E. DELIMARS services liturgiques [orthodoxes]. Parmi ces néophytes se trouve même un « ouvrier de choc» qui ne mettait auparavant jamais les pieds à l'église ... Cet homme avait éprouvé un chagrin intime qu'il n'a pu surmonter tout seul, les organisations sociales ne lui étant point venues en aide en temps utile 3 • La chapelle érigée sur la tombe d'une certaine Xénia, au cimetière Smolenski, à Léningrad, est toujours entourée par un attroupement de croyants fervents qui demandent l'intercession de cette « bienheureuse » inconnue qui repose là depuis deux siècles. On baise dévotement les murs de sa chapelle, on y dépose des billets tels que celui sur lequel nous avons pu lire : « Nina, Lioudmila et Marie, étudiantes à l'Ecole technique, supplient l'esclave de Dieu de favoriser leur succès aux examens. » G. M. Réout, professeur de musique, jeune femme pourtant cultivée en apparence, y déposa aussi une supplique quand son mari l'eut quittée, en demandant à la « bienheureuse » Xénia de faire revenir l'infidèle ... Taïssiya Aristova., infirmière de la manufacture de vêtements, fait de la propagande pour le culte de Xénia et vend comme reliques des éclats de pierre provenant, dit-elle, de son tombeau 4 • Science et Religion, revue mensuelle de vulgarisation de l'athéisme scientifique paraissant à Moscou, mentionne (mars 1961, p. 76), parmi les sectateurs baptistes, un agronome diplômé de l'Institut d'agriculture de Tachkent, une comptable et une infirmière de la verrerie de Krasnodar, etc. Quant aux paysans, aux mineurs de l'industrie houillère, aux bûcherons du Grand-Nord et de Sibérie et autres travailleurs en contact direct avec la nature, la même revue fourmille d'articles qui prouvent que ces milieux s?n~ f01:em~nt influencés, non seulement par les eghses etablies et les sectes tolérées, mais aussi par les « témoins de Jéhovah », qui eux sont proscrits. En ce qui concerne les sectes, la situation actuelle rappelle beaucoup celle contre laquelle le Saint-Synode et l'administration tsariste avaient lutté sans succès pendant des générations. Depuis que la pression policière s'est atténuée, les monastères russes célèbres reprennent leur activité. Tout comme jadis, ils attirent des foules de pèlerins : Ces derniers temps, les monastères sont redevenus des centres actifs de diffusion des idées et sentiments religieux. Il s'agit surtout de monastères très connus et vénérés par les fidèles : la laure de la Trinité et de Saint-Serge à Zagorsk, la laure de Petchersk à Kiev, la laure de Potchaev dans la région de Tarnopol et le monastère de Pskov-Petchersk dans la région de Pskov. Les moines voyagent à travers !'U.R.S.S. et font de la propagande en faveur de leurs « lieux saints ». Ils entretiennent une vaste correspondance et s'efforcent d'attirer les jeunes dans leurs monastères. Les pèlerins, à leur retour, propagent activement les idées religieuses dans leur entourage. La laure de Potchaev, depuis toujours bastion avancé de l'orthodoxie en Ukraine occidentale, où l'Eglise uniate avait beaucoup d'adhérents, a plus d'admirateurs 3. Article de V. I. Prokoviev, in Quutiom d, philo1ophie, sept. 1959, n° 9, p. 31. 4. Scienceet Reli11'on, avril 1961, n° 4, pp. 29 et 35. Biblioteca Gino Bianco 177 parmi les Russes que parmi les Ukrainiens. Tous les ans, elle attire un grand nombre de pèlerins. Tout, ici, depuis le site choisi pour abriter ce monastère jusqu'aux très nombreuses reliques, est calculé pour impressionner le croyant (cf. note 2). IL EST naturel que les autorités du Parti, pour qui l'athéisme «scientifique» marxiste reste un credo intangible et qui ne font de concessions tactiques aux organisations religieuses que contraintes et forcées, soient fort préoccupées par cette situation. Les dirigeants proclament que !'U.R.S.S., après avoir réalisé le socialisme, entre maintenant dans une période nouvelle, celle de l'édification intense du communisme. Or on sait depuis toujours que « toute idéologie religieuse va disparaître définitivement dans la future société communiste » et que « la ·morale de cette société est profondément hostile à toute religion » 6 • Néanmoins, en ce prétendu début de l'édification du communisme, l'idéologie religieuse ne paraît guère vouloir disparaître. Pour corriger cette anomalie, il est indispensable pour les communistes de préciser les causes réelles du manque d'efficacité de la propagande antireligieuse pour y remédier. Jusqu'à présent, « l'essentiel dans la propagande de l'athéisme était l'action sur la conscience des croyants par les arguments scientifiques » 6 , l'athéisme soviétique retardant ainsi d'au moins un siècle sur l'état actuel de ce problème en Occident. Les écrits antireligieux s'emploient à réfuter les légendes bibliques de la Genèse, les récits de la vie des saints et les miracles accomplis par eux. On publie à grand tirage les traductions des ouvrages des matérialistes français du xvrne siècle et on rabâche indéfiniment les mêmes thèmes cosmogoniques et iconoclastes tout au long de soirées et conférences qui suent l'ennui. L'argumentation tirée des sciences de la nature pouvait jadis être réellement efficacepour détacher les consciences frustes de l'Eglise orthodoxe, bien trop attachée à la lettre et non à l'esprit des Ecritures, mais elle n'atteint point les racines profondes de la religiosité, enfouies dans le subconscient. De plus, malgré leur manque proverbial de culture, les prêtres orthodoxes d'aujourd'hui consentent tout de même à tenir les récits bibliques pour des légendes et des symboles, non pour des dogmes intangibles. Ils suivent en cela l'exemple des prédicateurs des sectes, qui profitent des incertitudes de la science moderne pour réfuter ce genre d'athéisme scientifique. 5. Grande Encyclopddie Soviétique, 1re éd., t. 64, 1933, col. 744 et 745. 6. L. T. Pintchouk : • Le rôle du facteur motionne! dans la lutte contre les survivances religieuses », in Comptes rendus scientifiques de l'Ecole supérieure de scimces pl,i/osophiques, fév. 1961, n° 2, pp. 42-48.
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