D. L. MORISON les allégeances politiques extérieures, ont tous été condamnés par les Soviétiques; ce n'est sans d~ute qu'une affai~e de ~emps P?Ur que. ,1~panaf~icanisme le soit aussi. L'Union soviettque reJette catégoriquement l'idée que l'Afrique est intrinséquement différen~e~u r~ste du .~onde et _q~'elle a besoin d'une 1deologie politique origmale. Le nationalisme africain, le socialisme africain et le « socialisme démocratique coopératif» de Nasser sont soumis à l'analyse marxiste-léniniste et tous, à des degrés divers, jugés comme insuffisants. Le nationalisme africain est « démocratique et progressiste » dans la mesure où il éveille les masses à la lutte contre le colonialisme et le sous-développement ; mais il peut prendre la forme de« l'égoïsme national et de l'exclusivisme» et ne pas faire leur place aux droits des masses 10 • Les porte-parole soviétiques reconnaissent qu'en Afrique la route sera longue pour le mouvement communiste - le « retard » de l'Afrique est, à leurs yeux, avant tout un retard dans la « conscience de classe » - et ils ne peuvent être que fort inquiets du renforcement du nationalisme « bourgeois » à ce stade initial. Le schéma léniniste pour l'Afrique RIEN d'étonnant à ce que les Soviétiques aient tiré à boulets rouges sur les socialistes africains, pour qui les classes n'existent pas en Afrique et qui pensent que le continent peut élaborer sa propre forme de socialisme sur la base de la commune paysanne 11 • Se référant à l'expérience soviétique, Potekhine affirm~ 9.ue ce~ c<?ncepts sont erronés et que le « socialisme sc1en~fique» marxiste-léniniste montre la bonne vote aux peuples africains : les classes sont inhérentes à la société africaine et l'Afrique ne peut tourner le dos au marxisme-léninisme. On a pu croire un moment que les Soviétiques finiraient par approuver la direction « anti-impérialiste » du nationalisme africain sans insister sur les antagonismes de classes, par crainte de tout compliquer. Or, en la matière, leur politique est à longue échéance et ils tiennent à affirmer que le développement de la conscience de classe est au moins aussi important que celui de la conscience nationale. Parmi ces réserves à l'égard des idéologies africaines, la Guinée est peut-être une exception. On fait remar<\uer que, selon Sek<?u Tour~, « l'expérience gwnéenne est une expénence typiquement africaine, qui n'est pas copiée des pays européens ou asiati9ues », et les observ~t~urs soviétiques sont ~animes à ap~rouver la p~littque sociale et économique du parti démocratique de Guinée. Cependant, ils soulignent qu'à bien des égards les conditions qui prévalent en Guinée sont d'un genre particulier et que le système 10. A. M. Sivolobov : Le Mouvement de libération national, m AfrûJue, Moscou, 1961, p. 38. II. I. J. Potckhinc : op. cit., pp. 5-29. Biblioteca Gino Bianco 75 guinéen ne doit pas être, co~sidéré comme un modèle pour le reste de 1Afrique. L'un des aspects importants de l'attitude _de la Russie à l'égard de l'Afrique est empreint d'esprit chimérique. Les dirigeants sovié1:îq1:1es espèrent-ils vraiment que les peuples africains adopteront des concepts communistes tels que celui de la « démocratie nationale » - système recommandé aux pays nouveaux par la conférence des partis communistes du monde entier en 196012? Ayant rejeté les propres idée~,df l'Afri9ue s~ le développement de la soc1ete afncatne, ils semblent enclins à présenter les leurs comme la seule solution possible. * ,,,. ,,,. Aux YEUX des Soviétiques, la force politique de la classe ouvrière et du paysannat des anciens pays coloniaux va croissant. Même dans des pays à orientation « progressiste », telle la Guinée, ces forces sont à gauche du gouvernement et font pression sur lui 13 • Les affiliations politiques des syndicats africains semblent être un suJet de préoccupation co~st~nte, et les r~sultats de la conférence panafncaine des syndicats tenue à Casablanca ont été présentés comme une victoire du « mouvement syndical mondial », quoique, objectivement, cette victoire n'ait été rien moins que nette. La charte de la nouvelle Fédération panafricaine des syndicats oblige ses membres à quitter les. autres C?rJ?S ~yn~caux internationaux, y compns la Confederatton tnt_ernationale des syndicats libres et la Fédération syndicale mondiale. Les Soviétiques, tout en applaudissant au rejet de l'affiliation à la C.I.S.L., ne se formalisent pas de la même mesure prise à l'encontre de la F.S.M., d'obédience communiste. Quant aux paysans africains, les comm7ntateurs soviétiques admettent que ,l~ur cons~1en~e politique laisse beaucoup à desirer, mats ils insistent sur la nécessité fondamentale d'une alliance entre paysans et ouvriers pour assurer le succès de la « révolution nationale, anti-impérialiste, démocratique». Comme les ouvriers, les paysans sont considérés comme étant à gauche des nationalistes : par exemple, A. M. Sivolobov remarque que, lors du soulèvement paysan. de janvier 1959 dans la province du lac Tanganyika, « les dirigeants de l'Union nationale africaine du Tanganyika condamnèrent ces activités révolutionnaires de la part des paysans » 14 • Bref, l'idée que la classe ouvrière africaine est une force révolutionnaire paraît avoir une grande puissance d'attracti?n sur l'esp~i~ des Sov!étiques. La sympathie pour les di;1geants na?o: nalistes a beau être le seul senttment exprrme 12. Temps nouveaux, 1960, n° 50, suppl~ment, pp. n-12 13. G. Oussov : « La classe ouvri~re d,Afrique en lutte contre ttunp&ialismc •, in Bconomi, mondiale et relation, internationales, 1961, n° 6, p. 129. 14. A. M. Sivolobov : op. cit., p. 10.
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