QUELQUES LWRBS Lucien Herr. Mais Blum sentait parfaitement l'importance de ce courant héroïque et mystique qui trouva en Péguy son expression la plus vigoureuse, de ces nouvelles croyances éthiques et philosophiques que l'enquête d'« Agathon» venait de discerner chez « Les jeunes gens d'aujourd'hui». Or, seconde raison qui rend cette étude digne d'être remarquée, ce courant dans lequel Léon Blum voyait« la grande nouveauté de ce temps» et dont il attendait l'éclosion d'une vigoureuse école poétique, remontait, ou du moins (ainsi que Blum l'écrit comme pour se garder une échappatoire) paraissait remonter le courant de la vie moderne. Il allait « en sens contraire de l' éduca- . tion commune et de la culture générale, dont le caractère éminemment scientifique [se précisait] de plus en plus». 11 s'accordait malaisément « avec le mouvement de la vie collective, et en particulier avec le mouvement politique et social, mouvement dirigé par des notions à contenu purement logique, comme les idées de droit, de justice et de progrès». Il y avait une telle antinomie entre ces tendances nouvelles et le socialisme tel qu'il était devenu que Jaurès les condamnera une année plus tard, aux funérailles de Francis de Pressensé, dans cette espèce de second « discours à la jeunesse» que Léon Blum devait ressusciter, vingt ans plus tard, pour l'opposer à Marcel Déat et aux néo-socialistes. Jaurès y avait attaqué Bergson (sans nommer son ancien condisciple), ce Bergson dont Blum écrivait, non sans raison, dans son étude de 1913, qu'il avait offert aux tendances de la nouvelle génération « le soutien solide et certain d'une vaste construction métaphysique ». · Passionné de Jaurès, voué de longue date au socialisme, Léon Blum était attiré vers le courant nouveau par de multiples penchants de sa sensibilité, notamment et pour ne retenir que l' élément le plus pittoresque, par ce goût du sport, dont il dit qu'il fut, à la fin du xixe siècle, une des « deux grandes nouveautés françaises » (la seconde étant le goût de la musique) et dont il se réjouissait qu'il exaltât « la joie de l'existence corporelle, de la vie physique, de la communion vivante avec la nature». Comment a-t-il choisi? La réponse ne saurait faire de doute. Léon Blum se méfiait trop de sa sensibilité pour ne pas choisir selon ce qu'il croyait être la raison, la logique. Mais les deux hommes subsistèrent en lui, désaccordés, et ce divorce expliquerait en partie l'espèce de stérilité doctrinale à laquelle il se condamna - et le socialisme en même temps que lui. Innover, c'eût été faire appel, non à la raison (car « les nouveautés de la raison s'épuisent», constatait-il), mais à ces impulsions intérieures dont il devait pressentir assez clairement qu'elles l'entraîneraient fort loin du choix qui était, à ses yeux, celui de la raison. C. H. Biblioteca Gino Bianco 187 Choses d'Espagne STANLEY G. PAYNE : Falanç_e.A History of Spanish Fascism. Stanford (California) 1961, Stanford University Press, 316 pp. LES OUVRAGES analytiques consacrés à l'Espagne franquiste se comptent sur les doigts. Sans doute la dictature du Caudillo, avec ses ruses, ses louvoiements et ses ambiguïtés donne-t-elle trop de fil à retordre aux observateurs politiques, aux sociologues et aux historiens, attirés de préférence par des phénomènes faciles à décrire et à classer. Les études générales sur le fascisme ou le totalitarisme elles-mêmes laissent souvent le régime franquiste de côté, et bien des auteurs vont jusqu'à contester purement et simplement son caractère totalitaire ; ce qui illustre, soit dit en passant, l'habileté de la propagande déployée par le régime depuis la défaite de l'Allemagne hitlérienne et de l'Italie fasciste. Le franquisme est intéressant pour cette raison précisément qu'il se situe, si l'on peut dire, à la périphérie du totalitarisme : certains aspects de celui-ci, plus ou moins dissimulés là où il atteint à une certaine perfection, apparaissent au grand jour à travers les demi-mesures, les tergiversations et les contradictions propres à l'Etat « nationalsyndicaliste ». Par exemple, l'étude du régime franquiste dissipe les illusions des théoriciens sur l'importance de l'idéologie dans le système totalitaire. Il n'est pas toujours facile de démontrer que, dans le nazisme ou le stalinisme, l'idéologie officielle revêt un caractère de simple instrument. Dès qu'on aborde le système de Franco, cela saute aux yeux : pour manipuler les syndicats, le franquisme est phalangiste; pour censurer la presse, il est clérical; pour contrôler la jeunesse, militariste; et ainsi de suite. En y regardant de plus près, on décèlera dans les régimes totalitaires achevés un éclectisme analogue, mais mieux camouflé. L'auteur du présent ouvrage n'a pas échappé aux pièges tendus à l'observateur par la variété franquiste du fascisme. Franco lui apparaît comme un « roublard », tandis que le fascisme espagnol se réduit, selon lui, à la Phalange, et même aux débris de la vieille Phalange préfranquiste. Plus de la moitié du livre est consacrée à la naissance et aux vicissitudes de ce groupuscule qu'était la Phalange avant d'être prise en main par le Caudillo, avant sa fusion avec le mouvement carliste et sa transformation en un des éléments de l'appareil d'Etat. Cela se solde par un grand nombre d'informations sur les courants fascistes antérieurs à l'explosion de la ~uerre civile, informations souvent utiles à l'intelligence des événements. Malheureusement, l'analyse de l'auteur ne respecte pas toujours, fftt-ce pour cette période, l'iml'ortance relative des phénomènes. Les déclamations d'un RamiroLedesma Ramos, cet inventeur du « national-syndicalisme » qui ne s'intéressait pas
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