CH. BIRD Avec le début du :xxe siècle, les explorations russes en Ethiopie - ainsi du reste que dans toute l'Afrique - se multiplièrent, prirent de l'envergure. Géologues, ethnographes, zoologues et botanistes s'aventuraient chaque fois plus profondément et, au retour de chaque expédition, des matériaux ethnographiques nouveaux venaient enrichir les musées de Saint-Pétersbourg et de Moscou, des journaux de voyage et des ouvrages scientifiques étaient imprimés. Ainsi se forgea une tradition d'intérêt pour l'Afrique et se constitua un corps savant spécialisé, tremplin indispensable aux Soviétiques pour lancer leur propre programme. Centres de formation et de recherche LES PREMIÈREStentatives pour organiser le-s études africaines datent de 1929 : une section spéciale fut adjointe à l'Institut d'Etudes orientales de l'université de Léningrad. Depuis, cette petite section a acquis son indépendance pour devenir une section des études africaines, l'un des deux principaux centres africains de l'Union soviétique. L'autre, plus récent, est l'Institut africain de l'Académie des Sciences, fondé en 1960 à Moscou et confié à 1. I. Potekhine, le plus grand spécialiste soviétique de l'Afrique. Un bref aperçu de l'histoire de ces deux organismes donnera une idée des efforts déployés pour créer un corps d'africanistes marxistes. Avant la seconde guerre mondiale, l'instruction, dans le domaine africain, était confinée à l'Institut d'Etudes orientales de Léningrad, où, en 1929, le premier cours de langue africaine (en l'occurrence le swahili) fut inauguré par le professeur D. A. Olderogge 4 • L'effort principal fut concentré sur la politique, sans résultats tangibles. La section fut supprimée au début des années 30 et seules quelques-unes de ses activités furent transférées à l'Institut d'histoire, de philosophie et de linguistique de Léningrad (L.I.F .L.I. ), où A. P. Riftine avait inauguré une section des langues et littératures sémitiques. Entre-temps, Olderogge, Riftine et N. V. Iouchmanov, celui-ci spécialiste des langues sémito-chamitiques, avaient rédigé un rapport sur la nécessité d'améliorer l'enseignement des langues africaines. Il en résulta deux cycles d'études, organisés en 1934-35 à l'université de Léningrad : l'un pour les langues bantoues (dans lequel le swahili, le zoulou et plusieurs autres disciplines étaient enseignés), l'autre pour les langues sémito-chamitiques (avec des cours de hausa, d'arabe et d'amharique, ainsi qu'un cours général de linguistique comparée). Du premier groupe d'élèves qui obtinrent leur diplôme en 1939, trois hommes et deux femmes avaient 4- Let données concernant les études africaines à l'univeniû de Lé:1ingrad sont fondées sur les Mimoires scitntifique, de l'imiversiti d'Etat de Lhlingrad, 196o, n° 296, pp. 123 tqq. Biblioteca Gino Bianco 203 suivi le cycle de bantou, un homme et deux femmes le cycle chamitique. C'étaient les premiers africanistes formés en Union soviétique. * ,,. ,,. Pendant la deuxième guerre mondiale, l'université de Léningrad ferma ses portes, mais les cours reprirent en 1945. A l'heure actuelle, quelque trente-cinq cours d'africanistique y sont professés. Le programme est divisé en quatre sections : 1. langues et littérature bantoues ; 2. langue amharique; 3. langue hausa; 4. histoire de l'Afrique 5 • En gros, c'est depuis sept ans que le programme d'études a pris de l'ampleur 6 • Il a été stimulé au premier chef par les dirigeants soviétiques eux-mêmes. Ayant décidé une intervention politique et économique massive dans les nouveaux pays d'Afrique noire, ceux-ci, se rendirent compte qu'ils manquaient de personnel entraîné pour réaliser leurs desseins. En mai 1955, le Kommounist, revue théorique du Parti, présentait ainsi ses doléances dans un éditorial : Dans l'ensemble, les travaux concernant les pays africains ont jusqu'à présent été très mal organisés. Les cadres d'africanistes, peu nombreux, sont dispersés. Les pays du continent africain ne sont étudiés en détail qu'à l'Institut d'ethnographie de l'Académie des Sciences... Etudier l'histoire de l'économie et de la culture des peuples africains (...) et démasquer la politique coloniale des impérialistes en Afrique est l'une des tâches les plus importantes de l'orientalisme soviétique 7 • L'année suivante, l'Institut d'ethnographie organisa une conférence pour mettre sur pied un programme coordonné de recherche, dans lequel l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales devait jouer un rôle essentiel. Cependant, ce plan se révéla peu satisfaisant et, en 1960, un Institut africain fut organisé à l' Académie sous la direction de I. I. Potekhine. L'Institut comprend quatre sections : histoire, linguistique, cultures et problèmes contemporains, mais le plan de six ans d'études (1960-65), adopté à la première session du conseil des professeurs, indique clairement que l'essentiel du travail sera consacré aux études historiques 8 • Une 5. Outre l'université de Léningrad, plusieurs autres institutions soviétiques d'enseignement supérieur ont inscrit à leur programme l'étude de l'Afrique : ainsi des universités de Moscou, Odessa, Kiev, Kharkov, Tbilissi et Simféropol. Cf. T. P. Melady et John A. Bekler : « The Soviet Cultural Offensive in Africa 11, in American Mercury, fév. 196o. 6. Pour plus de détails, cf. Mary Holdsworth : Afri-can Studies in the USSR, St Anthony Papers, n° 10, Southern Illinois University Press, 1961, pp. 89-101. Inutile de dire que les Soviétiques ont encore beaucoup à faire pour atteindre le niveau des institutions occidentales qui se consacrent à l'Afrique : il ne serait pas étonnant que dans un proche avenir les Soviétiques essayent d'exploiter ces demi~res afin de former leurs propres spécialistes. 7. Kommounist, mai 1955, n° 8, p. 77. 8. N. R. Ismaguilova : « Examen du plan de recherche scientifique de l'Institut africain de l' Acadmùe des Scicncct de !'U.R.S.S.•, in Qu,stions d'histoir,, 1960, n° 10, pp. 14446.
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