Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

,.. L. PISTRAK sophie universelle (_.. ) qui_est ,en fait ~e édit!o~ coloniale de la philosophie react1onnaire amer1caine du pragmatisme» ; le programme politique d'Azikiwe était une « idéologie et une politique de réformisme national petit-bourgeois. · Traité de « Gandhi africain» (jusqu'en 1955, Gandhi était un « valet de l'impérialisme »), le Dr Azikiwe était accusé d'autre part d'être partisan des méthodes pacifiques dans la lutte pour l'indépendance. Autre représentant de I'intell~gentsia africaine, le Dr Joseph B. Danquah, qui, avec Nkrumah, dirigeait la United Gold Coast Convention, « se prosternai! devant 1;impériaµs~e britannique » et « enterrait le mot d ordre : mdependance dans le plus bref délai possible» adopté par la Convention en 1947. Potekhine se sentait libre de critiquer les dirigeants nationalistes africains puisque « la victoire complète et finale de la révolution coloniale ne peut être remportée que si le prolétariat joue un rôle dirigeant », et cela en dépit du fait que, « à une certaine étape et pendant un certain temps », la « bourgeoisie nationale » peut soutenir le mouvement révolutionnaire. « Les organisations et partis nationalistes petits-bourgeois, ajoutait-il de manière quelque peu prématurée, ont déjà démontré leur incapacité à poursuivre le cours de la libération nationale.» D'autre part, citant Staline, Potekhine soulignait : L'ère des révolutions pour libérer les colonies et pays dépendants, l'ère du réveil du prolétariat de ces pays, l'ère de son hégémonie dans la révolution a commencé. C'est là, en termes généraux, la théorie de la révolution coloniale élaborée par Staline. Pour un ethnographe soviétique qui étudie les peuples des colonies et pays dépendants, cette théorie est un guide pour l'action. Potekhine s'empressait alors d'utiliser à fond ce guide. « La société indigène africaine n'est plus monolithique», affirmait-il ; elle est di-yi~ée en classes, chacune occupant une « pos1t1on particulière dans la lutte contre l'impérialisme». En outre, si le degré de participation des ouvriers ~ au mouvement anti-impérialiste n'était pas le même dans tous les pays de l'Afrique tropicale, « la classe ouvrière donnait partout des exemples d'unité et de capacité d'organisation,. et son rôle dirigeant et organisateur augmentait partout ». En 1954, Potekhine et D. D. Oldenrogge (autre ethnographe de renom qui dirige le groupe d'africanistes de Léningrad) publièrent une monographie de 73~pages i~titulée L~s P~ples d'Afrique dont ils avaient écrit les pr1nc1paux arttcles : on ne peut y déceler aucun changement par rapport à la position de 1950. Dans le chapi~re: « Afrique tropicale orientale », dû à Potekh1ne, la « division » de la société africaine en classes et la désintégration de l'organisation tribale sont mises en relief 13. Une bourgeoisie nationale 13. Le, Peuples d'Afrique, Moscou 1954,. pp. 441 sqq. Les citations qui suivent sont prises à la meme source. Biblioteca Gino Bianco 209 a déjà fait son apparition, poursuivait Pote~e, et « bien que les statistiques sur la différenc1anon de classe du paysannat fassent défaut, on a de bonnes raisons de croire qu'elle est allée très loin». Les idées politiques et la politique du Dr Azikiwe, à cette occasion « gros banquier capitaliste et propriétaire de plantations et d'entreprises de presse », étaient présentées comme un exemple frappant de « l'inconsista~ce de la bourgeoisie nationale». Le Convention People's Party dirigé par Nkrumah était également pris à partie parce qu'il « reflète les intérêts de la grande bourgeoisie nationale et ne justifie pas la confiance du peuple » : Parvenu au pouvoir, il [le parti] répudia les anciens mots d'ordre qui lui avaient assuré l'appui de la classe ouvrière et en général des masses. Dans le dernier chapitre, Potekhine ~m~t que « la classe ouvrière ~'Afrique compte ?l~scutablement aujourd'hw [1954] des millions d'individus et représente la force socialedécisive » ; « la division tribale, caractéristique il y a peu de temps encore de la J?lupa~ des peupJes afr~- cains est en voie de dispar1non ». Il discernait aussi' un « regroupement considérable des forces de classe dans le camp antimilitariste ». De nouvelles organisations, assurait~il, voyaien~ le jour, parmi lesquelles des partis c~ID;11?111st~s qui ont « ouvert l'ère de la lutte pour 1 h~g~mo~e du prolétariat dans le mouvement de liberanon nationale». Ainsi, en 1954, un an après la mort. de Staline, les africanistes soviétiques s'en tenaient encore à la théorie stalinienne suivant laquelle les révolutions coloniales doivent être et seront partout dominées par le prolétariat, c'est-à-dire par les partis communistes. Aveu d'ignorance C'EST seulement en 1955, nombre de faits historiques s'étant fait sentir, que l'analyse léniniste-stalinienne fut «amendée». Les partis communistes en Inde et dans le Sud-Est asiatique avaient joué un rôle insignifiant dans la lutte pour l'indépendance ; la révolution en Egypte, qui s'était terminée par l'élimination complète de la domination étrangère, avait été l'œuvre de la caste militaire, les communistes locaux n'y ayant pris aucune part ; nombre d'Etats africains avaient conquis l'indépendance ou s'en approchaient, non par une révolution coloniale (au sens communiste du terme), mais par des moyens pacifiques et avec le soutien actif des Nations Unies. Il devint manifeste que poursuivre une politique partisane dans les pays émancipés isolerait encore davantage les partis et groupes communistes et finirait par les transformer en sectes politiques dépourvues de toute influence. En outre, la politique étrangère de « coexistence pacifique » ( autre tournant dans la stratégie du

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