ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN U.R.S.S.* par N aoun1 Iasny IL EST DIFFICILE de trouver dans l'histoire économique une période aussi pleine de vicissitudes que l'histoire de l'économie soviétique. Les quarante-trois années qu'elle couvre comprennent des chutes verticales de la production causées par deux grandes guerres, des phases aux taux de développement très élevés, d'autres de stagnation et même de déclin, dont une au moins en temps de paix. Les taux moyens de croissance pour toute la période depuis 1913 - ou 1917 - sont de valeur limitée pour prévoir les tendances futures, puisqu'il n'y a pas de raison de supposer qu'ils permettent de tirer des conclusions solides sur ce que sera l'avenir. Cette réserve vaut également pour les calculs portant sur des périodes plus courtes, de 1928, 1937 ou 1940 jusqu'à ce jour. Le début de l'économie soviétique est marqué par la guerre et une tentative d'introduire le communisme presque du jour au lendemain (période dite du communisme de guerre), qui eut pour effet de réduire l'industrie et les transports pratiquement au point mort, de faire tomber de façon vertigineuse la production agricole et de provoquer une famine générale qui atteignit son point culminant pendant l'hiver 1921-22. Il fallut six ans - période de la nep (nouvelle politique économique) - pour retrouver à peine le niveau de production de 1913. Mais, même après, le développement fut loin d'être uniforme. Au contraire, on constate de grandes différences entre les diverses étapes, qu'il est capital de distinguer les unes des autres. Un caractère leur est cependant commun : elles constituent à elles toutes la grande campagne d'industrialisation, encore en cours aujourd'hui. Quand il s'agit de l'économie soviétique après le rétablissement du niveau de 1913, on a coutume • La présente étude est extraite de l'introduction à un ouvrage consacré à l'économie post-staliniennc qui fera suite à SO'Viet/ndustrialization 1928-52 (Chicago University Press, 1961). Biblioteca Gino Bianco en Occident d'adopter la pratique soviétique consistant à diviser l'histoire économique de !'U.R.S.S. depuis 1928 en périodes quinquennales. On part en effet du principe qu'il s'agit d'une économie planifiée dans laquelle les plans quinquennaux présidaient, comme aujourd'hui le plan septennal, à toute la planification. Dans les écrits officiels soviétiques, les années qui suivirent la mise en vigueur du premier de ces plans ouvrent l'ère des plans quinquennaux. En réalité, ces plans servaient surtout à la propagande. La subdivision en quinquennats, loin d'éclairer les choses, ne sert qu'à les masquer. L'emploi de ce procédé soviétique devrait donc être abandonné par les analystes occidentaux. Il suffit de dire qu'en 18 ans, de 1941 à 1958 inclus, ce n'est que durant une période de quatre ans et neuf mois qu'un plan quinquennal (le quatrième) a été en vigueur, et encore celui-ci n'a-t-il pas été réalisé. Mais la pire erreur est de prendre ces périodes comme étapes du développement économique avant la deuxième guerre mondiale, alors que les plans quinquennaux étaient plus suivis. Même alors, les entractes (vingt mois et demi entre le premier et le second, quinze mois entre le second et le troisième) étaient assez longs. Ce qui est bien plus important que l'absence de plans agréés ou les grands laps de temps entre un plan et le suivant, c'est que ces plans étaient une chose et la réalité une autre. Ce défaut - il n'est pas le seul - est particulièrement prononcé dans les plans antérieurs à la deuxième guerre mondiale, mais non pas parce qu'il s'agit d'une période plus ancienne. Les plans furent en effet plus près de la réalité pendant les périodes favorables aux Soviétiques et celle d'après la deuxième guerre mondiale l'est plus que celle d'avant guerre. La décision de décembre 1960, dont nous parlerons à la fin, est en ~uelque sorte la reconnaissance officielle du fait que les plans quinquennaux n'ont jamais fonctionné normalement ou même n'ont pas fonctionné du tout. Si tant est que la planification eût vraiment fonctionné, elle ne concernait essentiellement que les plans annuels.
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