Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

164 entend l'accomplir au bénéfice de la bourgeoisie montante : les gens du négoce, de la finance et des manufactures, les intendants, les fermiers, et les « philosophes » aussi sans doute. Rousseau, lui, veut en faire profiter tout homme qui gagne honnêtement sa vie, car, estime-t-il, « tout homme qui ne travaille pas est un fripon». L'éducation ne doit point avoir pour objet de former de beaux esprits qui ont le mépris du travail et des activités utiles à la société, tels l'agriculture et l'artisanat. Elle prépare les hommes à la vie active, à l'exercice réel d'un métier. Dans l'ordre civique et familial, elle fait de !'Emile un citoyen, un mari, un père capable d'assumer ses responsabilités. Les structures de l'action historique de la création humaine élargissent ainsi leurs bases, ouvrent de nouveaux champs d'investigation. La liberté y rejoint les impératifs de la loi morale et l'ordre public de la démocratie qui ne souffrent aucune discrimination et où tout le monde est libre et souverain, c'est-à-dire travailleur et créateur, véritablement homme. Par de telles réformes, l'homme accède à une forme supérieure de la liberté et de la démocratie. EN DONNANTà, Vincennes, son judicieux conseil à son ami, Diderot ne pensait point que Rousseau irait au-delà d'un pur exercice de style ayant pour but la défense d'un paradoxe et l'obtention d'un prix. Les manufactures et les progrès des sciences, le développement des lumières du Biblioteca Gino Bianco ANNWBRSAIRBS siècle donnaient des armes redoutables non seulement au tiers-état, mais aussi, concrètement, aux artisans, aux agriculteurs, considérés non pas comme classes sociales, mais comme classes de producteurs. Diderot leur adjoignait cette foule d'écrivains apôtres de la félicité générale par le progrès des arts et des sciences. Il voyait là le moyen de mettre fin aux privilèges de la classe oisive : c'est ainsi qu'avec Rousseau il se montrait démocrate. Mais le Genevois, à l'instar de Montaigne et de Pascal, doute réellement que les arts et les sciences contribuent jamais en fait au progrès des mœurs et à l'élargissement de la liberté. Il estime que ceux-ci ne favorisent le progrès de la liberté et des mœurs que lorsqu'ils réhabilitent l'homme au travail, et aussi tous les arts, à commencer par les plus humbles et les plus utiles à la société. Par ailleurs, la condamnation de la physiocratie et du libéralisme économique au nom de la démocratie conduisent Rousseau à une position fort éloignée de celle de son ami, qui s'en fait précisément l'âpre défenseur. Jean-Jacques demandera la protection des lois pour les paysans et les artisans comme faisant également partie du Souverain. Il exigera l'extension de la démocratie au domaine de l'activité économique. La réforme de l'Etat implique pour lui, non seulement la réforme de l'entendement humain et de l'éducation, mais aussi l'assujettissement de l'économie nationale, de la société civile, du citoyen, à la souveraineté des lois démocratiques. ZYGMUNT JEDRYKA• • ,

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