QUELQUES « Le Capital financier » A QUELQUES mois d'intervalle, après celle de L' Accumulation de Rosa Luxembourg, nous voici en possession de la traduction italienne intégrale du Capital financier de Rudolf Hi]ferding 1 • Plus de cinquante ans se sont écoulés depuis la première édition allemande. Ce retard n'incombe pas aux éditeurs italiens, qui furent pendant près d'un quart de siècle (19221945) dans l'impossibilité de publier des ouvrages marxistes. Cette excuse n'est pas valable pour les éditeurs français: le public français attend toujours la traduction intégrale de ces deux ouvrages classiques de l'économie marxiste. Le Capital financier est l'une des plus importantes contributions à l'analyse du capitalisme du premier tiers du xxe siècle. Certains phénomènes encore secondaires, voire embryonnaires à l'époque de Marx et dont celui-ci n'avait traité qu'incidemment, avaient pris une ampleur telle que la structure même du système capitaliste s'en trouva modifiée. La figure centrale du Capital de Marx : le capitaliste individuel, à la fois propriétaire et directeur de son entreprise, n'était plus qu'un souvenir dans les branches vitales de l'économie. Il avait cédé sa place de propriétaire à une multitude d'actionnaires et sa fonction de directeur à des agents salariés. La concurrence, relativement peu entravée au milieu du x1xe siècle par les vestiges précapitalistes en voie de résorption, se heurtait de plus en plus à de nouveaux obstacles nés de la concentration capitaliste elle..:même : les monopoles pesaient d'un poids sans cesse plus lourd sur les automatismes classiques réglant, par le mécanisme des prix, la distribution des produits et des revenus. Ce sont ces . phénomènes nouveaux que Le Capital financier se propose d'élucider. Hilferding part, dans la première partie de son ouvrage, de la monnaie et du crédit, celui-ci constituant le fondement des sociétés par actions. Dans la deuxième partie, il étudie la « mobilisation du capital », le 1. Feltrinelli Editore, trad. par Vittorio Sermonti et Saverio Vertone (LXXIII - 498 pp.). Biblioteca Gino Bianco ·, LIVRES rôle du capital bancaire dans la création des sociétés anonymes et la concentration de la puissance entre les mains d'une oligarchie toujours plus restreinte. La troisième partie est consacrée à la limitation de la libre concurrence par les monopoles et aux conséquences qui en résultent pour la formation des prix et le mouvement des profits. Dans la quatrième partie, Hilferding étudie l'influence que les nouvelles structures exercent sur le déroulement du cycle industriel. Dans la cinquième et dernière partie, il est question de la politique économique du capital financier; sont mis en relief les changements intervenus dans l'économie mondiale d~une part, dans la structure sociale d'autre part. Les deux premières parties ne sont, à vrai dire, qu'une introduction essentiellement descriptive, destinée à préparer le lecteur à mieux comprendre les analyses suivantes. Certaines des conceptions développées par Hilferding quant au rôle de la monnaie suscitèrent la contradiction de la plupart des commentateurs (notamment de Karl Kautsky et d'Otto Bauer), lesquels furent d'ailleurs unanimes à approuver toutes les autres thèses de l'auteur. Ce sont celles:..ciqui constituent l'apport original et profond d'Hilf erding au développement de la théorie économique marxiste. Le Capital financier est considéré comme l'un des deux ouvrages types 2 donnant une explication marxiste de l'expansion impérialiste. Hilferding démontre comment la multiplication des monopoles fait obstacle à la péréquation du taux de profit entre les différentes branches, tendance mise en relief par Marx dans le livre III du Capital. Les branches monopolisées s'assurant un taux de profit supérieur à la moyenne, le taux tombe au-dessous de la moyenne dans le secteur concurrentiel. La cartellisation accélère .ainsi la formation du capital additionnel désireux de s'in2. L'autre est L' Accumulation du capital, de Rosa Luxembourg (1913).
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==