238 ·municipale, provinciale, etc. - dispose aujourd'hui d'un poids propre qui lui permet d'agir sur le marché des capitaux, à la condition, bien entendu, qu'il soit assez bien géré pour s'y présenter avec autorité, et non en quémandeur. C'est dans ce domaine que les thèses d'Hilferding conservent toujours une grande actualité, notamment celles où il analyse la répartition de la valeur et de la plus-value entre les deux secteurs sous la pression contradictoire des monopoles et de la concurrence. Il est évidemment impossible de les reprendre au pied de la lettre. Aux côtés ·des monopoles capitalistes survivants, nous avons aujourd'hui dans la plupart des nations du monde occidental un nombre croissant de monopoles d'Etat où la formation des prix et des profits n'obéit ni toujours ni nécessairement à des mobiles s'inspirant de principes socialistes ou de l'intérêt général. De même que l'oligarchie du capital financier dispose à sa guise, quoique dans ·certaines limites, de la propriété des actionnaires, bien des administrateurs d'entreprises nationalisées, et la bureaucratie étatique en général, gèrent à leur convenance la propriété des citoyens, dont le contrôle est souvent aussi inefficace que celui des actionnaires. C'est grâce à la méthode d'Hilferding que l'exploration de ces structures nouvelles pourra donner des résultats féconds. Les théoriciens bolchéviques de la période de la nep (1921-1928) s'en étaient d'ailleurs bien rendu compte. C'est pour voir plus clair dans la nature hybride de l'économie soviétique d'alors (coexistence d'un secteur collectif et d'un secteur privé, relativement concurrentiel) que des théoriciens communistes comme Dachkovski, Motylev, Léontiev et Khmelnitskaïa tentèrent d'appliquer les concepts d'Hilferding à la Russie. Le triomphe de Staline fit disparaître l'objet de leurs recherches - l' économie mixte - en même temps que la liberté de discussion qui subsistait encore sur le plan de la théorie économique. * )(,- )(,- Impossible de terminer sans dire un mot de la préface. Etant donné l'importance et l'actualité de l'ouvrage d'Hilferding, on était en droit d'attendre du préfacier, M. Giulio Pietranera, qu'il en fît ressortir les thèses fondamentales, que nous avons bien incomplètement résumées. Or le lecteur qui a pris la peine de lire les soixante-cinq pages de cette préface ignore tout des idées essentielles du livre. Après une brève biographie 8 , le préfacier se lance dans de longues explications sur les concep8. Signalons ici deux erreurs (p. XIII) : 1. il faut lire Ledebour, et non Ledebaur ; 2. lors de la scission des socialistes indépendants allemands de 1922, c'est la majorité qui retourna à la social-démocratie, et la minorité dirigée par Ledebour qui demeura indépendante ; elle ne retourna à aucun « parti communiste ouvrier », contrairement à ce qu'affirme le préfacier. Biblioteca Gino Bianco -, LE CONTRAT SOCIAL tions monétaires d'Hilferding, contestées d'ailleurs aussi par Kautsky et Bauer. On se demande en quoi cette polémique rétrospective peut faire comprendre l'importance du Capital financier pour les problèmes présents. Le préfacier découvre ses batteries quelques pages plus loin lorsqu'il reproche à Hilferding d'avoir versé dans des « positions ·de réformisme utopique » et d'avoir « lutté contre le communisme ». Tout cela pour affirmer, en fin de compte, que Lénine a apporté une « féconde rectification » à la définition « erronée » du capital financier donnée par Hilferding. Le préfacier ne trouve d'ailleurs que deux petites phrases de Lénine pour illustrer cette « rectification », mais il a ainsi sauvé la réputation, chère aux bolchéviks, de Lénine « théoricien de l'impérialisme». Si M. Giulio Pietranera était un de ces nombreux ignorants qui peuplent les services de Moscou, on pourrait se contenter d'un haussement d'épaules. Mais l'incontestable connaiss.1nce dont il fait étalage (il connaît à fond les auteurs classiques et contemporains, non marxistes et marxistes, Marx compris) nous interdit de lui faire l'injure de croire qu'il prend Lénine pour un théoricien de l'impérialisme. Sa mauvaise foi est donc manifeste. Elle l'est d'autant plus qu'il s'abstient de mentionner le seul auteur communiste qui ait réellement produit une théorie de l'impérialisme, à savoir Boukharine. Que l'on approuve ou non les thèses soutenues dans son ouvrage L'Economie mondiale et l'impérialisme, une chose est certaine : Boukharine s'y affirme comme un authentique théoricien. Pourquoi M. Pietranera, qui n'ignore rien, ne le mentionnet-il pas ? Serait-ce parce que Boukharine est pour lui une « non-personne », comme pour Staline et ses successeurs ? Le préfacier a ainsi déposé sa carte de visite, laquelle n'est pas à l'honneur de l'éditeur. LUCIEN LAÙRAT. La roue de l'Histoire FRANK S. MEYER : The Moulding of Communists. The Training of the Communist Cadre. New York 1961, Harcourt, Brace. L'AUTEURde ces lignes a eu l'occasion, en 1957, de discuter de la mentalité communiste avec un ami qui avait rompu quelques années auparavant avec un grand parti communiste d'Europe : jusqu'à quel point les marxistes-léninistes aguerris prennent-ils au sérieux les arguments des noncommunistes qui entretiennent avec eux des relations amicales et qui, dans certains cas, se considèrent comme socialistes ? J'évoquai à ce propos les observations faites au congrès de la Ligue contre l'impérialisme réuni en 1927 à Bruxelles, auquel j'assistais en qualité de jeune communiste. Les camarades organisateurs de
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