Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

L'AFRICANISME EN U.R.S.S. par Christopher Bird EN 1959, Hailé Sélassié se rendit en Union soviétique. Depuis sa descente d'avion, à Moscou, jusqu'à son départ, il disposa de plusieurs guides qui parlaient l'amharique, sa langue maternelle. Le négus en fut sans doute impressionné. Non moins frappé dut être le fameux africaniste Thomas Hodgkin lorsque, au cours d'une visite à l'université de Léningrad, en 1958, il trouva des savants soviétiques absorbés à traduire en russe des textes arabes et hausa datant du Moyen Age 1 • Non seulement cette documentation, qui avait trait à l'histoire ancienne de l'Afrique soudanaise, n'avait jamais été traduite dans une langue occidentale, mais elle était introuvable à Londres ou à Paris. Pareils exemples témoignent du sérieux et de l'efficacité des programmes réalisés ces dernières années par les Soviétiques en matière d'études africaines. Pendant trente ans, !'U.R.S.S. avait man.ifesté peu d'intérêt pour l'Afrique, dont elle resta pour ainsi dire isolée jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. Depuis l'apparition des mouvements pour l'indépendance, et plus spécialement depuis l'octroi de l'indépendance aux premières possessions britanniques et françaises, pendant les années 50, Moscou s'emploie à exercer son influence sur le continent noir : ses interventions, tant politiques qu'économiques, se multiplient. Ces nouvelles obligations nécessitent de nombreux spécialistes des langues, de la culture, de l'économie africaines. La mise sur pied d'un réseau moderne de centres de formation de spécialistes est d'autant plus complexe que l'Afrique exige un corps savant s'appuyant sur une longue tradition et sur les efforts de plusieurs générations. Cette tâche ne 1. Thomas Hodgkin : • Soviet Africanists •, in West 11/rica, 3 10 et 17 oct. 1959. Biblioteca Gino Bianco peut être accomplie du jour au lendemain, ni même en quelques ·années. Les Soviétiques sont peut-être loin d'avoir réuni les moyens qui répondent à leurs ambitions politiques ; leurs progrès n'en sont pas moins considérables. Pour une bonne part, ils sont redevables de ces succès à la vieille tradition qui poussa les Russes à explorer l'Afrique bien avant la prise du pouvoir par les bolchéviks, et dont les africanistes soviétiques d'aujourd'hui ont su tirer parti. Premiers contacts DEPUISprès de cinq cents ans, dès l'aube des temps modernes, bon nombre d'explorateurs, d'aventuriers, de prêtres, de marchands et de diplomates s'étaient rendus de Russie en Afrique et y avaient établi des contacts politiques et culturels. Un manuscrit ancien, Les Pérégrinations du saint moine Varsonofi à la ville sainte de Jérusalem en 1456 et 1461-62 (réimprimé à Moscou en 1896), fait le récit du voyage de Varsonofi et du marchand Vassili en Egypte, où les deux hommes séjournèrent plus d'un mois 2 • Ils consignèrent chacun leurs impressions au Caire, l'un s'étant intéressé particulièrement aux églises, l'autre à l'activité commerciale. Peu après, dans les années 1470, un autre Russe, Athanase Nikitine, débarqua en Somalie et parcourut l'Afrique orientale. Cependant, ce fut surtout l'Egypte et l'Afrique du Nord qui attirèrent les aventuriers russes. Dès l'origine, journaux et notes de voyage offrent une masse d'observations sur des sujets tels que 2. Sauf avis contraire, le récit historique qui va suivre est tiré de M. V. Raït : • Voyageurs et savants russes en Afrique du xve siècle au commencement du ue », in Courn·er de l'histoire de la culture mondiale, 1960, n° 2, pp. 98-109. Sur la politique tsariste à l'égard de l'Afrique, cf. ~galcment Sergius Yacobson : « Russia and Africa ,, II, in Slavonie and East Burop,an RlfJinu, vol. XIX, 1939-40, pp. 158-174 • •

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