132 eux-m!mes n'oseraient sérieusement prétendre que, ce faisant, il ait développé de nouveall?t concepts théoriques. En revanche, Mao . aurait fait œuvre de créateur quand, après le discours « secret » de Khrouchtchev sur les crimes de Staline (février 1956) et l'écraseme~t de la révolution hongroise (automne 195_6)~ Il analy~a. en détail le problème des contradictlons en regune socialiste. Pour tâcher d'y voir plus clair, il faut se rappeler que, comme pour la conférence de 1937, « Sur les contradictions », les récentes entreprises dialectiques de Mao ont des racines soviétiques. Le discours « secret » de Khrouchtchev contenait la substance de la thèse de Mao selon qui, même en régime socialiste, de graves contradictions « non antagoniques » peuvent se manifester entre le pouvoir et le peuple. Cependant Mao exposa en public ce que Khrouchtchev avait déclaré à huis clos devant de hauts fonctionnaires du Parti; et tandis que Khrouchtchev s'en était tenu pour l'essentiel aux faits, Mao, lui, fit un certain nombre de généralisations. Sans innover de façon spectaculaire, ces généralisations ont une grande portée théorique, et davantage encore une importance politique. Elles reflètent de nouveaux rapports entre P_ékinet Moscou : quant à l'ancienneté dans la hiérarchie, Mao peut à juste titre se considérer comme supérieur à Khrouchtchev; ce qui n'empêche naturellement pas que Khrouchtchev représente un pays dont la priorité socio-historique est évidente. Mao décida-t-il, en 1958, de rattraper !'U.R.S.S. en passant du socialisme à la forme « plus avancée » de collectivisme que la doctrine nomme « communisme» ? En 1958, le régime de Pékin installa des communes à caractère communiste évident: le régime s'efforçait de remplacer le principe socialiste « à chacun selon ses œuvres » par le principe communiste « à chacun selon ses besoins ». Mao donna à sa nouvelle politique un fondement «théorique» en parlant d'amalgamer les doctrines de la «révolution ininterrompue » et du « développement par étapes », le progrès étant réalisé par une série de « grands bonds ». Certes, la politique de Mao ne manquait pas d'audace, mais sa théorie n'était pas nouvelle, contrairement aux affirmations péremptoires de ses suiveurs. L'idée marxiste de révolution permanente (dont la « révolution ininterrompue » n'est qu'une variante) se fondait sur le développement par étapes, et la technique des « grands bonds » avait été proclamée à différentes reprises et sous des appellations diverses par Marx et Engels, Lénine, Trotski et Staline. Mao ne prit pas la peine de présenter de façon srstématique son prétendu nouveau concept et n essaya pas d'établir son identité avec les vues marxistesléninistes antérieures, ni son progrès « créateur » par rapport à celles-ci. Mais tout cela ne dimin11epas l'importance politique de la théorie d'amalgame de Mao. En soutenant qu'un pays aussi « arriéré » que la Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL Chine peut, par de « grands bonds », passer rapidement du socialisme au communisme, Mao s'inscrit en faux contre Khrouchtchev qui ne cesse de souligner que la maturation économique et culturelle est indispensable à la marche vers le communisme *. Que signifient ces dissemblances entre Moscou et Pékin ? Dans quelle mesure reflètent-elles des particularités récentes (et peut-être plus anciennes) du comportement politique de Mao ? Pourdonner une réponse raisonnable à ces brèves considérations sur Mao théoricien, on en ajouteraquelques autres sur Mao stratège. EN PRENANT le mot « stratégie » dans son sens classique, on peut dire que les experts n'ont pas tort de considérer les vues de Mao sur la guérilla comme une contribution importante à un aspect peu connu de la pensée militaire. Tout en concédant ce point et en reconnaissant l'habileté de Mao en tant que propagandiste (création de slogans) et instructeur (synthèse et endoctrinement), on se gardera d'oublier que, selon le marxisme-léninisme, la stratégie communiste est essentiellement une stratégie politique, l'action militaire n'étant qu'une de ses manifestations, malgré sa grande importance dans des conditions données. Pour tenter d'identifier la stratégie de Mao, il faut donc se concentrer avant tout sur Mao stratège politique. De ce point de vue, jusqu'en 1949, date à laquelle les communistes étendirent leur domination à toute la Chine continentale, et même jusqu'en 1953 (mort de Staline), la stratégie de Mao fut effectivement celle des grands dirigeants de l'Internationale: Lénine d'abord, puis Staline. En ce sens, la manière dont, jusqu'à ces derniers temps, les communistes chinois caractérisaient le comportement de Mao pendant la période considérée est parfaitement exacte : il appliquait alors de façon créatrice, sans plus, les directives de Moscou aux conditions chinoises. Mao agit à quatre niveaux d'autorité : - de 1921 à 1927, comme dirigeant de deuxième plan; - de 1928 à 1934, il apparaît sur le devant de la scène, sans jouer encore le premier rôle; - de 1935 à 1949, on le trouve à la tête du P.C. chinois et du gouvernement régional communiste qui, à partir de 1947, entreprend de renverser le gouvernement nationaliste ; r:- de 1949 à 1953, il dirige le P.C. et la« Répuoli9ue populaire de Chine», qui s'étend à la Chine continentale tout entière. • Écrit avant la profonde transformation des communet actuellement en cours et qui les rapproche du type kolkhoze, révélant la retraite précipitée de Mao devant les désastret alimentaires provoqués par ses expériences agricoles incon• sidérées ( N.d.l.R.).
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