18 Sous sa forme actuelle, avec sa politique pragmatique et son caractère de masse, le parti démocratique de Guinée ne pourrait pas se convertir en un parti communiste, même si les dirigeants guinéens en avaient l'intention. Rien n'indique d'ailleurs qu'ils préparent une telle manœuvre. Personne ne connaît mieux l'immense différence entre le parti démocratique et un véritable parti communiste que les représentants du mouvement communiste international au courant des conditions guinéennes. Ils n'ignorent pas que le parti démocratique ne peut Jêtre conquis sans que les dirigeants actuels soient remplacés par une nouvelle équipe dévouée à Moscou ou à Pékin et pour qui l'idéologie aurait la préséance sur les besoins et les aspirations du peuple. Le bloc sinosoviétique tente certainement de créer en Guinée un tel groupe marxiste intransi~eant, qui doit être recruté parmi les jeunes Gwnéens qui assimilent leur marxisme à Paris ou qui étudient (aujourd'hui en grand nombre) derrière le rideau de fer, surtout en Union soviétique et en Allemagne de l'Est. Les organisations où l'on trouve déjà en place des marxistes guinéens sont les syndicats (Union générale des travailleurs de l'Afrique noire, U.G.T.A.N.) et la ligue des jeunes (Jeunesse du Rassemblement démocratique africain, J .R.D.A.). Si les « marxistes-léninistes » de Guinée étaient assez nombreux et groupés, ils pourraient tenter soit de s'emparer du parti démocratique par un putsch, soit de fonder un parti communiste à part, puis de contraindre le parti démocratique à fusionner avec lui. Les deux éventualités paraissent pour le moment lointaines, mais elles ont probablement été sérieusement envisagées par les stratèges du communisme mondial. Des méthodes similaires ont été employées en Union soviétique dans des régions sous-développées et à la périphérie. Ainsi les partis nationalistes de gauche des Républiques populaires mongole et touvinienne, d'abord dirigés par des leaders nationaux d'esprit religieux, furent transformés en partis communistes, Moscou ayant réussi à faire jouer les jeunes de formation marxiste contre l'ancienne génération. De même, dans la République populaire de Boukhara, le parti nationaliste des Jeunes- de· Boukhara fut balayé en 1920 par une fusion avec le parti communiste, bien que moins de 10 % des anciens membres eussent été admis dans lè nouveau parti unifié. Groupes de « marxistes de même tendance» LA FORMATION, en Guinée et ailleurs dans le monde sous-développé, de solidesnoyaux marxistes fait partie du programme communiste international formulé dans la déclaration des 81 partis (décembre 1960). On y lit cette phrase brève mais très significative : « Des marxistes · de µiême tendance se rassemblent dans les pays qui ont secoué la tyrannie coloniale et ont pris la voie Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL du développement indépendant. » Le document ne s'étend pas davantage sur cet important sujet. La phrase citée fait partie du court paragraphe qui revendique l'existence dans le monde de 87 partis communistes comptant au total 36 millions de membres, et elle a évidemment pour objet de souligner que dans les pays où il n'existe pas de partis communistes, des « marxistes de même tendance .» se sont réunis pour penser et agir en commun. Comme il y a des P. C. (légaux ou illégaux) dans tous les pays d'Europe et d'Amérique latine et presque partout en Asie (à de rares exceptions près comme l'Afghanistan et la péninsule d'Arabie) et en Afrique du Nord (à l'exception de la Libye), la référence aux « marxistes de même tendance » ne peut concerner que l'Afrique tropicale et les Antilles britanniques et néerlandaises. . Très peu de ces groupes sont connus, mais il * est vraisemblable qu'ils existent dans presque tous les pays d'Afrique occidentale. A long terme, ils sont pour le communisme mondial une arme beaucoup plus importante que les partis de masse de gauche (U.P.C., parti démocratique de Guinée et parti du Congrès de l'indépendance malgache). Les groupes marxistes ont un caractère intellectuel et, en règle générale, ne peuvent être considérés comme des instruments d'un mouvement ouvrier africain. Une vaste pépinière de jeunes marxistes ambitieux et bruyants, telle est la grande organisation des étudiants africains en· France, la Fédération des étudiants de l'Afrique noire en France (F.E.A.N.F.), dont les déclarations sont notoires pour leur teneur extrémiste et procommuniste. En Afrique même, le groupe marxiste par excellence est le parti africain de l'indépendance (P.A.I.). Il fut fondé en septembre 1952 à Dakar, et tout en restant pratiquement confiné au Sénégal, il tenta d'essaimer, notamment au Soudan, au Niger et au Tchad. Ayant adopté le « socialisme scientifique » comme base idéologique et s'inspirant de l'idée marxiste-léniniste sur le rôle dirigeant de la classe ouvrière, il s'efforça de gagner le prolétariat urbain de Dakar, de Saint-Louis et d'autres villes. Cette tentative échoua et le P.A.I. mérite pleinement son surnom de « parti prolétarien sans prolétaires » : ses dirigeants sont des étudiants, . des enseignants, des chimistes, des dentistes et d'autres éléments . non ouvners. Interdit de septembre 1957 à août 1960, le P.A.I. fit de la propagande marxiste-léniniste par l'intermédiaire de deux publications à périodicité irrégulière, la Lutte et Monsarev (Indépendance). La Librairie de la Renaissance africaine servait au même usage et stockait la littérature marxiste en provenance des deux côtés du rideau de fer. (Les librairies marxistes sont un des principaux moyens de propagande communiste en Afrique occidentale et servent aussi aux « marxistes de même tendance» de lieu idéal de réunion et de contact. On en trouve aussi bien à
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