Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

Documents LA DÉCAPITATION DE L'ARMÉE· ROUGE IL Y A vingt-cinq ans, le 12 juin 1937, la presse des deux mondes publiait un communiqué officiel de l'agence soviétique Tass, daté de Moscou, 11 juin, et annonçant la condamnation à mort des huit principaux chefs de l'Armée rouge accusés des crimes les plus invraisemblables. D'après ce communiqué, les accusés s'étaient reconnus coupables et devaient être jugés le jour même à huis clos par un tribunal militaire spécial composé de neuf maréchaux et généraux du plus haut rang dont les noms figurent dans ce document officiel. Le 12 juin, Moscou annonçait l'exécution des condamnés, couverts d'injures grossières et de calomnies infâmes par toute la presse soviétique, par tous les orateurs et propagandistes du Parti. Le même jour et les jours suivants, les partis communistes du monde entier et leur presse servile reprenaient à leur compte les accusations mensongères, les insultes et les calomnies de leurs maîtres de Moscou pour approuver avec éclat l'extermination des cadres supérieurs de l'Armée rouge. Car de toute évidence il s'agissait d'extermination, et non pas de huit commandants en chef, mais des cadres militaires supérieurs dans leur ensemble. On ne tarda pas à savoir que sept membres sur neuf du tribunal spécial avaient été fusillés. Et que plus de la moitié du corps des officiers, entre trente et quarante mille officiers de tous grades, avaient disparu sans laisser de traces. A la honte des démocraties occidentales, il s'est trouvé des chefs d'Etat, des ministres, des politiciens, des diplomates, des publicistes qui se croient sérieux, qui se prétendent avertis, pour ajouter foi aux mventions monstrueuses de Staline. Pourtant il était clair dès l'orifine que pas un mot de ces monstruosités ne méritait la moindrecr~ce: la preuve en est l'article Biblioteca Gino Bianco paru dans le Figaro du 12 juin 1937 et reproduit plus loin à titre documentaire. Vingt ans après cet épisode sans précédent dans l'histoire d'aucun pays civilisé, le successeur de Staline, dans un discours secret prononcé le 25 février 1956 au xxe Congrès de son parti, avouait en termes prudents un petit nombre des crimes et des atrocités qui ont caractérisé le régime de Staline (nombre énorme, certes, mais petit dans ce discours, proportionnellement au nombre réel), et, sans citer aucun nom, disculpait entièrement les milliers d'officiers massacrés par ordre de Staline. Peu à peu, les noms des principales victimes réapparaissaient furtivement dans la presse soviétique, puis dans les nouvelles éditions encyclopédiques sans aucune indication quant aux circonstances de leur mort. C'est ce qu'on appelle en U.R.S.S. la «réhabilitation» des innocents, alors que la vérité n'est pas dite à leur sujet : on se borne à les réintégrer très modestement dans les livres d'histoire et, en de rares occasions, dans les commémorations d'anniversaires qui alimentent la propagande. Mais en octobre dernier, au XXIIe Congrès du Parti, donc un quart de siècle après la tuerie, le tableau change encore et, cette fois, les « réhabilitations » deviennent explicites, les noms des maréchaux Toukhatchevski, Egorov et Blücher, des généraux Iakir, Ouborévitch, Eideman, Kork sont prononcés à la tribune, plusieurs orateurs se réfèrent à leur sort, à la suite de Khrouchtchev et de Fourtséva qui ont donné le signal. Quelque temps après, les lzvestia publient des articles dithyrambiques consacrés à Toukhatchevski et à lakir. Sans nul doute, il y en aura beaucoup d'autres. Cependant les communistes, si enclins qu'ils soient à célébrer les anniversaires auxquels personne ne pense, ont observé un silence de

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