Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

M. RUBBL ne doute point que ceux-ci soient destinés à devenir une grande nation manufacturière. Voici son pronostic : D'imposantes cités de manufactures jailliront aux divers points de l'Union ; la population se rassemblera en masse, et l'on verra mftrir aussitôt les vices qui accompagnent actuellement un tel état de société. Des millions d'hommes verront leur subsistance dépendre de la demande d'une industrie particulière, et encore cette demande sera-t-elle soumise à une perpétuelle fluctuation. Quand le pendule oscillera dans une direction, ce sera un flux de richesse et de prospérité; quand il reviendra en sens contraire, ce sera la misère, l'insatisfaction et le désordre à travers tout le pays. Un changement dans la mode, une guerre, la fermeture d'un marché étranger, mille accidents imprévisibles et inévitables se produiront, qui ôteront la paix aux multitudes. Un mois plus tôt, elles profitaient de toutes les facilités de la vie. Voici maintenant une prédiction dans le plus beau style marxien : Qu'on se rappelle que c'est la classe souffrante qui sera, en pratique, dépositaire de tout le pouvoir politique de l'Etat; qu'il ne peut y avoir de force militaire pour maintenir l'ordre civil et protéger la propriété; et dans quel coin, j'aimerais qu'on me le dise, l'homme riche pourra-t-il chercher refuge et mettre à l'abri sa personne ou sa fortune ? Certes, aucun des « éminents » interlocuteurs de Thomas Hamilton n'a refusé de voir qu'une telle période de désordre fût inévitable. Mais on lui répondait souvent que ces redoutables événements étaient encore éloignés, que pour l'instant le peuple n'avait guère d'inquiétude au sujet des afflictions à venir. Et le voyageur écossais de noter : · Je ne peux pourtant m'empêcher de croire que le temps de l'épreuve est bien moins éloigné que ces raisonneurs ne l'imaginent pour se rassurer ; mais si l'on concède que la démocratie mène nécessairement à l'anarchie et à la spoliation, la longueur du chemin qui nous y mène n'a pas grande importance. Il est évident qu'elle peut varier selon les circonstances particulières de chaque pays où l'on en peut faire l'expérience. L'Angleterre pourrait faire le trajet à la vitesse du chemin de fer. Aux Etats-Unis, étant donnés les grands avantages qu'on y trouve, les choses peuvent durer encore une génération ou deux, mais le terminus est le même. Il y a doute sur la durée, non point sur la destination (p. 66). Devenu communiste, Marx n'avait qu'à inscrire le mot de communisme là où Hamilton écrivait « anarchie » ou « spoliation » ; devenu économiste, il donnera aux avertissements de l'Ecossais une armature théorique dans le fameux chapitre du Capital qui s'intitule : «La tendance historique de l'accumulation du capital.» Tocqueville a trouvé une formule générale, et guelque peu hégélienne, pou1 conjecturer cet.,accomplissement des temps. Il voyait dans le progr~ de l'égalité sociale un effet de la Providencedivine. Biblioteca•Gino Bianco 217 III. - Défense et conquête de la démocratie ON SERAIT tenté de dire que Marx fut le légataire spirituel de Tocqueville, et qu'il apporte cette science nouvelle de la société où la dialectique de la nécessité historique prendra la place de la croyance en la Providence divine. Nous n'avons cure de poser à nouveau un problème qui tient une si belle place dans le débat sur l'« historicisme » de Marx. Ce que nous avons essayé de montrer, c'est que, dans la formation politique de Marx, il existe un lien étroit entre ses convictions pré-communistes et son adhésion au communisme ; entre le Marx démocrate et le Marx communiste ; entre les premières œuvres, qui ne sont point économiques, où le communisme prend simplement la forme d'une dénonciation véhémente du culte de l'argent (La Question juive, par exemple), et Le Capital, où la même dénonciation est présente, quoique souvent tacite, dans le schéma scientifique du système de production capitaliste. Nous voudrions apporter à cette thèse un dernier témoignage. En 1850, sept ans après son adhésion au communisme, et alors qu'il militait comme chef de la Ligue des communistes, Marx autorisa Hermann Becker, membre de la même Ligue, à publier un choix de ses écrits en plusieurs volumes. La première livraison fut publiée à Cologne en I 851. On y trouve les articles libéraux et démocratiques des Anekdota et de la RheinischeZeitung, ce qui veut dire que Marx ne les considère point comme dépassés, et que la lutte pour les libertés démocratiques reste la tâche du jour. Il est convaincu que ses premières idées sur la démocratie contiennent en puissance tous les éléments de cet humanisme dont le communisme n'a été qu'un aspect particulier; et cela, Marx l'affirme dans ses manuscrits de 1844, première ébauche du Capital. Deux concepts séparés, celui de démocratie et celui de communisme, correspondent chez Marx à la révolution politique et à la révolution sociale, c'est-à-dire aux deux étapes de la révolution prolétarienne. La première, la « conquête de la démocratie » par la classe ouvrière, aboutit à la « dictature du prolétariat ». La seconde, c'est l'abolition des classes sociales et du pouvoir politique, la naissance d'une société humaine. Marx a distingué entre révolution politique et révolution sociale, et il faut s'en souvenir si l'on veut comprendre ses attitudes d'homme de parti. Nous n'avons pas à nous occuper ici des divers aspects de sa sociologie politique. Retenons seulement que le développement social lui paraissait assujetti aux lois historiques, et que les révolutions sociales dépendaient donc des conditions données, tant matérielles,..que morales.''Ce processus est caractérisé par la croissance des forces productives, prop-~ technique d'une part, maturité de la consacnce hurna,o~

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