244 le deuxième par l'exploitation forcenée des pays · satellites, et que les difficultés des dernières années (amenuisement relatif du fonds d'accumulation, menace d'inflation, réforme du rouble) s'expliquent avant tout par le fait que l'exploitation des satellites est devenue extrêmement difficile depuis Poznan et Budapest. Contrairement à ce qu'avance Sternberg, il nous paraît douteux que !'U.R.S.S. puisse, au cours des prochaines années, prodiguer une aide sensiblement accrue aux pays sous-développés (ce qui n'exclut aucunement telle ou telle initiative spectaculaire limitée à l'un quelconque d'entre eux). Plus étonnant encore est l'optimisme de l'auteur devant l'évolution chinoise. Les aveux multipliés des dirigeants de Pékin depuis 1958, l'échec de l'industrialisation accélérée, la faillite des « communes populaires », la famine qui sévit dans un pays où le gouvernement a ruiné l'agriculture, ne semblent pas modifier son jugement. Il y a, selon lui, de fortes chances que « le gouvernement chinois soit aussi dans l'avenir en mesure, non seulement de maintenir les investissements actuels à leur taux présent, mais encore de les renforcer». Une telle perspective est d'autant plus étonnante que Sternberg dévoile lui-même le secret des « succès » initiaux remportés par le premier plan d'industrialisation chinois. Bien que les objectifs fixés par les plans n'aient jamais été atteints, il souligne avec raison que les progrès de la production industrielle ont été rapides, ce qui présuppose de forts investissements, alors que !'U.R.S.S. n'en a fourni à la Chine qu'au comptegouttes (Sternberg le dit, d'ailleurs). Ce que les premiers plans russes ont obtenu par le pillage des masses paysannes, le premier plan chinois se l'est procuré de manière moins sanglante : c'est, dit Sternberg, l'expropriation des gros propriétaires fonciers qui permit à l'Etat d'encaisser les rentes versées jusqu'alors aux féodaux. Le premier plan put ainsi être financé sans réduire sensiblement le niveau de vie du paysannat. Mais les prévisions trop ambitieuses du deuxième plan obligèrent le régime à intensifier l'exploitation et à instaurer le système des « communes populaires». On en connaît les résultats. Il est ·regrettable que Sternberg n'ait pas l'air de s'en .rendre compte, de même qu'il attribue une valeur au moins relative aux statistiques chinoises, tout en en admettant les exagérations. En résumé, il s'agit d'un livre qui mérite une lecture attentive : lesthèses essentiellessont solides, certaines idées se révéleront fécondes précisément dans la mesure où elles suscitent la contra- .diction. En montrant les dangers qui les guettent, Sternberg veut secouer la passivité des OcciBiblioteca Gin-oBianco LB CONTRAT SOCIAL dentaux : rien n'est perdu, tout peut être sauvé à condition que les défenseurs de la liberté se décident enfin à sortir de leur torpeur. LUCIEN LAURAT. Un précurseur JANINE BOUISSOUNOUSE : Condorcet. Le Philosophe dans la Révolution. Paris I 962, Libr. Hachette, 320 pp. LA VIE ET L'ŒUVRE de Condorcet ont suscité de nombreux ouvrages, particulièrement sous la IIIe République, la plupart ayant été publiés avant 1914. Ses projets d'éducation laïque ont inspiré réfarmateurs et pédagogues de la fin du XIXe siècle. Sa conception d'un progrès indéfini a nourri la pensée réformiste et révolutionnaire jusqu'à ces dernières décennies. Ses convictions rationalistes et antimystiques, son désir de créer sur des bases positives une « science de l'homme » destinée à assurer le bonheur, ont préludé aux doctrines de Saint-Simon et d'Auguste Comte, et, plus lointainement, à toutes les conceptions qui placèrent dans l'avenir de la science leurs espoirs d'une régénération morale de l'humanité. Enfin, il n'est pas inutile de rappeler qu'épris de statistiques et pratiquant le calcul des probabilités, Condorcet a posé les principes d'une sécurité sociale aujourd'hui de règle dans les Etats civilisés. A ce titre, il peut donc passer pour l'apôtre du mutualisme et du Welfare State. Cette trop brève énumération suffit à montrer en Condorcet l'ancêtre des nombreuses idéologies révolutionnaires qui admettent comme postulat, avoué ou implicite, la perfectibilité, sinon de l'homme, du moins des relations humaines ; et, de plus, le précurseur des techniques modernes qui arrachent l'individu, particulièrement le travailleur salarié, à l'isolement dont il a tant souffert dans les débuts du capitalisme industriel . Peut-être le pessimisme de notre temps est-il responsable du fait que Condorcet soit si méconnu du grand \'ublic. Peut-être est-ce l'existence de régimes qw, sous des dehors « scientifiques », sont des monstres irrationnels et tyranniques et qu'il eût rejetés avec plus d'horreur encore que la dictaturp de Robespierre. Avant Hegel, il affirma que le réel est rationnel et qu'il appartient à l'esprit d'en dégager les voies en triomphant des forces obscures qui alimentent les tyrannies et créent l'insécurité. Contre les robespierristes érigeant leurs sentiments en dogmes et proclamant que « l'esprit est un sophiste qui conduit
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