Le Contrat Social - anno V - n. 6 - nov.-dic. 1961

PROPAGANDE ET GUERRE PSYCHOLOGIQQE par Léon Emery RIEN n'est absolument nouveau sous le soleil ; le stratège, le chef politique connurent toujours, au moins d'instinct, le secret des paroles qui meuvent les foules. Tout le monde sait comment Aristophane s'en prend aux démagogues; si l'on juge la caricature trop simpliste, il n'est que de relire dans le Jules César de Shakespeare le prodigieux discours d'Antoine, monument de ruse à demi sincère, exemple insurpassable de la manœuvre par laquelle on retourne une foule. De même, lorsque le guerrier sauvage s'affuble d'un masque de Gorgone et d'un casque cornu, puis se précipite en hurlant sur l'ennemi, il tente de provoquer la panique et de vaincre par ce moyen ; les avions-sirènes de l'an 40 prendront sa relève. Dans tous ces cas on se réfère aisément aux réactions naturelles, mais l'homme possède aujourd'hui les moyens de « conditionner» l'être vivant au point de substituer à sa nature des forces factices maniées du dehors. Nul doute qu'on puisse trouver des précédents dans l'art des sorciers et des magiciens, les légendes véhiculant constamment nombre de faits très réels. Rien n'est donc absolument nouveau, mais il est évident que des procédés vieux comme le monde sont systématiquement développés sous nos yeux de façon monstrueuse et disposent de formidables moyens techniques, tandis qu'ils agissent en des milieux de plus en plus compacts où la psychologie des foules découvre son domaine d'élection. Il en résulte des problèmes sociaux et politiques d'une im\'ortance vitale. Pour tenter de les formuler clairement, et donc en bon ordre, nous allons recourir à une suprosition dont on admettra sans difficulté quelle ne déborde pas beaucoup le réel. Partant de l'idée qu'une milice politique peut Biblioteca Gino Bianco envisager comme possible la totale conquête du monde, concevons que ce programme exige d'abord la prise du pouvoir en un pays déterminé, puis l'organisation monolithique de ce pays appelé à constituer la troupe de choc indispensable à un grand dessein, enfin l'agression contre les autres nations pour les soumettre ou les assimiler. Bien entendu, nous ne considérerons en chacune de ces étapes que ce qui ressortit à la manœuvre des consciences. L ' AGITPRO.P.. Formule cynique, mais d'une précision parfaite. Les communistes savent très bien que la phase préparatoire à toute révolution, c'est l'agitation, la création de l'inquiétude, de la nervosité mécontente. Encore faut-il, dit-on, qu'une certaine situation sociale soit révolutionnaire par elle-même, mais rien n'est plus obscur que cette remarque, vérifiée ou infirmée par l'expérience. Ni en 1789 ni en 1848 la révolution n'était fatale en France et les observateurs les plus raisonnables pouvaient légitimement s'y tromper. Une donnée, en revanche, est fondamentale ; elle révèle dans toute société l'existence d'un principe de conservation auquel le poids des coutumes et des pensées traditionnelles conf ère une énorme efficacité. Si donc les ennemis de l'ordre régnant veulent se frayer une voie à travers les résistances accumulées, ils doivent s'employer à proscrire le calme, la quiétude, la stabilité morale. Peu importent les causes, qu'on provoque d'ailleurs si elles ne se présentent pas spontanément ; c'est à l'atmosphère d'insécurité que l'on confie le soin de troubler les pensées, de débiliter ou de dérégler les volontés. Ainsi s'explique la méthode terroriste, le

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