais été abrogées et posaien en principe que l'action parlementaire était un piège pour les partis communistes. En s'empêtrant dans les Parlements, ils perdraient leur ardeur révolutionnaire. Le fait (le prétendu congrès du Comintem à Turin. en 1920) est faux; l'interprétation (la conquête du pouvoir au Kerala par la voie parlementaire, qui serait une répudiation de l'enseignement de ·Lénine) est dénuée de tout fondement. Ces remarques s'appliquent également, et dans une plus grande mesure, à l'étude de R. N. Carew Hunt consacrée à la vie et au person~age de Willi Münzenberg. L'auteur a visiblement réduit ses sources à l'emploi d'une seule méthode, l'interview, à l'exclusion de toutes les autres, y compris la lecture de nombreux articles signés W. Münzenberg dans la Correspondance internationale. ~ Ainsi, outre les détails sur W. Münzenberg recueillis dans l'autobiographie d'A. Kœstler, -l'auteur a consulté deux proches de l'ex-dirigeant du Secours ouvrier, sa compagne, Babette Gross, et la sœur de celle-ci, Margarete BuberNeumann, ainsi que Ruth Fischer et - pour aggraver son cas - il a donné la préférence à cette dernière. Dès le début, il formule des réserves sur les deux sœurs : Ruth Fischer soutient que Babette n'a pas joué dans l'activité de son mari le rôle important qu'on lui attribue parfois, et aussi que sa mémoire s'est trouvée obscurcie par les événements de la guerre et des années qui suivirent. Babette et Margarete Buber-Neumann sont depuis longtemps farouchement antistaliniennes ; et bien qu'elles ne contestent pas· - elles auraient d'ailleurs du mal à le faire - que Münzenberg ait été pendant de longues années un membre important du Comintem, elles s'efforcent de le faire passer pour un patriote allemand, préoccupé avant tout, du moins après 1933, de lutter contre le fascisme. S'il est certainement exact, de plus parfaitement humain, que les deux sœurs défendent la mémoire d'un proche, il est également indéniable que l'une et l'autre, spécialement Babette Gross, étroitement associée à Münzenberg pendant de longues années, sont à même d'en savoir sur lui plus que Ruth Fischer. La pleine activité de Münzenberg - comme l'auteur le note d'ailleurs - s'étend de 1917 à 1933, alors que R. Fischer avait été éliminée· de l' « appareil » dès 1926. · Les deux femmes, d'autre part, se gardent de dénaturer les faits, comme le faisait Ruth Fischer chaque fois qu'elle en éprouvait le besoin. L'auteur s'en est bien aperçu: · Je demandai à Ruth Fisch~r si elle pensait que Katz avait été un agent, et elle me répondit que, bien que ce fût possible, elle n'en était pas sûre. Toutefois, en consultant son livre sur le communisme allemand, je constatai qu'elle se disait convaïr>:cuequ'il en_était un. C'est exactement_ ce qu'illustre l'objection formulé~ en,note par R. Lowen~al, mieux inspiré et renseigne que l'auteur de l'etude: cc Ce récit

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