Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

180 . est loin d'étancher cette soif, surtout parmi les jeunes : Les sectes emploient des moyens très variés pour agir sur la psychologie du croyant. L'usage de la musique et des chœurs dans leurs services divins vise à mettre ce dernier en état de ferveur. Les airs des chansons russes et soviétiques les plus populaires sont adaptés aux cantiques et les rendent parfois fort mélodieux (cf. note 2). Ce genre d'activité n'est pas condamné comme il le faudrait par la société soviétique et l'administration ne réagit point avec toute la vigueur désirable : Dans certaines localités, les croyants manifestent publiquement, devant tout le monde, leurs sentiments religieux : on fait un signe de croix devant une église, même aperçue de loin, on chante des cantiques dans les lieux publics. Ces procédés impressionnent même certains incroyants qui s'habituent à pactiser avec les manifestations de la religion et à n'y voir rien d'inadmissible pour un homme soviétique. La société ne condamne point le baptême des nouveau-nés, la célébration des fêtes religieuses et le mai:iage à l'église (cf. note 6). L'EXAMEN de cette situation peu reluisante ~ène Ies auteurs communistes à la conclusion swvante : L'intensification de l'activité des croyants et la faiblesse de notre propagande athéiste sont les principaux facteurs qui déterminent la religiosité d'une partie retardataire des travailleurs. Là où le travail de propagande athéiste scientifique est mal organisé (...) les orthodoxes et les sectaires en profitent pour développer cette religiosité chez les masses. En revanche, la religion recule là où le travail athéiste s'intensifie ( cf. note 2). Il s'agit donc avant tout de développer la propagande athéiste et le nouveau programme du Parti l'inscrit derechef parmi les buts à atteindre dans la .période de l'« édification du communisme». Mais l'expérience du passé montre que cette propagande souffre de nombreux défauts et qu'il faut lui donner des « formes concrètes, gage de son efficacité ». Par quelles mesures vont s'exprimer ces « formes concrètes »? Tout d'abord, puisque l' «activité des croyants» est, selon les communistes, un des facteurs principaux du recul de l'athéisme, il faut réduire cette activité au strict minimum par toutes sortes de pressions et de restrictions appliquées très progressivement afin d'éviter une réaction trop marquée de la population. Un exemple est fourni par ce qui se passe à Stavropol, où un séminaire orthodoxe avait été ouvert après la guerre : Jusqu'en 1957, en général, le nombre des demandes d'admission dans les séminaires ne faisait qu'augmenter. Grâce à l'intensification du travail antireligieux, ce nombre a considérablement dirnin11é à partir de 1958. Pour l'année scolaire 1959-60, certains séminaires ont Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE vu les demandes baisser brutalement. A Stavropol, du fait de la propagande individuelle intense dirigée par I. O. Roudenko, quatorze séminaristes ont abandonné leur établissement en 1959 et cinq autres ont suivi leur exemple en 1960. Le même travail fut également mené parmi les jeunes qui se destinaient au séminaire. En 1960, aucune demande d'admission en première année ne fut présentée (ibid.). Il suffit de connaître tant soit peu le mode de vie soviétique pour imaginer queµe so~~ .de harcèlements incessants, de persuasions, railleries, menaces et promesses il a fallu déployer auprès des séminaristes ou des candidats au séminaire de cette ville de province pour obtenir un aussi beau résultat. Le même << travail individuel », appliqué à tous les autres séminaires, amèn~r~ peu à peu la fermeture de la presque totalite d'e~tre eux sans que les autorités aient à interverur. La presse soviétique signale de plus en plus fr.équemment que telle ou telle église orthodoxe a été fermée, prétendument à la demande de ses anciens fidèles eux-mêmes, convertis par la propagande antireligieuse. Ainsi, sur les deux églises encore ouvertes à Magnitogorsk (ville de 311.000 habitants à la date du 15 janvier 1959), l'une a été fermée à la fin de 1961 12 • L'affermissement de la mainmise du Kremlin sur l'Eglise orthodoxe russe se manifeste également par les récentes mutations dans la haute hiérarchie du patriarcat de Moscou. Les personnalités ecclésiastiques qui avaient présidé à la réconciliation de cette Eglise avec le gouvernement communiste au cours de la dernière guerre et dans l'après-guerre, et qui tenaient encore au modus vivendi alors établi, furent remplacées par des évêques sans formation théologique supérieure, mais plus dociles. Ainsi, le métropolite Pitirim (Sviridov) succède au poste de suppléant du patriarche au fameux métropolite Nicolas de Kroutitzy, l'évêque Pimen (Izvékov) est placé à la tête du service administratif du patriacat et l'évêque Nicodime (Rotov) est nommé chef du service des relations extérieures de l'Eglise en ·même temps qu'il est chargé des publications éditées par le patriarcat. Ce dernier digni- .taire, né en 1929, s'est contenté de faire ses études théologiques par correspondance 13 • Ce qui ne l'a point empêché de représenter, à la tête de seize autres prélats, l'Eglise orthodoxe russe au Conseil mondial des Eglises réuni à New Delhi en novembre-décembre 1961. Le patriarcat de Moscou, certainement à l'instigation du Kremlin, avait obtenu le 20 novembre 1961 que soient admises officiellementà ce Conseil l'Eglise otithodoxe russe et les Eglises orthodoxes de pays satellites, Roumanie, Bulgarie et Pologne. Il s'agissait de créer, par un ralliement specta12. Science et Religion, déc. 1961, n° 12, p. 87. 13. Cf. Bulletin de l'Institut pour l'étude de l'U.R.S.S., Munich, juin 1961, n° 6, p. 51.

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