. 1 QUELQUES Qui l'emportera? VOICI trente-cinq ans, dans un livre qui eut du retentissement à l'époque: Qui sera le maître - Europe ou Amérique ? , Lucien Romier posait une question qui obsédait !es élites européennes à la veille de la grande cnse qui devait porter le premier coup au prestige des Etats-Unis. Europe ou Amérique ? Il n'y avait alors pas d'autres candidats. Un ouvra~e pul?lié en 1961 permet de mesurer le chenun parcouru depuis lors 1 : « Qui sera le maître de la deuxième moitié du xxe siècle ? » C'est Fritz Sternberg qui pose la question, les aspirants à l'hégémonie mondiale n'étant plus deux ~ais quatre. Sternberg résume ainsi ses conclusions : « Les Américains ne domineront pas la seconde moitié du xxe siècle ; les Russes non plus ; les Chinois non plus ; aucun Etat ne dominera le monde à lui seul. » Et l'Europe ? Sternberg estime qu'elle demeurera un facteur « d'importance extraordinaire dans l'histoire mondiale » si elle mène son intégration à bonne fin. Il prévoit, dans l'ensemble, un équilibre entre ces quatre nations ou groupes de nations, aucun n'étant en mesure d'imposer sa volonté aux autres. L'auteur aboutit à cette conclusion au terme d'une longue analyse économique, sociologique et politique. On y retrouve toutes les qualités qui caractérisaient ses ouvrages précédents : manière précise de poser les problèmes, simplicité avec laquelle il présente et illustre les questions les plus ardues, sagacité qui lui permet de découvrir des aspects nouveaux à des thèmes qui semblaient épuisés, style- direct et attrayant, véritable tour de force puisqu'il s'agit d'un exposé économique émaillé de statistiques. Sternberg esquisse tout d'abord l'évolution conduisant de l'hégémonie de l'Europe· avant I. Fritz Sternberg : Wer beherrscht die zweite Hal/te des XX. Jahrhunderts? Cologne-Berlin, Kiepenheuer & Witsch, 368 pp. Biblioteca Gino Bianco LIVRES 1914 à l'accession des Etats-Unis au rang de première puissance mondiale, à la .montée de !'U.R.S.S. à celui de seconde puissance, alors que le déclin de l'Europe s'accentue. La deuxième partie est consacrée à la rivalité américanosoviétique. La troisième partie, qui embrasse plus de la moitié de l'ouvrage et s'intitule : « Sur le chemin de l'histoire mondiale», traite du rôle toujours plus important joué par les pays sousdéveloppés, qui ouvre l'ère de l'histoire mondiale. Car Sternberg estime que jusqu'ici l'« histoire mondiale» ne méritait pas son nom: ce n'est qu'à partir de maintenant, grâce au développement des moyens de transports et de communications, que les relations entre tous les peuples se sont multipliées au point de justifier ce terme. L'importance croissante des régions sousdéveloppées s'exprime dans deux faits primordiaux: l'accession de la Chine au rang de « puissance mondiale » et celle de l'Inde au rang de « grande puissance». La différence entre les deux qualificatifs saute aux yeux. Les pages consacrées à !'U.R.S.S. et à la rivalité américano-soviétique sont à méditer. Sternberg estime que !'U.R.S.S. « n'est ni capitaliste ni socialiste» ; c'est une « formation sociale ·jusqu'ici· inconnue », thèse assez voisine de celle défendue en 1940 par Hilferding. Il admet que le potentiel industriel soviétique atteint à peine la moitié du potentiel américain. Mais le potentiel économique est une chose et le potentiel militaire en est une autre. Or c'est précisément sur ce dernier point que les deux puissances sont aujourd'hui à égalité, ou peu s'en faut. Même avec un taux de croissance supérieur, !'U.R.S.S. mettra longtemps à « rattraper » le potentiel américain. Cependant, du fait de la ptiorité disproportionnée du secteur militaire dans l'économie soviétique, il est à craindre que !'U.R.S.S. ne dépasse d'ici peu les Etats-Unis sur le plan des armements. Il s'agit donc d'empêcher !'U.R.S.S. d'accéder à la suprématie militaire au cours des
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