QUELQUES LIVRES par Staline en 1929-30 devait fournir une solution de rechange efficaceà la méthode tsariste d'exploitation des paysans et d'accumulation du capital. Vladimir Bazarov, éminent économiste du Gosplan, tenta de sortir de l'impasse théorique dans laquelle les antagonistes étaient parvenus. Il reconnaissait la difficulté à réduire la forte propension de la population soviétique à consommer, tant que le régime resterait fidèle à une doctrine égalitaire. De plus, il ne croyait pas qu'une forte proportion du revenu qui allait autrefois aux industriels et propriétaires fonciers, désormais expropriés, pourrait constituer une source d'épargne sociale, car il prévoyait que le gros de ce revenu serait absorbé par une bureaucratie envahissante. Pas plus qu'il ne pensait que des gains substantiels puissent être réalisés dans la production en élevant simplement le rendement des établissements industriels existants, qui travaillaient déjà à peu près au niveau de leur capacité. En conséquence, il fallait construire de nouvelles usines, mais réserver en priorité les investissements dans la production de biens de • consommation aux industries capables d' employer les méthodes de production en série, donc d'exploiter au mieux les avantages d'un faible rapport capital-production ainsi que la dernière technologie. Aucun des participants à la controverse favorables aux investissements prioritaires dans l'in:.. dustrie lourde ne se rendait compte de l'effet inflationniste qu'aurait cette politique, surtout pendant la période initiale pendant laquelle les lourds salaires nouveaux ne s'accompagneraient pas d'une offre accrue des biens de consommation. Les auteurs du premier plan quinquennal ne voyaient pas non plus qu'un taux d'investissement qui permettrait de doubler en cinq ans les stocks de l'industrie lourde ne pourrait pas être atteint sans réduire la consommation par tête. Au lieu de cela, on projetait pour cette période une augmentation de 70 °/4 de la consommation•.. D'autre part, on peut voir rétrospectivement que le taux d'investissement et d'industrialisation prévu par le plan n'aurait pu être atteint sous le système économi~ue et politique d'avant 1929-30, ou dans les limites que la doctrine soviétique imposait au développement d'un paysannat et de petites entreprises prospères. * :ri,. :ri,. Aussitôt après la période couverte par le livre d'Ehrlich, Staline répudia la politique tendant à encourager la production agricole comme méthode la plus efficace d'accumulation du capital ( de ,même qu'il rejeta la conception opposee fondée sur l'absorption des excédents paysans par des prix industriels élevés). Il fit valoir qu'une augmentation des prix du grain aurait des effets défavorables sur les salaires réels. Mais, chose plus importante encore, il n'était pas disposé à voir les progrès vers le socialisme sapés par la Biblioteca Gino Bianco 363 croissance d'une industrie à petite échelle et d'une classe de koulaks prospère, et la suprématie du Parti affaiblie par des éléments de pluralisme politique. Pourtant, sans un encouragement positif de ces éléments petits-bourgeois, il fallait s'attendre à une chute de la production de céréales et à la stagnation économique. En 1929, Staline adopta ainsi une politique économique qui comprenait la collecte forcée du grain, une accélération de la collectivisation forcée de l'agriculture, la « liquidation des koulaks en tant que classe » et la limitation de la consommation par le rationnement. Ce faisant, il abandonna les prémisses sur lesquelles se fondaient les arguments analytiques de la droite aussi bien que de la gauche. Suivirent en une succession catastrophique l'abattage du bétail par les paysans, les déportations de millions de paysans, la famine de 1932-33 dans les campagnes, et enfin les purges et la condamnation de millions de gens aux camps de travail forcé. Le professeur Ehrlich prend cette brève période de l'histoire économique soviétique comme modèle pour montrer le genre de problèmes qui se posent à un pays sous-développé résolu à s'industrialiser rapidement. Aujourd'hui, les pays économiquement arriérés ont l'occasion d'éviter le dilemme auquel Staline dut faire face. S'ils sont prêts à s'en remettre à la détention par l'Etat des « postes de commande» dans l'industrie lourde, à encourager le libre développement d'entreprises privées petites et moyennes, et à laisser les paysans libres d'entrer ou non dans les fermes coopératives, la politique des hauts prix industriels peut servir de méthode utile et efficace d'accumulation du capital social - à condition de pouvoir contenir les salaires industriels. Tout cela n'est pas facile à réaliser en système démocratique; mais ne pas le tenter, c'est se résigner à la solution totalitaire. CALVIN B. HOOVER. Classicisme et modernité HANNAH ARENDT : Condition de l'homme moderne. Traduit de l'américain par Georges Fradier. Paris 1961, Calmann-Lévy, édit., collection « Liberté de l'Esprit », 368 pp. LE TITRE admis par l'éditeur français pour rendre Human Condition, . d'Hannah Arendt, [est bien entendu trompeur : le contenu montre ~u'il ne s'agit pas seulement de la condition de 1homme moderne, mais d'une confrontation entre cette condition et celle de notre semblable dans l'Antiquité gretil~e classique. L'auteur a systématiquement u · ·sé des termes tels que theôria, praxis, poiisis,ponos, etc., appartenant notamment au vocabulaire d'Aristote, pour s'inquiéter de ce
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