Le Contrat Social - anno VI - n. 2 - mar.-apr. 1962

.. CHRONIQ!IE La Ligue arabe LA LIGUEARABEest de création britannique, à laquelle ont pris part, en des mesures plus ou moins mesurables, le Colonial Office et la British Agency du Caire, l'Indian Political Service de Delhi et l'intelligence Service, enfin le Foreign Office. Il fut un temps où M. Anthony Eden ne faisait pas mystère de l'initiative anglaise dans cette entreprise. Autrement dit, les Arabes n'auraient pas pensé à se donner une Ligue de leur nom, ni à se découvrir une communauté d'aspirations nationales, sans le Deus ex machina de Londres. A cette première singularité, qui devrait sauter aux yeux, s'en ajoute aussitôt une deuxième, à savoir que cette Ligue arabe d'inspiration initiale britannique est bientôt devenue l'instrument, d'ailleurs indocile, d'un pouvoir établi sur un pays non arabe, celui de l'Égypte. Il a fallu l'ignorance encyclopédique, la frivolité, la corruption et le psittacisme qui caractérisent la presse et la politique occidentales contemporaines pour transformer, sur le papier, les Egyptiens en Arabes et pour ériger Le Caire en capitale du panarabisme. Dans une étude récente sur L'échiquier arabe, M. Henri Dupriez fait part de cette grande découverte : «Aussi extraordinaire que cette affirmation (sic) puisse paraître, l'Egypte, pays arabisé, n'est pas un pays arabe. Les fellahs sont des Hamites; c'est de loin l'élément le plus important de la population : 82 %. Mais paradoxalement la volonté d'un dictateur a fait de l'Egypte le socle du panarabisme révolutionnaire 1 . » Il n'y a d'extraordinaire dans «l'affirmation» de M. Henri Dupriez que la confirmation, dans une modeste publication de langue française, d'une simple vérité plusieurs fois rappelée dans notre modeste Contrat social. Même un arabomane invétéré comme M. Vincent Monteil, dans son petit livre bâclé, tendancieux et fourmillant d'erreurs· sur Les Arabes, s'exprime comme suit : « L'Egypte est ethniquement copte (il n'y a que 6 % d' Arabes...) et les fellahs de la vallée du Nil ressemblent souvent aux statues des Pharaons. » Ce qui ne l'empêche pas, dans son chapitre de conclusion sur la « nation arabe» et !'arabisme, d'équivoquer en citant René Grousset qui a vu « de Bagdad au Caire, un empire d'un caractère tout nouveau échappant aux délimitations de frontières, un empire des consciences, fondé cette fois non plus 1. Communautés et Continents, µ0 12, Paris, oct.-nov. 1961. Reproduit dans Documents no1'd-africains, n° 474, Paris, 31 mars. 1962. BibliotecaGino Bianco sur les armes seules, mais sur la puissru;ice de l'esprit qui est invincible», après avoir pourtant reconnu qu'il n'existe pas de cc nation arabe» véritable 2 • Une troisième singularité s'ajoute aux deux précédentes, la manie de tant d'écrivains occidentaux d'arabiser des peuples qui non seulement ne sont nullement arabes, mais se sont délivrés de la conquête arabe dont ils furent, dans un passé lointain, les victimes. En sorte que la Ligue en " question, déjà composée de chefs féodaux, de juntes militaires et de dictateurs épisodiques sans qualité réellement représentative, est censée traduire les sentiments et les intérêts de multitudes innombrables. Un seul exemple parmi beaucoup d'autres illustrera ce phénomène: M. Thierry Maulnier, dans le Figaro du 9 janvier 1957, ne comptait pas moins de 300 millions d' Arabes. Or M. Monteil lui-même (op. cit.) en dénombre tout au plus 25 millions en accordant à l'Arabie proprement dite un chiffre de population très contestable et en incluant dans son total pas mal d'arabophones. L'alliance de l'impérialisme soviétique avec le panarabisme impérialiste contre la civilisation plus ou moins démocratique de l'Occident quelque peu ramifiée en Asie et en Afrique exige une résistance intellectueUe qui ne va pas sans la justesse des notions et l'exactitude des termes. Aussi le · Contrat social s'est-il évertué à éclairer ses lecteurs en publiant, notamment, les articles d' A. Horon (Le panarabisme), de Joël Carmichael (L'islam et le nationalisme arabe, puis Le national-communisme), encore d'A. Horon (Les Arabes depuis l'islam), de W. Laqueur (Le panarabisme et l' U.R.S.S.), etc. A présent, une brochure sur La Ligue arabe, ses secrets, ses crimes et ses misères, par Al Moezz (un Egyptien en exil, apparemment) ·vient à l'appui des considérations et des arguments que nous avons fait valoir 3 • Ayant retracé les conditions dans lesquelles s'est péniblement formée la Ligue et les étapes qui, de i943 à 1945, ont conduit à la conclusion .du Pacte signé au Caire sous l'égide d'Harry St John Bridge Philby (converti à l'islam et devenu - 2. Presses Universitaires de France, Paris 1956 (collection « Que sais-je ? »). · 3. Aux éditions du Comité d'Action de Défense démocratique, 6 ter, rue Gabriel-Laumain, Paris (1oe), février 1962.

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