Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

192 aux congrès précédents, mensonge de l'unité monolithique. Mensonge du « culte de la personnalité », car ceux qui le dénoncent sont ceux qui l'ont pratiqué et qui en profitent, qui substituent maintenant au culte écœurant de Staline le culte scandaleux de Lénine et, dans une certaine mesure, le culte ridicule de Khrouchtchev. Mensonge du « groupe antiparti » : les accusations portées contre ses membres finissent par prouver qu'ils ne formaient nullement un « groupe », quitte à s'additionner épisodiquement contre Khrouchtchev ; et qualifier « antiparti » des hommes qui ont incarné le Parti, qui lui appartiennent corps et âme, qui en font partie encore (autant qu'on sache) et dont même les crimes désormais avérés ont été commis au nom du Parti, c'est typiquement du stalinisme. Mensonge de la « coexistence pacifique», inventée par Staline pour camoufler une guerre politique incessante, adaptée par Khrouchtchev à d'autres circonstances. Mensonge de la « lutte pour la paix », une paix qui n'a pas besoin de lutte et que personne ne menace sinon ses prétendus défenseurs tenus en respect par la force. Mensonge de la « compétition économique » entre les deux « systèmes ))' en réalité entre un système et l'absence de système, réfutée constamment par les évidences. COMMEsous Staline, le Parti a été tenu dans une stricte ignorance de ce que préparaient ses dirigeants pour le XXIIe Congrès, ainsi qu'auparavant pour les xxe et XXIe. Seuls initiés, les cadres supérieurs, membres des comités centraux et fonctionnaires préposés aux interventions à la tribune. Il appert des explications publiées après coup dans la presse soviétique que la surprise et la confusion furent grandes dans le public, communiste ou non 2 • Comme sous Staline, tout était réglé au Congrès comme papier à musique : les assistants, dressés à approuver tous les orateurs stylés pour discourir selon les instructions d'en haut (présidium du Parti, présidium du Congrès) ont même applaudi sans la comprendre la seule note discordante, celle du Chinois qui, sans aborder le fond, blâmait la mise en cause publique des Albanais, et leurs applaudissements rituels cessèrent avec embarras quand ils virent que Khrouchtchev se croisait les bras. Enfin dans tous ces mensonges en gros pullulent les mensonges en détail. Les réquisitoires prononcés contre Molotov, Kaganovitch, Malenkov et Vorochilov en par2. Exemple : un long article de la Pravda du 21 nov. 1961 s'adressait « non seulement aux membres du Parti, mais à tous les citoyens soviétiques honnêtes », autant dire à toute la population consciente, pour leur expliquer les énigmes .du Congrès en ressassant les explications énigmatiques antérieures. Quant aux communistes étrangers, ils n'étaient et ne sont encore au courant de rien, comme d'habitude : ils essaient de se donner contenance en récitant des formules stéréotypes, dépourvues de sens.· BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL ticulier contiennent sans nul doute des vérités, des faits horribles; ces parvenus du stalinisme ont assassiné des milliers de leurs camarades sans rime ni raison avouables. Mais il a fallu huit ans de réflexion depuis la mort de Staline pour que leurs complices se décident à révéler une petite partie de tant de crimes. En le faisant, ils concluent à la nécessité d'une punition bénigne, l'exclusion du Parti, et même cette exclusion, en fin de compte, ils y renoncent. On peut avancer à ce sujet diverses hypothèses : aucune n'est satisfaisante. Staline était certainement visé à travers ses hommes à tout faire puisque le Congrès, dans sa résolution finale, au lieu d'enterrer les « cadavres politiques>) du groupe antiparti, s'est borné à punir la dépouille de Staline, exclue du mausolée de Lénine et mise en terre nuitamment, à la sauvette. Inutile de souligner tous les mensonges que cette procédure implique; ils ne se conçoivent qu'en foncti~n du stalinisme. Tout en supposant connues les abominations divulguées au Congrès, il faut revenir sur certains points particulièrement significatifs et qui n'ont pas assez retenu l'attention du monde extérieur. Au cours des séances tenues du 17 au 27 octobre, Staline n'était qu'indirectement mis en cause, à propos de son « culte » apparemment, en réalité de ses turpitudes et de sa tyrannie sanguinaire; les justiciers en service commandé s'en prenaient nommément à ses séides, les huit coupables du Présidium désignés par Khrouchtchev dès le premier jour. Mais dans son discours de conclusion, le 27 octobre, Khrouchtchev met directement Staline en accusation, la préparation étant jugée suffisante, et alors commence le procès personnel qui doit aboutir aux mesures spectaculaires prises pour déconsidérer l'immonde brute défunte~ L'assassinat de Kirov, notamment, est évoqué pour dénoncer les « répressions massives)) auxquelles il avait donné prétexte, et l'expression maintes fois répétée de « répressions massives )) tout au cours du Congrès mérite qu'on s'y arrête, car elle est mensongère comme tout le reste : l'acte de répression impliquerait quelque chose à réprimer, alors qu'il s'agit en réalité de multiples massacres sans justification possible. Des milliers de gens qui n'étaient pour rien dans le meurtre de Kirov, commis par un communiste en 1934, ont été diversement mis à mort par ordre de Staline. Dans son discours secret de 1956 qu'il n'a pas le courage dé publier, Khrouchtchev avait signalé les « circonstances inexplicables et mystérieuses)) de l'affaire. Au récent Congrès, il y revient pour mentionner la suppression physique de plusieurs tchékistes mêlés à la tragédie et raconter qu'actuellement « on procède à une enquête minutieuse sur les circonstances de cette mystérieuse affaire». Qui croira que huit ans après la disparition de Staline, l'enquête dure toujours ? Il y a vraisemblablement encore un mensonge sous roche, peut-être un chantage exercé sur certains per-

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