Le Contrat Social - anno V - n. 6 - nov.-dic. 1961

QUELQUES LIVRES MacFarquhar a peut-être raison de penser que Mao était influencé par deux idées bien chinoises : croyance à l'unité foncière du peuple chinois et foi dans la doctrine confucéenne selon laquelle la rectification de la conduite des fonctionnaires peut rendre le régime acceptable. Mais il est difficile d'y voir les principaux ressorts de son action. Mao est un communiste expéri-. menté qui sait reconnaître un ennemi quand il s'en fait un, et lorsqu'il ouvre une campagne en disant que le peuple chinois n'a jamais été plus uni, il ne faut pas prendre ses paroles à la lettre. Il a pu ne pas prévoi~ toute 1~ yiolence ~e la réaction contre le Parti et le regime; mais en même temps il a dû être rassuré par l'absence de preuves de l'existence d'une organisation politique appuyée sur une théorie et un. programme politiques solides. « On n'a pas à craindre, déclara-t-il, que la politique des cent fleurs don_ne des fruits empoisonnés. Il est même nécessaire parfois d'avoir ces fruits empois?nnés pour sav?ir contre quoi nous ~utton.s (...) il ne suffit pon~.t d'attaquer les réactionnaires. Nous devons savoir exactement ce que veulent les réactionnaires et ce qu'ils représentent ... » ( cité par Sydney Gruson, in New York Times, 13 juin 1957, p. 275). Les fleurs qui s'épanouirent au printe~ps c~inois de 1957, comme le rapporte le tres utile volume de MacFarquhar, nous en apprennent long sur les tensions et pressions à l'intérieur d'un Etat communiste, mais elles disent peu sur la façon de le renverser. Il est clair que 1~ génération des Chinois libéraux du Quatre-Mai qui décidèrent de s'aventurer avec les communistes reste une épine au flanc du régime de Pékin. Mais, en même temps, leurs frères réfugiés à Formose se trouvent encore devant le même problème : consolider leur difficile alliance avec les nationalistes auxquels ils s'opposaient avant la conquête du continent par les communistes. GEORGE E. TAYLOR. Le prix de l'industrialisation CE LIVRE, qui sort tout à fait de l'ordinaire•, rend compte en détail d'une controverse théorique qui s'est déroulée pendant une très brève période, juste avant le lancement du premier plan quinquennal. El~e portait sur _les moyens d'atteindre le taux maximal de formation du capital pour industrialiser tU.R.S.S_. Malg~é les aspects doctrinaires de la dispute _quic?mpliquaient sa tâche, le pr?~esseur E~rhch fait une brillante analyse des positions théoriques des antagonistes. Comme il le note, il est remarquable de • Alexander Ehrlich : The Soviet lndustrialization Debare 1924-1928, Harvard University Press, Cambridge (Mass.), et Oxford University Press, Londres, 1960. Biblioteca Gino Bianco 361 voir avec quelle efficacité les particip~ts ?nt traité les problèmes et mené une discussion dans des termes qui n'ont pas vieilli. L'actualité des questions débattues à Moscou entre 1924 et 1928 rehausse considérablement la valeur de son étude. Le remarquable redressement économique opé~é par l'introduction, en 1921, de la nouvelle politique économique (nep) de Lénine avait mom.entanément rejeté dans l'ombre les immenses difficultés que devait fatalement ren~ontrer l'i~dustrialisation d'un pays à prédominance agnc.ole, comme l'était la Russie d'après la révolution. Pendant la guerre, l'équipement industriel avait beaucoup souffert et le remplacer était impossible. Les chemins de fer et les autres moyens de transport étaient dans un état de délabrement total. Les paysans avaient réagi aux réquisitions de l'Etat qui leur prenait toutes leurs réserves, et souvent davantage, en refusant de produire ~lus qu'il n'en fallait pour leurs propres besoins, provoquant ainsi la famine. C'est s~ulement grâce au rétablissement de stimula~ts (introduction d'un impôt ~n nature et droit de, v~ndre les excédents agricoles sur le marche libre), joints aux autres éléments de la nep, que les biens de consommation reparurent dans les campagnes et les villes. Si le progrès économique qui caractérisa les premières années de la nep avait continué, le débat sur l'industrialisation n'aurait probablement pas été aussi vif, puisque tous ceux qui y prenaient part convenaient qu'une industrialisation rapide à grande échelle était souhaitable. C'est seulement lorsque l'amélioration de la production commença à se ralentir et que la stagnation, voire la régression, menaça l'agriculture, qu'une crise P?litique s'ouvrit. Comme ~e fait remarquer Ehrlich, les paysans, une fois satisfaits leurs besoins minimaux en produits industriels, avaient cessé de développer l'approvisionnement en denrées alimentaires. Après, ils préférèrent consommer davantage de leurs propres produits, donner le grain au bétail ou le stocker plutôt que de le vendre sur un marché où la base d'échange contre les produits industriels était si peu satisfaisante. Cette disparité des prix agricoles et industriels reçut le nom imagé de «ciseaux». (Plus tard, pendant le New Deal aux Etats-Unis, on élaborera le concept de parité pour faire face à un problème similaire.) La crise des « ciseaux », pour Boukharine, reflétait une demande insuffisante de la part des paysans, phénomène que l'on pouvait pallier par un accroissement des stimulants. Il s'agissait donc d'abaisser les prix industriels afin de stimuler la demande des paysans et la production de denrées alimentaires pour le marché. En même temps, il fallait autoriser les {>&ysaninsdustrieux à louer des parcelles de terram non exploi-

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