Le Contrat Social - anno V - n. 4 - lug.-ago. 1961

P. BARTON de réclusion, et sa fille à trois ans, en vertu de l'article 15 de la loi du 25 décembre 1958 sur la responsabilité pénale pour les crimes contre l'Etat, ainsi libellé : La contrebande, c'est-à-dire le transport illégal de marchandises ou autres valeurs à travers la frontière d'Etat de !'U.R.S.S., commise au moyen de la dissimulation des objets dans des dépôts spéciaux ou à l'aide d'une utilisation frauduleuse de certificats de douane ou autres, ou à une grande échelle, ou par un groupe de personnes qui se sont organisées aux fins de c.ontrebande, ou par un fonctionnaire qui profite de sa position officielle, ainsi que la contrebande de matières explosives, narcotiques, caustiques et vénéneuses, d'armes et d'équipement militaire, sont punies de privation de liberté pour une période allant de trois à dix ans, avec confiscation des biens. Officiellement, Olga Ivinskaïa n'est donc pas une détenue politique. Boris Pasternak avait pressenti cette basse vengeance. Il l'avait préfigurée dans le sort de Lara après la mort de Iouri Jivago : « Un jour, Larissa Fiodorovna sortit et ne revint plus. Sans doute fut-elle arrêtée dans la rue. Elle dut mourir ou disparaître on ne sait où, oubliée sous le numéro anonyme d'une liste perdue, dans un des innombrables camps de concentration du Nord. » En transformant le pressentiment du poète en réalité, les hommes au pouvoir firent de ces lignes un véritable message : dans le roman, l'acte qu'ils venaient de perpétrer se situait sous la terreur stalinienne, qu'ils prétendent avoir reléguée dans un passé sans retour. Administration pénitentiaire LES INFORMATIOoNfSficielles sur l'administration pénitentiaire varient considérablement. En mai 1957 les deux hauts fonctionnaires questionnés par le professeur Harold J. Berman affirmèrent que le fameux Goulag, administration des camps près le ministère de l'Intérieur, avait été dissous par décision du conseil des ministres, en date du 25 octobre 1956 et remplacé par le Gouitk, administration des colonies de travail correctif. Or aucun décret de ce genre n'avait été publié et personne n'en parla plus par la suite. Dans un rapport présenté également en mai 1957 à une conférence sur le droit du travail correctif, le ministre de l'Intérieur exposa longuement les réformes de l'administration pénitentiaire sans souffler mot de celle qui avait été annoncée au professeur Berman (la Justice soviétique, 1957, n° 8, et l'Etat soviétique et le droit, 1957, n° 12). Les informations fournies par ses subordonnés au visiteur américain étaient manifestement fausses. Dans son rapport, le ministre déclara que les Wlblissements pénitentiaires avaient été soustraits à la surveillance directe du ministère de l'Intérieur, qu'ils étaient désormais du ressort des comités exécutifs des soviets régionaux, municipaux et départementaux, et que les soviets locaux et les conseils des ministres des Républiques iblioteca Gino Bianco 225 fédérées étaient tenus de diriger leur travail. Il ne précisa pas la date de ce changement dont on ne trouve pas trace dans les textes législatifs. A en croire le manuel de 1960, la direction de tous les établissements de travail correctif fut confiée en 1957 aux ministères de l'Intérieur des Républiques fédérées et aux administrations des affaires intérieures auprès des comités exécutifs des soviets régionaux et départementaux (Le Droit soviétique du travail correctif, p. 48). Non aux comités exécutifs des soviets, mais bien aux organes de la police. Toutefois, plus d'un an après la réforme signalée dans le manuel, le gouvernement édicta le « Règlement des colonies de travail correctif et des prisons du ministère de l'Intérieur» ; les établissements pénitentiaires ressortissaient donc, après la réforme comme avant, au ministère de l'Intérieur. Les déclarations contraires visent, de toute évidence, à dissimuler l'existence de l'administration centrale, pour créer l'impression qu'à la suite des changements effectués le travail forcé est devenu une affaire d'importance secondaire. Le sort réservé à cette administration après la liquidation du ministère de l'Intérieur, décidée en janvier 1960, n'est pas connu. Il faut supposer, jusqu'à plus ample informé, qu'elle fut maintenue à Moscou, près le conseil des ministres. Le prétendu transfert des prérogatives ne consista probablement qu'à imposer à l'administration centrale, pour la direction des prisons, des colonies et des camps, l'intermédiaire des services territorialement compétents. Jusque-là, les complexes concentrationnaires dépendaient directement de Moscou, ce qui en faisait, surtout pour ceux des régions les plus lointaines, des Etats dans l'Etat. Aussi le ministre de l'Intérieur déclarait-il dans son rapport de mai 1957 que la réorganisation favorisait « une direction concrète des établissements éloignés ». Dans le même esprit, la règle suivant laquelle le ministère public doit contrôler toutes les institutions pénitentiaires fut réaffirméeen 1955 (cf.V. S. Tadévossian: La Surveillance exercée par le procureur en U.R.S.S., Moscou, 1956, pp. 256-270) et les commissions de surveillance auprès des soviets locaux furent rétablies au cours de l'année 1957 (Le Droit soviétique du travail correctif, pp. 123-128). Tous ces changements font partie intégrante de l'ensemble de mesures adoptées par les successeurs de Staline en vue de reprendre en main la police devenue trop indépendante. Le manuel du professeur Outevski exprime la même préoccupation, mais en lui attribuant un caractère qu'elle n'a pas : A propos de l'observation de la légalité socialiste dans l'activité des établissements de travail correctif, il importe de signaler avant tout qu'il n'existe pas de légalité qui soit particulière à leur activité. La légalité socialiste est une (p. 12). En fait, le principe de la lé~lité ne se manifeste guère dans le système pérutentiaire soviétique.

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