Le Contrat Social - anno V - n. 4 - lug.-ago. 1961

212 tout l'opposition entre éléments conservateurs et progressistes aussi bien de la droite que du centre. La gauche, elle, se laisse facilement dominer par les communistes et ceux qui sont prêts à les soutenir. Des efforts réitérés pour créer un authentique mouvement socialiste capable de faire concurrence aux communistes ont échoué, les Grecs étant disposés, quelles que soient leurs sympathies personnelles, à identifier socialisme et communisme (conséquence de la collaboration pendant la guerre d'éléments socialistes avec l'E.A.M. ainsi que de l'adoption de l'étiquette socialiste par le front démocratique de 1950). Par contraste avec le centre et la droite, la gauche dominée par l'E.D .A. est fort bien organisée et active dans toutes les régions du pays. De surcroît, ~Ile n'a pas été avare en fait de promesses d'élévation des revenus et du niveau de vie. Les gains de l'E.D .A. et de ses collaborateurs représentent un empiétement sur les voix qui vont normalement aux partis du centre. Si cette tendance devait se poursuivre, elle conduirait à une polarisation entre la droite et la gauche. Certains non-communistes estiment que cette évolution pourrait être salutaire pour la Grèce : le système biparti n'a-t-il pas contribué à garantir le gouvernement démocratique dans des pays tels que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ? L'argument est faible, car pareil système présuppose que les deux partis aient pour premier souci la nation et l'intérêt national, condition qui n'est guère remplie dans le cas de l'E.D .A. puisque les communistes reconnaissent expressément leur allégeance d'abord à Moscou. Ces problèmes socio-économiques ont été aggravés ces dernières années par une évolution défavorable de l'économie et du commerce grecs. Usant d'une tactique probablement conçue à Moscou, les communistes ont été prompts à exploiter cette veine en coordonnant l'intense propagande de l'E.D .A. avec l'offensive commerciale générale du_bloc soviétique. En l'espèce, la chute des exportations grecques empêchait les paysans d'écouler rapidement leur pro?uction, en particulier le tabac. L'E.D.A. lançait en 1958 unë campagne soulignant la nécessité de développer le commerce avec les pays d'Europe orientale qui, affirmait-on, étaient en mesure d'acheter les surplus agricoles grecs. Cette propagande a sans doute eu quelque influence sur les votes de 1958 ( encore que la chute commençât à peine à se faire sentir et que le gros des électeurs de l'E.D.A. résidât dans les centres urbains). Dans la pratique, les accords commerciaux ·conclus avec le bloc soviétique ont soulevé de nouveaux problèmes économiques, puisqu'ils obligent la Grèce à acheter aux «démocraties populaires » des marchandises en échange de sa production agricole. Or certaines étaient déjà produites dans le pays ou importées, et les producteurs directement affectés se plaignent d'être lésés par la concurrence du bloc soviétique. Biblioteca Gino Bianco. L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE La solution n'est évidemment pas facile. Une «issue·» a pourtant été indiquée récemment p~ quelqu'un intéressé à l'affaire, Khrouchtchev lwmême. L'Union soviétique n'a en effet jamais cessé de proclamer hautement que ses offres commerciales ou son aide au développement de la Grèce n'étaient assorties d' « aucune condition politique ». Ce que vaut cette prétention, Khrouchtchev l'a clairement montré dans une déclaration faite à Sophocle Venizelos, chef du parti libéral, qui visita l'U.~.S.S. en ju~ 1960 en compagnie d'un groupe d hommes politiques : L'Union soviétique n'aurait pas de mal à absorber n'importe quels produits agricoles, même s'ils sont produits par les amis de la Russie dans les Balkans et par l'Union soviétique elle-même. Mais !'U.R.S.S. peut difficilement prendre cette initiative économique tant que les relations entre elle et la Grèce ne sont pas bonnes. Et elles ne sont pas bonnes parce que la Grèce a sur son sol des bases américaines 1 • J. Passalidis, chef de l'E.D.A., qui fut aussi du voyage, se faisait l'écho du même thème un mois plus tard ( 1 ~r août 1960) en déclarant au cours d'une conférence de presse que le développement des relations commerciales avec l'Union soviétique et les autres pays «socialistes» ne serait possible que «si des relations amicales existent avec ces pays, ce qui veut dire que le sol de notre pays ne doit pas servir à l'espionnage et à une activité agressive contre !'U.R.S.S., que les porteparole officiels doivent s'abstenir de cultiver un esprit d'inimitié et qu'on ne doit pas faire obstacle ·au développement des relations culturelles » 2 • Epines internationales COMMEle soulignent ces déclarations, les problèmes intérieurs qui ont contribué aux gains de l'E.D .A. sont liés à d'importants problèmes internationaux et peut-être même éclipsés par eux. Si l'objectif premier de la propagande communiste, tel qu'il se reflète dans les remarques de Khrouchtchev, était l'existence de bases américaines en Grèce, le problème qui, pour l'opinion grecque, l'emportait sur tous les autres, était celui de Chypre. Les sympathies de la nation allaient évidemment à la majorité grecque de l'île qui réclamait l'autodétermination. Du point de vue de l'alliance occidentale dans son ensemble, un bouleversement possible des relations entre la Grèce, la Grande-Bretagne et la Turquie, toutes trois membres de l'O.T.A.N., devait être envisagé, et un compromis recherché. Ce qui donna inévitablement aux Grecs le sentiment qu'on sacrifiait le principe de l'autodétermination aux exigences de la solidarité des alliés. L'Union soviétique, pour sa part, soutenait la position de la population I. Voir l'article de M. Venizelos in To Vima, Athènes, 25, 28 et 29 juin 1960. · 2. Texte de la conférence de presse in Avgi·, Athènes, 2 août 1960.

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