Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

M. FAINSOD La rédaction de la Vie du Parti appuyait à fond la position prise par le. Bougaïev et blâmait Questionsd'histoire pour son « évaluation négative de tous les écrits historiques publiés au cours des dernières décennies... ». Elle donnait à entendre que la revue avait dépassé les bornes dans son appréciation de la science « bourgeoise » et rappelait à ses rédacteurs que... ... la lutte contre la vulgarisation doit être menée de telle sorte que personne n'ait la fausse impression que nous parlons de « libéraliser » notre idéologie ou d'adopter une attitude tolérante envers l'idéologie de la bourgeoisie... On sait que certains de nos érudits et hommes· de science n'ont pas compris que la coexistence pacifique de pays ayant des systèmes sociaux et politiques différents n'est pas synonyme de désarmement idéologique, qu'au contraire, la lutte idéologique entre eux, loin de s'affaiblir, ne fera que s'intensifier. Cette fois, non seulement Bourdjalov et Moskalev, mais le rédacteur en chef, Pankratova ellemême, étaient nommément réprimandés. Le dernier numéro de Questionsd'histoire pour l'année 1956 (n° 12) laissait voir que l'avertissement avait été entendu. Il contenait un article de S. K. Bouchniev sur le « mouridisme caucasien» où l'auteur blâmait Pikman d'avoir porté sur Chamil un jugement favorable et réaffirmait le caractère progressiste de l'incorporation des peuples du Caucase à l'Empire russe. Le même numéro évitait tous les problèmes délicats posés par l'histoire du Parti, mais appelait cependant les vieux bolchéviks à « rétablir une image fidèle des événements de la révolution d'Octobre et de la guerre civile ». Bourdjalov et consorts avaient été réduits au silence et désavoués ; il restait à les évincer du comité de rédaction. LE COUPERET tomba sous la forme d'un· décret du Comité central : « Sur la revue Questions d'histoire», en date du 7 mars 1957. Les attendus donnaient un aperçu très net des soucis idéologiques des dirigeants. La revue était accusée de glisser sur les différences de principes entre bolchéviks et menchéviks concernant des points aussi fondamentaux que la question de l'hégémonie du prolétariat dans la révolution ; d'embellir le rôle des menchéviks tout en minimisant le rôle dirigeant des bolchéviks dans la révolution de 1905-1907; de n'avoir pas su critiquer, en partant des principes léninistes, la tactique opportuniste et de division des menchéviks. Le décret prétendait également que Questions d'histoire avait feint d'ignorer que trotskistes et opportunistes de droite étaient sortis du cadre de la légalité soviétique dans leur lutte contre le Parti. Bourdjalov était spécialement bllmé pour l'esprit « objectif» dans lequel il avait présenté l'activité de Zinoviev en 1917 et pour s'être efforcé de démontrer, d'une part, que les bolchéviks avaient une position semi-menchéBiblioteca Gino Bianco 135 vique avant le retour de Lénine en avril 1917, d'autre part, qu'il existait dans le Parti de forts courants poussant à l'unité d'action avec les menchéviks. La revue était également accusée d'avoir adopté une attitude conciliatrice envers les historiens bourgeois et de ne pas avoir critiqué les déclarations révisionnistes et nationalistes, en particulier celles de la presse yougoslave. Elle devait renforcer sa lutte contre l' « idéologie bourgeoise » et le révisionnisme, et se vouer au principe léniniste de l'esprit de parti (partiinost) dans la science historique. Bourdjalov fut destitué de son poste de rédacteur en chef adjoint, mais Pankratova conserva le sien, bien qu'elle eût fait l'objet d'une verte semonce pour avoir toléré de graves erreurs en sa qualité de rédacteur en chef. Le décret du Comité central donna le signal d'un concert d'imprécations à l'adresse de Questions d'histoire, simple façon d'amplifier et de pousser à fond le réquisitoire. Kommounist, dans son numéro de mars 1957 (n° 4), faisait le compte des erreurs de la revue et exhortait à « une lutte intransigeante à la fois contre l'objectivisme bourgeois et le révisionnisme, et contre le dogmatisme et les conséquences du culte de la personnalité ». La Vie du Parti (n° 6, mars 1957) mâchait encore moins ses mots : elle s'en prenait à ce qu'elle appelait le « libéralisme bourgeois » de certains articles et accusait Questionsd'histoire d'avoir noirci la réalité soviétique. Elle prenait la défense de Staline en ces termes : En même temps qu'il critique les erreurs de Staline, le Parti le défend contre les attaques des révisionnistes et affirme qu'il ne livrera pas son nom à ses ennemis ... Ce n'est que le 21 mai que fut donné le bon à tirer du numéro de mars 1957 de Questionsd'histoire (n° 3), lequel ne parut qu'au mois ce juin. La coml'osition du nouveau comité de rédaction y figurait en bonne place. Des onze précédents rédacteurs, trois seulement subsistaient : Pankratova, N. A. Smirnov et I.A. Khriénov. Encore la mort de Pankratova, à l'issue d'une «longue et grave maladie», avait-elle été annoncée le 25 mai. L'éditorial passait en revue et attaquait sauvagement les «erreurs» de l'ancien comité de rédaction, traçant la nouvelle ligne militante qui désormais allait être suivie. «L'historien soviétique, déclarait le nouveau comité de rédaction, n'est pas un observateur qui se tient à l'écart, un greffier et un copiste qui reproduit mécaniquement les matériaux, un collectionneur des renseignements qui peuvent par hasard lui tomber entre les mains... » Désavouant l'objectivisme bourgeois, il en appelait à une «objectivité scientifique de bon aloi », qu'il identifiait au principe de fidélité au Parti dans l'évaluation des phénomènes historiques. Il s'agissait désormais de mener une lutte active contre le révisionnisme, de mettre l'accent sur les différences fondamentales entre menchévisme et bolchévisme et de considérer Staline « comme un marxisteléniniste éminent, qui a grandement contribué à

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