QUELQUES LIVRES Stagnation de l'islam RAYMOND CHARLES: L'Evolution de l'Islam. Paris 1960, Calmann-Lévy, édit., 201 pp. M. RAYMOND CHARLEeSst plutôt juriste qu'islamisant. Ses deux ouvrages : Le Droit musulman (~956) et L;Ame m1!sulmane (1958), ainsi que son discours, L Humanismemusulman, ne lui confèrent pas encore le titre que portent abusivement des hommes qui, pour avoir étudié le monde islamique surtout théoriquement ou à travers des voyages de touristes, s'attribuent le droit de statuer sans appel sur l'islam dans le passé, le présent et l'avenir. Le présent ouvrage de M. R.. Charles, L' Evolution de l'Islam, est-il la consécration d'une carrière où l'histoire, faisant bon ménage avec la littérature, donne l'avant et l'arrière-goût d'un certain nombre de lieux communs qu'il est aisé de déceler dès les premières pages? Malgré l'estime que l'on doit accorder au talent de l'auteur et en dépit du travail de compilation auquel il s'est livré, on ne saurait le classer parmi les islamisants, car ses cheveux n'ont certes pas blanchi à l'étude de l'islam. Il s'est sans doute attaché passionnément à l'étude du droit musulman, mais cela suffit-il pour connaître les peuples qui subissent des législations arbitraires s'inspirant d'une fausse interprétation du Coran par tous les gouvernants élevés au pouvoir soit par un droit héréditaire, soit par un recours à la force ou à la duplicité? La grande faiblesse des arabisants et des islamisants actuels provient de l'indigence de leurs moyens d'étude. Ce n'est pas seulement dans les textes qu'il faut étudier l'islam ; ni dans les vociférations des chefs islamiques, répétées à satiété par des peuples terrorisés. C'est au contact de ces peuples avec qui une communion serait très facile si nos islamisants et arabisants ne limitaient pas leurs rapports à l'intelligentsia et s'ils pouvaient parler avec aisance la langue du Prophète. L'islam, ce n'est pas l'appel musi~ .lancé aux fidèles par Biblioteca Gtno· Bianco · le muezzin du haut des minarets. Les souks de l'Orient sont un mirage auquel s'entêtent à croire les voyageurs occidentaux, et les interminables discussions théologiques des ulémas, des palabres vides d'esprit. L'islam, c'est la stagnation de l'esprit. Pour avoir consacré un temps précieux à analyser des textes islamiques juridiques et jurisprudentiels, M. R. Charles a droit à notre estime, mais de là à bien mériter de la science, il y a du chemin à parcourir : la science réelle est celle qui découvre. Ni lui ni les islamisants, parmi lesquels on ne saurait le classer, n'ont fait la découverte du monde islamique, celui-ci étant resté fermé à l'Occident parce que les spécialistes d'Europe et d'Amérique le regardent à travers des images archaïques, tracées par des voyageurs épris de rêve et de sentimentalité. Le titre même de l'ouvrage examiné est discutable. Une évolution suppose une transformation. Or l'islam n'en a subi aucune, si nous voulons donner au terme « évolution » tous les éléments et les impératifs qui constituent le passage d'un état à un autre. Le fait de profiter de la civilisation matérielle de l'Occident ne signifie n~~ment que l'islam ait évolué. Parce que des millions de musulmans portent les habits euro- .péens et fréquentent les écoles ou les universités modernes, que leurs épouses ou leurs filles ont arraché le voile et que les vieilles montures ont été remplacées par des engins motorisés, il s~rait faux. d~ nourrir l'illus~on selon laquelle l'islam aurait evolué. Si l'auteur l'a bien compris, il n'en verse pas moins dans une erreur flagrante en admettant sans réserve l'évolution. de l'islam. On ne s'arrêtera pas ici à discuter de la civilisation musulmane, ni à démontrer qu'elle ne fut point l'œuvre de l'islam, mais d'une pléiade de savants étrangers ayant vécu en pays islamique. Renan a donné à ce propos des arguments irréfutables que M. R. Charles co~aît certainement, mais ne retient pas. L'interprétation rapide donnée par l'auteur aux préceptes et aux rites de l'islam est d'un réalisme
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