Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

B. DELIMARS culaire, à l'intérieur de ce mouvement œcuménique, un front commun des protestants et des orthodoxes et d'appuyer ainsi la politique antivaticane de Moscou. Quant aux sectes, même autorisées et « enregistrées », l'intensification de la campagne de presse menée contre elles trahit également un durcissement de la politique gouvernementale à leur égard. CES « mesures concrètes » sont purement défensives et ne suffisent guère à améliorer la propagation de l'athéisme parmi les masses. Les astuces de la propagande athée ne touchent nullement la cause essentielle de la persistance de la religiosité en U.R.S.S. Nous avons vu que les communistes affirment que la « psychologie religieuse » naît spontanément de « l'impuissance de l'homme devant les conditions sociales de sa vie, devant les rapports sociaux, qu'elle est inévitable pour une masse considérable d'exploités ». Or c'est justement cette impuissance que nous constatons tous les jours dans la société soviétique. Seul, l'optimisme de commande imposé par le Parti oblige tous ceux qui écrivent à fermer les yeux sur un fait indéniable : la réalité quotidienne est telle en U.R.S.S. que l'homme sent à chaque instant son impuissance totale devant la vie. Cette réalité engendre sans cesse des conflits et des contraintes dont l'individu est la victime. A l'exception d'une infime minorité (qui représent<td'ailleurs la seule fraction de la population avec laquelle les visiteurs étrangers peuvent avoir quelque contact), objet d'un traitement exceptionnellement favorable, et qui comprend notamment les hauts cadres du Parti (administratifs et économiques), la jeunesse estudiantine de quelques villes importantes, les savants, les techniciens et les ouvriers hautement qualifiés, toute la population soviétique, obligée jour après jour de se conformer à d'innombrables prescriptions, harassée par les mauvaises conditions de logement, Biblioteca Gino Bianco 181 d'habillement, de nourriture, soumise à une surveillance constante et omniprésente du « collectif » qui intervient dans la vie privée de chacun, contrainte à chaque instant de s'adapter, de ruser, de tricher, se sent un simple instrument entre les mains des communistes 14 • Jusqu'à présent, ceux-ci ne consentent à reconnaître ce sentiment d'impuissance que chez les kolkhoziens : Il faut aussi tenir compte du fait que le bien-être des kolkhoziens dépend non seulement de leur travail et de la quantité de matériel technique dont ils disposent, mais aussi des caprices de la nature, non encore entièrement maîtrisée par l'homme. Cette dépendance de la récolte à l'égard du temps qu'il fait provoque chez certains un sentiment d'incertitude qui contribue au maintien de la psychologie religieuse (cf. note 2). Malgré toutes les dénégations communistes, la société soviétique d'aujourd'hui est une société tout aussi antagonique que la société « capitaliste », à cette différence près que les opprimés y sont jugulés et mis dans l'impossibilité totale de s'exprimer. Par conséquent, et en conformité avec la doctrine marxiste-léniniste, la persistance de la reliogisité est aussi inévitable en U.R.S.S. que partout ailleurs, tant que les conditions de vie y resteront ce qu'elles sont. Malgré ses efforts, le Parti n'arrive pas à changer grand-chose et la réalisation de ses promesses d'un merveilleux bien-être futur recule de plus en plus avec chaque nouveau plan de développement économique. Force est donc de conclure que la lutte contre la psychologie religieuse, en U.R.S.S. comme ailleurs, n'aura pas de fin. Les pressions peuvent, certes, réduire les manifestations les plus visibles de cette psychologie, mais celle-ci sera toujours prête à resurgir au premier signe de relâchement. E. DELIMARS. 14. Cf. « Scènes de la vie soviétique », in Est et Ouest, Paris, 1960 et 1961, ainsi que notre article mentionné plus haut.

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