Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

198 demment n. ta source du déficit. Tout cela est à constater ou à supposer grâce au fait patent que la politique extérieure soviétique, sans renoncer à ses objectifs de toujours, adopte en dépit de. certaines secousses des formes moins agressives· ou plus temporisatrices. Il n'en faut pas plus pour que s'accentuent en Occident et en Amérique des tendances qui sont contradic ... toires et cependant concordantes par leurs causes : volonté de résister plus fermement à un dangereux voisin dont on croit à tort ou à raison que sa résolution est moins ferme, volonté de saisir l'occasion pour composer avec le monstre en se servant au besoin de l'épouvantail chinois et en nourrissant l'espoir de réintégrer l'U.R.S.S. dans la communauté européenne. Ne nous dissimulons pas que ces faits et ces sentiments sont principes de divergences tactiques au sein du monde libre. Reste à mentionner un troisième facteur d' évolution qui n'est pas le moins important et qui réside dans la réussite actuelle de la construction occidentale. Parlons sans fard : il n'existe pas, il ne peut pas exister de politique dissociée des intérêts nationaux. _Lorsque les Etats-Unis, au lendemain de la guerre mondiale, ont sauvé l'Occident de la misère et de la conquête, ils nous ont rendu un immense service, mais personne ne soutiendra que ce fut par idéalisme pur. Voici que grâce à eux, leurs protégés d'hier, Allemagne et France surtout, ont retrouvé la vigueur, la prospérité industrielle, la force de s'armer et n'ont plus besoin de quémander des subsides dont l'octroi les mettait, cela va de soi, en état de dépendance. Comment dès lors, et sans aller jusqu'à une rupture qui serait folie plus encore qu'ingratitude, ne pas regimber contre une subordination qui ne fut pas toujours agréable autant que profitable ? Comment même ne pas rêver plus ou moins explicitement d'une Europe qui ne serait plus une simple création de l'Amérique et qui oserait même se souvenir du temps où elle régentait la terre ? Même s'il y a là quelque chose de chimérique, les poussées concomitantes de la vie et de l'orgueil sont aussi naturelles qu'irrésistibles. En cet éclairage, nous pouvons maintenant essayer de comprendre comment se posent les problèmes dont l'enchevêtrement risque de décourager celui qui s'en tient à l'imbroglio de l'information quotidienne. SUIVANT le même ordre génétique, nous abordons d'abord la question de l'extension du Marché commun. Le profane n'en saurait dire grand-chose, car il se rend bien compte qu'il y a là moins une question générale qu'une foule de cas particuliers dont chacun exige de laborieuses mises au point, les experts ayant plus à faire que les ministres. L'Europe économique, l'Europe des Six, occupe une position très solide puisque ce sont d'autres ~tats, de la Norvège Biblioteca Gino Bianco ., LE CONTRAT SOCIAL à la Turquie et à l'Angleterre, qui ont pris figure de demandeurs ; mais il est très délicat de déterminer ce que chaque nouvel associé peut apporter ou perturber, plus délicat encore d'instituer à la périphérie de la communauté la frontière douanière qui est la condition du développement interne. On comprend que !'U.R.S.S. et les U.S.A. soient, en dépit de réactions différentes, également préoccupés par une évolution qui risque de leur enlever des clients ; on comprend aussi que la situation de l'Angleterre, contrainte de sacrifier plus ou moins à son commerce avec l'Europe ses accords préférentiels avec le Commonwealth, soit particulièrement embarrassante ; on comprend enfin que les associés européens puissent se retrouver en état de concurrence sur des territoires tels que ceux de la nouvelle Afrique. Le réseau des solutions ne peut être tissé que jour par jour d'une manière empirique et souple ; le travail ira d'autant mieux qu'on n'y mêlera pas les .passions et les idéologies, qu'on ne prétendra pas tout régler d'un seul coup de manière uniforme. L'empirisme est la seule méthode concevable pour aboutir à d'efficaces ententes économiques ; même s'il est adultéré par des intrigues ou des arrière-pensées tributaires de l'égoïsme national ou des grands intérêts privés, nous aurions tort de nous impatienter de ce que nous prenons pour de décevantes lenteurs. A supposer que l'année en cours voie s'effectuer, comme cela paraît maintenant possible, l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun, l'esprit de justice nous commandera plutôt de nous étonner que tout aille si vite et si bien. Plus mêlée de passions et de susceptibilités est la question de la réforme de l'O.T.A.N. Si l'on se contentait de dire qu'en dix ans les données de la stratégie mondiale _ontchangé et qu'il convient d'adapter l'alliance à des situations ·nouvelles, on ne dirait rien que d'évident, mais ces généralités englobent le sentiment qu'au sein même de la communauté atlantique les droits et les devoirs de chacun doivent être définis plus soigneusement. Il se pourrait qu'en ce domaine aussi les Etats-Unis aient d'une certaine manière trop bien réussi. Lorsqu'ils créèrent l'alliançe, les contingents européens n'avaient guère qu'une valeur d'appoint, et le temps n'est pas éloigné où le chef d'état-major américain dénonçait avec amertume la paresse des nations continentales qui se laissaient protéger sans faire · grand effort par elles-mêmes. Aujourd'hui, les douze divisions modernes de la Bundeswehr sont constituées, l'armée française rentre d' Algérie et ce sont les troupes anglaises et américaines dont l'importance relative diminue sur le continent. L'Allemagne ne fait pas état de ces modifications et continue d'assumer loyalement le rôle d'alliée fidèle ; c'est parce qu'elle a ti:ès impérieusement besoin de l'appui américain pour la défense de Berlin et redoute plus que tout tin dialogue américano-soviétique conduisant hypothétiquement à un marchandage

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