Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

QUELQUES LWRES années 60. Sternberg estime que cela est parfaitement possible, à condition que l'Occident fasse l'effort nécessaire : alors que le Soviétique travaille par semaine 12 heures sur 48 pour le secteur militaire, l'Américain ne consacre à ce secteur que 4 heures sur 40. La marge est plus que suffisante. Ce qui aggrave le danger, c'est la portée des armes nucléaires. Les deux guerres mondiales, dit Sternberg, ont été gagnées par le bloc disposant de la supériorité économique, mais seulement parce que cette supériorité eut le temps de se matérialiser en supériorité militaire, grâce au rempart (la Manche et l'Atlantique) derrière lequel les deux puissances anglo-saxonnes purent convertir leur économie de paix en économie de guerre. Lors de la prochaine conflagration, les fusées intercontinentales des Soviétiques laisseraient-elles aux Etats-Unis le temps de convertir leur supériorité industrielle en supériorité militaire ? Sternberg ne croit d'ailleurs pas que les hommes du Kremlin songent à déclencher une guerre nucléaire. En cherchant à s'assurer la supériorité sur le plan. des armements, ils veulent pouvoir brandir la menace <( afin de rompre l'équilibre politique actuel et de renforcer leur position dans la politique mondiale». « Et il est fort possible, ajoute-t-il, que cette menace, en supposant que les Russes aient la supériorité militaire, soit couronnée de succès.» Les Soviétiques ont d'autres atouts dans leur jeu. Reprenant la thèse soutenue dans un ouvrage précédent 2 , Sternberg souligne l'importance des régions sous-développées dans la guerre froide. Il met en relief la position avantageuse dont jouissait le Kremlin au départ, alors qu'à présent certaines illusions commencent à se dissiper : l'élément psychologique, la rancœur des peuples récemment « décolonisés » envers les colonisateurs d'hier (!'U.R.S.S. n'ayant théoriquement pas de colonies) ; l'attirance qu'une économie « planifiée », prétendument socialiste, au rythme de croissance exceptionnel, exerçait sur des peuples désireux d'échapper au plus vite à leur misère; «l'aide» de !'U.R.S.S. aux sous-développés (Sternberg n'a aucun mal à démontrer l'inconsistance de cette « aide »). Mais Sternberg fait ressortir un autre aspect du problème, bien plus sérieux et qui, lui, ne relève pas de la propagande soviétique. Les pays récemment parvenus à l'indépendance continuent d'entretenir des relations économiques étroites avec leurs anciennes métropoles et avec les Etats-Unis, ils restent dépendants de la conjoncture économique du monde libre ; chaque fluctuation de cette conjoncture, chaque « récession », se répercute douloureusement sur leur vie éco2. Die militdri,che und die indu1tri1lle Revolution, 1957. Biblioteca Gino Bianco 243 nomique et leur niveau d'existence, puisque tout ra]entissement de l'activité en Europe ou aux Etats-Unis réduit les débouchés que les nations avancées peuvent offrir aux produits des pays sous-développés. Sternberg insiste sur la nécessité, pour le monde occidental, de fournir une aide plus substantielle à ces régions déshéritées, et de le faire avec tact, pour ne pas donner de nouveaux arguments à la propagande de Moscou. Cette aide devrait être fournie par des organismes internationaux, afin d'éviter que les prêts accordés directement par les ex-métropoles ne soient ressentis comme une nouvelle forme de « l'exploitation impérialiste». L'aide présentement accordée aux sous-développés paraît à Sternberg très insuffisante : il faudrait la doubler pour assurer à ces régions un rythme de croissance qui puisse à la fois augmenter leur productivité et améliorer leur niveau de vie. L'auteur estime qu'une aide de 1 milliard de dollars représente, pour les Américains et les Européens effectuant en moyenne, annuellement,· un travail de 40 heures par semaine pendant 50 semaines, 4 heures de travail par an : il ne s'agit vraiment pas d'un lourd sacrifice demandé aux Occidentaux. On ne peut qu'approuver Sternberg quand, à l'issue d'une analyse sociologique approfondie, il exhorte l'Occident à être patient devant certaines réactions des populations et des élites de ces régions, encore loin d'être mûres pour la démocratie moderne. Mais on s'étonne quand il recommande avec chaleur la reconnaissance de la Chine de Mao ... Ne nourrit-il pas beaucoup d'illusions quant à la possibilité de détacher la Chine du bloc soviétique ou, du moins, de la neutraliser graduellement ? Ce n'est pas la seule illusion relevée dans cet ouvrage, peut-être parce que l'auteur ne dispose que d'informations de seconde main sur l' économie soviétique. Ainsi, il semble surestimer le taux de croissance de l'industrie soviétique et les possibilités d'un relèvement du niveau de vie. Il paraît ignorer les récents aveux de StroumiHne quant à la grossière exagération de l'indice de la production industrielle. De même qu'il surestime les possibilités d'accumulation de l'économie de !'U.R.S.S. Après avoir souligné à juste titre que les premiers plans quinquennaux furent financés, suivant la théorie de Préobrajenski, par l'impitoyable pillage de l'agriculture et par la comP.ression à l'extrême du niveau de vie des travailleurs des villes, il affirme que !'U.R.S.S. a financé par ses propres moyens sa reconstruction d'après 1945. C'est oublier que le premier plan quinquennal d'après guerre fut financé par la mise en coupe réglée des territoires nouvellement annexés et

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