Le Contrat Social - anno VI - n. 2 - mar.-apr. 1962

84 rurgie ; cependant tout aurait pu, comme les sceptiques le pensèrent durant des années, demeurer au niveau des expédients éphémères, laisser revenir les concurrences intestines et les intrigues jalouses ou méfiantes. Ce qui est décisif, c'est le fait qu'à travers bien des vicissitudes politiques et nonobstant le pouvoir stérilisateur des partis et des parlements, défenseurs naturels des intérêts pa~culiers, le développement de l'Europe se soit effectué d'une manière continue, sans tapage inutile, sans crises majeures et comme si, finalement, tout devait aller de soi. Ce qui l'est plus encore, c'est que ce développement organique, unissant des partenaires qui venaient de s'affronter dans une guerre atroce, génératrice des passions les plus violentes et souvent les plus légitimes, ait été accepté sans résistance par des foules qui n'avaient aucun moyen d'apprécier les facteurs positifs de ce revirement très inattendu. On ne prétendra pas que les peuples d'Occident soient devenus européens par tout leur vouloir conscient ; pris en masse, ils demeurent indifférents à ce qui s'est passé en dehors d'eux, mais au fond d'eux-m•êmes ils sentent confusément qu'une étape a été franchie, qu'une page est tournée. Si ce ne sont pas là les critères d'une maturation historique, les signes d'une mutation, il faut renoncer à vouloir comprendre. A la lumière de cette expérience, compte tenu des conditions de succès et des risques d'échec qu'elle comportait, compte tenu de l'adéquation probante entre les initiatives contractuelles et Bibl-ioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL les réalités humaines qu'elles engageaient, on peut essayer de juger les très nombreuses tentatives de synécisme ou de fédération qui se poursuivent en plusieurs secteurs et dont un avenir peut-être très proche extraira ce qu'elles contiennent de viable. L'expansion économique des Etats-Unis, la politique d'aide aux pays sousdéveloppés, les efforts pour maintenir le Commonwealth britannique ou, sous une forme très atténuée, l'an~ien empire colonial français, le noyautage soviétique et chinois, les alliances et les ligues conclues par des constellations spontanées d'Etats qui viennent de naître, tracent sur la carte des enchevêtrements d'influences, de pactes et de courants d'affaires. Par une contradiction supplémentaire, le retour au nationalisme fomente une activité diplomatique sans précédent, une organisation confuse des échanges de toute nature, une interpénétration des œuvres, des cultures et des religions. Il est vain et sans doute néfaste de chercher à structurer ce chaos en partant d'impératifs intellectuels qui seront toujours démentis par les faits ; il serait désastreux d'idéaliser la mécanique. sociale, l'uniformité, la bureaucratie, le monolithisme, le gouvernement par la statistique. Puisse la politique constructive se faire compréhensive et souple, s'inspirer à la fois des réalités matérielles les plus pesantes et d'une psychologie des foules enfin soustraite à la fausse généralité des idéologies trompeuses ou meurtrières. LÉON EMERY. , ....

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